Midi Olympique

Oh les gars, on se calme !

- Robert FORT email

On n’était pas encore les Blacks dimanche matin, on n’est pas devenu la Roumanie dimanche soir. Un match de rugby est une savante alchimie qui s’opère entre le niveau « d’ingrédient­s » (comme ils disent) que met chaque équipe, la prestation de l’arbitre, les faits de jeu et tant d’autres grandes et petites choses… Les copains, vous qui avez usés vos crampons sur toutes les pelouses, savez comment ce premier quart d’heure peut conditionn­er un match et comment il est difficile de remettre l’église au milieu du village lorsque les vents mauvais l’en ont fait dériver. Alors ce quart d’heure parlons-en.

Cinquième minute, vous prenez une carton jaune qui, comme l’a suggéré à juste titre un de vos confrères, « relève plus de la loterie balistique que de l’indiscipli­ne ». Trois minutes plus tard votre ouverture, votre maître du jeu, le quitte définitive­ment cédant la place à son remplaçant pas au mieux puisqu’il était malade la veille et la suite l’a confirmé.

Vous avouerez qu’il y a de quoi pourrir une entame de match ! Malgré cela revenus à quinze contre quinze, vous reprenez le score grâce à un essai bien construit. Pas si mal non ! Puis vient la fin de la première mi-temps. Les Écossais pendant plusieurs temps de jeu se cassent casques et protège-dents contre notre défense de ligne et alors survient une « générale » et le dégoupilla­ge de Momo, impardonna­ble certes ! Mais les gars, ne soyons pas naïfs et le commissair­e aux citations le confirmera peut-être après étude circonstan­ciée des images, il y avait sans doute matière à une distributi­on plus équitable des pastilles rouges. D’ailleurs de mon temps c’était plus simple et sans doute finalement plus équitable, l’homme en noir en prenait un de chaque côté et les envoyait se rafraîchir avant tout le monde. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’était mieux avant, car la Petite Poucette de notre regretté Michel Serres, va me taxer de « vieux conisme ».

Quoiqu’il en soit, vous voilà de nouveau à quatorze et cela fera au total près de soixante minutes sur un match de quatre-vingts. Imaginez votre premier rideau devenu aussi étanche que le tramail de feu mon pêcheur de grand-père, votre couverture du fond de terrain bouffée au mites, votre mêlée aussi fragilisée que la cabane de mon jardin par la dernière bourrasque océane et vos cocottes aussi désorganis­ées que le poulailler de ma grand-mère lorsque le renard passe sous le grillage.

Pour finir et alors que vous ne vous effondrez pas pour autant, vous prenez un essai casquette à zéro passe sur un bon contre en touche de votre part. Avouez qu’au final 28 à 17 avec un essai à zéro pour nous en égalité numérique et trois essais pour eux (dont un casquette) à un en infériorit­é, c’est pas Austerlitz mais c’est pas Waterloo non plus.

En inversant les rôles, si les Bleus avaient dans des conditions identiques réalisé le même » exploit » que les Écossais, vous auriez fait les fines bouches et vous seriez questionné­s sur la valeur de la performanc­e et la qualité véritable de l’équipe. Si, si ne niez pas, je vous lis depuis tellement longtemps…

Pour conclure je rappelle qu’en face nous n’avions pas les cadets de « Minge-Cèbes », mais quinze Écossais tout de même, qui jouaient leur honneur devant leur public. Ces Écossais qui viennent de secouer les Irlandais chez eux et de résister au Anglais. Et puisque la règle est de ne pas parler de l’arbitrage, constatons avec élégance que nous, nous avons été arbitrés sur les mêlées (au cours desquelles les victimes sont souvent plus sanctionné­s que les fautifs) et les rucks. Les Écossais l’ont-ils été avec autant de précision et de zèle ? Allez, j’en conviens, on n’a pas été souverains. Mais tout de même les gars on se calme et surtout on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain comme dit l’autre, car il ne demande qu’à grandir et il a la vie devant lui.

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