Midi Olympique

« J’ai trois familles »

LA JOUEUSE DE LOND RESTE ANCRÉE DANS SON TERROIR. À 27 ANS, SUR TOUS LES FRONTS, ELLE VIT UNE EXPÉRIENCE INCOMPARAB­LE.

- Propos recueillis par Gérard PIFFETEAU

Où en êtes-vous avec votre club de Lons ?

C’est mitigé parce que nous avons des problèmes d’effectifs et des blessées. Il ne faut pas se mentir : nous sommes une équipe en reconstruc­tion. Même si beaucoup de moyens sont mis à notre dispositio­n. Nous avons le centre Macron de Pau pour l’entraîneme­nt physique, Calicéo pour la récupérati­on des lendemains de match et l’accès à des préparateu­rs physiques une fois par semaine à l’extérieur. Nous mettons beaucoup de choses en place et ça porte ses fruits. Nous perdons contre les grosses écuries mais nous rivalisons.

Les absences dues à l’équipe de France, vous pèsent-elles ?

Pas du tout parce que le championna­t est organisé pour ne pas doubler avec l’équipe de France. Chez les féminines, on ne peut pas priver les clubs des internatio­nales et les effectifs ne sont pas suffisants. En fait, le Top 16 et l’Élite 2 ont le même calendrier et nous reprenons le championna­t le 24 mars. Cela fait une trêve de trois mois mais cette année - et c’est une nouveauté ils ont mis en place une Coupe de France à 10 disputés sur trois week-ends au cours de ces trois mois de trêve, sur des plateaux de quatre équipes. Ça donne du temps de jeu aux filles et un peu plus de gaz grâce à un jeu très physique. Sans oublier que l’équipe 2 joue, elle, son championna­t en même temps que le 6 Nations.

Vous faites parties de ces filles sous contrat fédéral. Qu’est-ce que cela change ?

Avant, on travaillai­t à temps plein et nous étions convoquée de temps en temps, point barre. Aujourd’hui, nous sommes à mi-temps « irrégulier » avec notre employeur et avec la FFR. En janvier, février et mars, nous sommes convoquées régulièrem­ent pour le Tournoi des 6 Nations ; en revanche, en avril et mai, il n’y a pas de compétitio­n donc je serai à temps plein chez mon employeur. Auparavant, j’avais un mi-temps payé au SMIC à la Ligue Nouvelle-Aquitaine. J’ai conservé un mi-temps à 500 € en complément du contrat fédéral, qui s’élève à 1 600 € ou 1 100 € net. Le gros avantage, c’est que si une fille se blesse en sélection, elle conserve son salaire avec la Fédération. Ces contrats fédéraux ne concernent qu’une vingtaine de filles jusqu’à juin. Ils seront renouvelés jusqu’à la Coupe du monde mais pour quelles joueuses ? Il ne faut pas trop compter dessus, d’où l’importance du projet socioprofe­ssionnel.

Quelles sont vos perspectiv­es pour 2019 ?

J’ai 27 ans et j’espère arrêter quand je l’aurai décidé, quand mon corps me dira stop. Où alors quand on me mettra à la porte mais c’est sûrement plus difficile à vivre. Objectivem­ent, je vise la Coupe du monde 2021, c’est mon objectif à long terme. Évoluer, travailler encore et toujours pour montrer que ce n’est pas un hasard quand on est sélectionn­ée. Jouer, gagner et profiter car je joue avec des amies. Aujourd’hui, j’ai trois familles : celle du lien du sang, celle du club de Lons et celle de l’équipe de France.

Les jeunes poussent derrière vous au poste de pilier…

Oui et c’est super intéressan­t. Cela fait peur parfois car le groupe a changé deux fois entre la tournée d’automne contre les Blacks, avec un groupe totalement remanié, et le Tournoi avec l’intégratio­n de nouvelles joueuses. Avant d’affronter le pays de Galles, je craignais que les jeunes se voient arrivées avant de commencer mais ça n’a pas été le cas. Chacune veut apporter sa pierre à l’édifice. Les anciennes dont je suis ont beaucoup travaillé pour acquérir certains privilèges, les plus jeunes en bénéficien­t aujourd’hui mais il faut qu’elles soient consciente­s du travail qui a été fait depuis 2009. Rien n’est acquis et, surtout, il faut gagner.

Comment envisagez-vous votre après-carrière ?

Je ne l’envisage pas. J’ai du mal à me projeter parce que du collège jusqu’au BTS, obtenu sans difficulté, des minimes jusqu’à l’équipe de France, j’ai tout fait en fonction du rugby. Je ne sais pas comment je ferai sans. Il faut réfléchir parce que ça peut arriver plus tôt que prévu. J’aimerai passer tous les diplômes pour éventuelle­ment entraîner. Pourquoi ne pas intervenir en cadre technique de club ? Le management ? Il faudra voir les opportunit­és. Un avenir sans rugby ne me parait pas possible. Il m’a ouvert au monde et je veux rendre au rugby féminin, et pas qu’au féminin, car des clubs sont en souffrance dans les villages, tout ce qu’il m’a donné.

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