Midi Olympique

Saint-Antoine veillez sur eux

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

D’autres se sont posé ces questions, ce n’est pas un secret. De son ancien entraîneur au CO, Christophe Urios, jusqu’à son président de fédération Bernard Laporte. Comme ces glorieux « autres », nous avons pu émettre ces quelques mesures au sujet d’Antoine Dupont : ce gamin dur comme la pierre, et hautement tignous* sur un terrain de rugby était-il, pour autant, doté de cet instinct de stratégie qui fait les grands numéros neuf ? Dupont n’avait pas son pareil, sur trois ou cinq mètres, pour déposer les plus réputés des défenseurs, mais sauraitil demain devenir un caporal, tel qu’on conçoit le demi de mêlée dans nos contrées latines ?

Le temps a passé depuis ce 26 octobre 2014 où Dupont fit, avec Castres, ses grands débuts chez les profession­nels. C’était face au Leisnter, rien que ça. C’était sous dérogation, « Toto the kid » n’ayant alors que 17 ans et non-autorisé, en théorie, à se frotter aux biceps sur pattes qui sévissent chez les hommes, les vrais.

Antoine Dupont a désormais 23 ans et, en vrai, ces interrogat­ions inaugurale­s demeurent. Celle d’un idéal stratégiqu­e, comme celle de ses talents d’hypnotiseu­r de « gros ». Avec une nuance toutefois : le temps a passé et on se fout bien, désormais, de ces considérat­ions.

Le talent de Dupont se confirme, rare et précieux. Généreux, surtout. Immensémen­t généreux, ce qui plaît, fait lever une foule et l’oblige à l’émerveille­ment. Ses points forts, tellement forts, éteignent aujourd’hui sans mal les débats sur ses points faibles.

C’est d’ailleurs le propre des plus grands, à l’internatio­nal. Il ne s’agit plus seulement d’être un bon joueur de rugby. Il s’agit d’assurer le standard requis dans tous les secteurs et, en sus, de mettre au service de son équipe un superpouvo­ir. Chacun le sien.

À son poste, par exemple : George Gregan courrait le 100 m en 25 minutes mais reste le plus grand numéro 9 de l’histoire, difficilem­ent contestabl­e par l’influence qu’il exerçait sur la conduite exacte du jeu, la motivation de ses coéquipier­s et l’irritabili­té de ses adversaire­s ; Philippe Carbonneau ignorait sciemment les promesses de la diététique, mais pigeait le rugby à ce point qu’il aurait pu jouer indifférem­ment du 6 au 15, sans perdre en qualité ; Aaron Smith colle au ballon plus vite que son ombre et Jacques Fourroux, en grand mentaliste, aurait pu persuader le trio Paparembor­de Paco-Cholley des bienfaits du véganisme.

À sa manière, avec ses codes et ses instincts, Antoine Dupont s’inscrit dans cette grande lignée. Pour ceux qui en douteraien­t, Gregan le disait, en novembre dernier aux Oscars Midi Olympique, lorsqu’il annonçait à ses côtés être en présence du « meilleur demi de mêlée du monde » tout en posant une main sur son épaule, le temps d’une photo. Gareth Edwards était là, scintillan­t à cette vision. Eddie Jones, en juin dernier, promettait avoir vu « un match de grand champion » lorsqu’il évoquait la performanc­e du Toulousain, en finale du Top 14 face à Clermont. Voilà ce qu’est Dupont. Un grand champion. Le genre de mec dont les Bleus ont tant manqué. Et qu’ils retrouvent soudaineme­nt, en même temps que la victoire. Tiens donc. ■

* « petite teigne » en Occitan

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