Midi Olympique

À ceux qui disent stop

- Par Marc DUZAN

Ils sont des dizaines à avoir, délibéréme­nt ou pas, échappé à une carrière profession­nelle. Ils s’appellent Aurélien B., Grégory P., Erwann L., Léo G. Entre 2002 et 2017, ils ont tous fait partie du pôle France, la promotion qui regroupait, année après année, les trente meilleurs rugbymen du pays. Un matin d’été, ils avaient quitté Auch, Narbonne, Biarritz ou Clermont-Ferrand pour rejoindre le CNR de Marcoussis, où la DTN les façonnerai­t pour qu’ils deviennent, un jour ou l’autre, les internatio­naux de demain. Ils avaient des rêves et dans l’Essonne, ils portaient en eux la fierté d’un club formateur, le contenteme­nt d’un papa rugbyphile, la certitude d’incarner, cocotte au poitrail, l’élite du pays pour un morceau d’éternité. Et puis ? La porte s’est violemment refermée. Pour beaucoup d’entre eux, il n’y eut ni suite, ni Marseillai­se, ni contrat. Les oubliés du rugby pro ont tourné le dos à leur sport ou, plus généraleme­nt, grossi les effectifs de Fédérale. On exagère ? Reprenez comme nous les listings de « feu » le pôle France, vous constatere­z avec émoi que la moitié des mômes de ces promotions ne poussa jamais la porte du Top 14 ou de la D2…

Alors, le rugby pro a ses réussites : un certain sens du spectacle, une aptitude atavique à créer des emplois, le pouvoir d’offrir à l’ovale une chance unique d’étendre ses frontières naturelles. Il a aussi ses victimes collatéral­es et, d’une certaine façon, les quelques centaines d’oubliés du pôle France en font tous partie. Par respect pour ceux qui l’ont approchée sans la conquérir, par égard pour ceux qui ont échoué dans leur quête, saccageant leur rêve et, par ricochets, celui de leurs proches, on ne devrait donc jamais annoncer la fin de sa carrière en équipe de France. Que Wesley Fofana, Louis Picamoles, Rémi Lamerat et Sébastien Vahaamahin­a assument face caméra en avoir terminé avec la sélection bien avant que leur corps l’ait décidé pour eux me trouble, me navre ou m’attriste, selon le jour. Et à ceux qui disent « stop », je préférerai­s toujours ceux qui, comme le grand Wynand Claassen, expliquait il y a peu : « À bientôt 70 ans, je n’ai toujours pas annoncé la fin de ma carrière internatio­nale. Parce qu’au fond de moi, j’ai toujours le secret espoir que les Springboks m’appellent… »

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