Midi Olympique

LE FRONT POPULAIRE

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Et si c’était la première victoire des Bleus ? Au-delà des succès - imparfaits dans le contenu - face aux Anglais et aux Italiens, l’équipe de France a réussi son premier pari : séduire son public. Un Stade de France plein à craquer, des audiences impression­nantes et, de manière générale, un enthousias­me aussi évident que viral. La preuve ? Ils étaient mille supporters présents à Marcoussis samedi pour l’entraîneme­nt ouvert. Total jamais atteint depuis 2007. Il ne s’agit pas, après une décennie marquée par les échecs et le désamour, de verser dans l’enflammade naïve et excessive. Tout bon amateur de rugby sait que ce XV de France doit, pour l’instant, son excellent départ davantage aux exploits individuel­s de ses talents qu’à une symphonie huilée. Mais les faits sont là : une première place provisoire dans le Tournoi des 6 Nations. Et il faut avouer qu’il est plus aisé de rassembler derrière soi quand on gagne.

N’empêche, il serait intéressan­t d’imaginer les réactions si cette sélection avait aligné les deux mêmes matchs avec les Guirado, Slimani, Lauret, Picamoles, Machenaud ou Huget dans leurs rangs plutôt que les Marchand, Haouas, Cros, Alldritt, Dupont, Bouthier et autres… Il y a même fort à parier que la ferveur serait bien moindre. Et il y a une forme de logique ici.

Le grand public avait besoin de renouveau, d’un véritable vent de fraîcheur. Il le réclamait de ses voeux et cela passait forcément par un renouvelle­ment de l’effectif, autant que par son rajeunisse­ment. Chacun en pensera ce qu’il veut mais des gamins sur le terrain, c’est à la fois populaire et vendeur. Voilà qui tombait à pic avec cette double génération dorée qui pointait le bout de son nez, championne du monde chez les moins de 20 ans en 2018 et 2019. Bamba et Ntamack étaient déjà retenus pour le Mondial. Barassi les avait rejoints au Japon. Vincent et Woki ont fait leurs premiers pas sur la scène internatio­nale ces dernières semaines, quand Gros, Geraci et Carbonel ont pris la températur­e du groupe. Et Tauzin va désormais en faire de même.

JOUEURS SPECTACULA­IRES ET ENTRAÎNEUR­S MÉDIATIQUE­S

L’autre aubaine dans l’opération séduction, c’est le profil des hommes qui composent actuelleme­nt cette équipe. Comme cela fut encore évident devant le XV de la Rose ou les Transalpin­s, les Dupont, Ntamack, Fickou, Vakatawa, Thomas, Rattez, Serin, Jalibert, ou même les troisième ligne Ollivon et Alldritt, possèdent des profils de jeu spectacula­ires. Des garçons capables, sur un appui ou une course, de faire des différence­s impression­nantes. Et, outre le fait d’être diablement efficace, cela a le mérite de plaire. Aux initiés, mais aussi et même peut-être surtout aux novices devant leur télévision. Bien évidemment, il est plus simple de bâtir une notoriété d’ampleur autour d’eux, et ainsi de remplir les stades, ce dont les responsabl­es fédéraux ont conscience. Forcément, derrière, il y aura les recettes publicitai­res qui en découleron­t dans un deuxième temps. Car il est également plus facile de communique­r et d’attirer des partenaire­s avec des mecs « bankables » selon l’expression à la mode. S’il est trop tôt pour tirer déjà des conclusion­s sur ce plan, l’espoir est en tout de mise. Et c’est une belle nouvelle…

Enfin, et ce n’est sûrement pas à minimiser, les gens peuvent aussi s’identifier aux membres du staff actuel. Pourquoi ? Essentiell­ement parce que le manager Raphaël Ibanez et le sélectionn­eur Fabien Galthié sont des personnage­s publics et médiatique­s. Le fruit de leurs longues années de commentate­urs pour France Télévision­s sur les matchs de l’équipe de France justement. Ces deux-là avaient investi les salons aux quatre coins du pays et sont ainsi devenus des visages familiers. Alors, pour souligner cette cohésion nationale (au moins de passage), ce n’est pas un hasard si, forçant grossièrem­ent le trait, Galthié avait parlé de « récompense pour les joueurs, le staff, le public mais aussi pour la Fédération, la Ligue, les clubs profession­nels et ceux amateurs » après la victoire contre l’Angleterre. L’entrain, quitte à en faire des caisses, ça se cultive.

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