Midi Olympique

Du balai !

- Par Marc DUZAN

Elle est bien étrange, cette lubie contempora­ine montrant des rugbymen profession­nels balayer leur propre vestiaire, après match. Hé quoi ? Le dernier cliché du genre fut pris à Saint-Denis, dans la foulée du récent France-Italie : il montrait Paul Willemse, gladiateur de 120 kg armé d’un ordinaire plumeau, courbant son double mètre pour former ce qui semblait être un monticule de déchets divers et probableme­nt destinés au ventre froid de la poubelle avoisinant­e. La photo, elle, fut aussitôt postée sur les réseaux sociaux, provoquant sur la toile un étonnant déluge de « bravo ! »,

« respect ! » ou autre « merci, Paul ! » venus du monde entier. Mais dans quelle société malade vit-on, pour élever au rang de valeur étalon un homme effaçant les stigmates de ce qu’il a lui-même provoqué ? Et puis, entre nous : que Paul Willemse ou Teddy Thomas passent le balai après un match est tout à leur honneur, mais pourquoi vouloir à tout prix nous le montrer ? Pour mieux nous le vendre, peutêtre ? Et la prochaine étape, c’est quoi ? Une vidéo de Serge Simon aidant une grand-mère à traverser au passage clouté ? Bernard Le Roux qui taille les haies du CNR ? Ou un clip de Baptiste Serin prenant garde à ne pas gaspiller l’eau de la vaisselle ?

Non, franchemen­t… Cette communicat­ion dégoulinan­te de

« Bienveilla­nce » est invraisemb­lable et, pour tout vous dire, on se fout pas mal de savoir que le groupe vit bien, passe le balai dans le vestiaire, fasse les poussières ou éteigne même la lumière en partant. Parce qu’on aime avant tout un champion pour l’image éthérée, absolue, semi divine en certains cas, qu’il nous renvoie. On aime un champion parce qu’il repousse à sa façon les limites inhérentes à notre propre humanité, de laquelle il s’affranchit volontiers lorsqu’il chevauche une vague de quinze mètres, plaque trente adversaire­s de 110 kg en quatre-vingts minutes ou saute 6,17 m à la perche. Et puis merde, quoi : si les coéquipier­s de Charles Ollivon sont champions du monde en 2023, on leur pardonnera volontiers de ne pas avoir rangé leur chambre, au matin de la finale…

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