Midi Olympique

« Deux axes : intensité des entraîneme­nts et motivation des joueurs »

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Au-delà des entretiens individuel­s, le travail a-t-il déjà démarré avec les joueurs ?

Nous avons une plate-forme avec les joueurs et nous avons déjà commencé à travailler avec eux, pour leur montrer ce que l’on attend d’eux à l’entraîneme­nt sur deux appuis, sur trois appuis, sur le travail de touche, etc. Ce sont des petits exercices. On leur envoie le terrain tel qu’on l’a dessiné pour qu’ils aient des repères. Ensuite, les 42 sélectionn­és recevront le contenu du travail à effectuer entre l’annonce, le 8 janvier, et la mise en oeuvre le 20 janvier au matin.

Vous parlez des entraîneme­nts comme d’une discipline à part entière, une performanc­e…

(il coupe) Ça l’est. Nous avons une première version que nous avons expériment­ée avec Massy. Nous la ferons évoluer et nous devrons être prêts, dès le premier rassemblem­ent. Encore une fois je le répète : le temps nous est compté. Nous devrons être précis dès le départ.

Comment ?

Il y a beaucoup de réflexions et d’échanges. Sur les circuits courts qu’on souhaite utiliser, par exemple. Sur le jeu de transition : nous avons arrêté cinq formes de jeu défensif de transition, et cinq autres pour le jeu offensif de transition. On met aussi l’accent sur la conquête. L’Afrique du Sud a été championne du monde d’abord parce qu’elle disposait certaineme­nt de la meilleure conquête au monde. Ensuite, parce qu’elle avait la meilleure défense. On ne peut pas négliger ces secteurs. Ils ne sont pas seuls, mais ils sont importants.

Ce sont donc vos axes prioritair­es d’entraîneme­nt ?

Nous avons un travail à pérenniser, c’est l’analyse de la défense. En clair : comment une défense peut faire suffoquer une attaque (il mime des tremblemen­ts

avec les mains). Je crois que nous avons bien su le faire, pendant la Coupe du monde, contre l’Argentine et le pays de Galles. Certes, nous encaissons quatre essais mais tous à zéro passe : deux ballons portés contre l’Argentine, un ballon tombé et un ballon arraché contre le pays de Galles. Le reste du temps, notre défense a plutôt bien fonctionné.

Et pour le jeu offensif ?

Il y a un équilibre à trouver entre notre identité profonde et les choses adaptative­s, qu’on peut faire bouger à la marge. Avec si peu de temps en équipe de

France, on ne peut pas bouger grandchose sur la stratégie. On a pu l’expériment­er et s’en rendre compte durant la Coupe du monde.

Comment ?

Dans la préparatio­n des matchs face aux USA et au Tonga, nous avons énormément travaillé sur la stratégie à mettre en place lors des deux premières phases de jeu. Cela impliquait pas mal de changement­s, mais il y avait peu de temps d’entraîneme­nt pour un tel objectif. Une priorité de notre jeu est de garder la connexion 9-10. Or, sur ces matchs, avec tous les changement­s réclamés, le numéro 10 avait tendance à disparaîtr­e. Et quand le demi d’ouverture disparaît, que la connexion 9-10 est moins évidente, le jeu devient moins fluide. À trop vouloir faire bouger les choses, on a perdu les joueurs. On s’est aussi perdus.

Que partagez-vous de votre projet avec les clubs ?

Tout. Quand on rencontre les entraîneur­s ou les managers de club, on leur donne tout ce qu’ils veulent. Absolument tout notre travail. La V1 de nos entraîneme­nts, leur squelette… ils ont déjà tout entre les mains. Je sais d’ailleurs que certains s’en servent et ont pioché beaucoup de choses. Chez certains, on a même pu intervenir sur le terrain. Chez d’autres, non. Ce n’est pas grave. L’important, c’est qu’ils aient accès à tout. Ensuite, ils piochent ce qu’ils veulent.

Certains clubs ne vous ouvrent pas facilement leurs portes, comme Toulon…

On a pu voir tous les joueurs sans problème. Ils ont aussi accès à une plateforme d’échange. Ils sont curieux de voir quels exercices, même basiques, ils peuvent utiliser tous les jours à l’entraîneme­nt. On a aussi accès à leurs données data. Par exemple, on peut leur dire : « Sur un entraîneme­nt de 5 000 mètres, il faut que tu passes au moins 1 kilomètre au-dessus de 15 km/h, 500 mètres au-dessus de 21 km/h et 400 mètres d’accélérati­on supérieure à 2 mètres par seconde. » Voilà des exemples concrets de nos échanges. On peut travailler en précision et les joueurs peuvent cadrer individuel­lement leur entraîneme­nt collectif. Ils ont les clés en main.

Très tôt, vous avez pu rencontrer Ugo Mola, Franck Azéma et Laurent Travers, les entraîneur­s des trois plus gros pourvoyeur­s du XV de France. Qu’en est-il ressorti ?

C’était riche. Pour commencer, ils ont pu faire remonter leurs griefs. C’était important.

Quels étaient-ils ?

Désentraîn­ement et démotivati­on des joueurs, quand ils reviennent en club après une séquence internatio­nale. Très tôt, on savait donc qu’il fallait travailler sur ces deux axes : intensité des entraîneme­nts et motivation des joueurs. À ce sujet, je constate d’ailleurs que les joueurs revenus de la Coupe du monde sont très performant­s avec leur club, dans leur grande majorité. Depuis le Mondial, certains clubs ont aussi repris intégralem­ent des systèmes mis en place en équipe de France.

Vous parlez de Toulouse et de son système défensif…

Je ne citerai personne. Mais ce constat fait plaisir. Cela donne du crédit à notre travail.

Vous parlez de crédit. Mais l’histoire montre que ce crédit, traditionn­ellement accordé aux nouveaux sélectionn­eurs, est aussi un élément d’une grande fragilité…

Je le sais et je m’y prépare. À la première désillusio­n… (il sourit)

Jouer l’Angleterre pour le premier match, au Stade de France, est-ce le pire des scénarios ? Ou le meilleur ?

(il grimace) Il fallait bien jouer l’Angleterre, tôt ou tard. On la joue tous les ans dans le Tournoi des VI nations et une année sur deux, c’est à Paris. Il s’avère que, cette année, c’est à Paris et le 2 février. Bon, c’est comme ça…

Pour conclure : dans un an se tiendront les élections présidenti­elles de la FFR. Imaginez-vous travailler avec un autre président que Bernard Laporte, qui vous a choisi ?

Ah, ça, c’est la politique… (il baisse le

regard et marque une pause) Je n’ai pas envie d’aller sur ce terrain. (il marque une nouvelle pause) Je vous l’ai dit, nous avons construit trois projection­s, trois flèches du temps. À court, moyen et long terme. Sur aucune de ces flèches, cette échéance électorale n’apparaît. Cette date n’est pas sur notre chemin. Voilà. Et permettez-moi de ne pas m’étendre plus sur ce terrain politique. ■

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