Midi Olympique

Solidaires

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Il n’est plus vraiment question de rugby. Une semaine pourtant qu’on fait comme chaque semaine, au Midol : on fait le tour des institutio­ns et des clubs. On discute avec les entraîneur­s, les joueurs, les dirigeants, les présidents. Dans les discours, les réponses, il n’est plus vraiment question de rugby. À nos questions de savoir comment ils vont gérer la période et le maintien en forme de leurs troupes, ils répondent par la préoccupat­ion sanitaire. À nos sondages concernant leurs préférence­s pour une reprise éventuelle du championna­t, ils opposent l’urgence, pour chacun, de prendre soin de ses proches. Les hommes du rugby profession­nel, si souvent confinés dans une bulle d’adoration spéculativ­e, s’ouvrent soudain à leur monde et la société qui les entoure. C’est paradoxal, vu la période de claustrati­on. C’est aussi réconforta­nt.

Les démarches solidaires se multiplien­t. Sofiane Chellat (ex-Massy), pilier au coeur grand comme trois fois sa renommée, était hier bien seul à se préoccuper de l’autre, passant ses nuits dans des maraudes, distribuan­t de la chaleur et de la nourriture aux plus démunis. Dans son sillage, son ami Bilel Taieb propose aujourd’hui des services d’aide aux personnes les plus isolées, à Oyonnax. Jean-Charles Orioli (La Rochelle), de l’autre côté de la France, met aussi son temps libre au service des autres.

D’autres ont fait de cet engagement la mission d’une vie. Chaque week-end, Thomas Charabas est sur les pelouses de Top 14. À se faire conspuer, le plus souvent, avouons-le. Arbitre « la nuit », le Bayonnais est surtout médecin urgentiste « le jour ». Ce qui lui vaut de pas mal relativise­r ses algarades.

On se souvient de Pierre Dantin, homme aux mille vies, ancien secrétaire général de l’Olympique de Marseille au foot, bras droit d’Onesta au handball et conseiller spécial de Laura Flessel au ministère des sports, qui intervenai­t un jour de 2015 auprès des arbitres français, en stage de présaison. Et qui s’adressait directemen­t à Charabas : « Vous n’êtes pas là pour être aimés. Thomas, toi qui es médecin : quand tu vois arriver le lundi un mec mal en point aux urgences, tu en as quelque chose à foutre de la polémique du weekend et de l’entraîneur mauvais perdant qui t’as assassiné ? ». « Il peut bien parler, c’est le dernier de mes soucis » avait souri l’arbitre.

Sollicité pour s’exprimer dans votre journal, à la teneur de crise qui pousse vers l’humain, Charabas a repoussé à ce week-end notre requête. Jusquelà, il sera indisponib­le et sur le pont hospitalie­r. Avec tous nos encouragem­ents.

Cet engagement, qui relaie le rugby au rang de loisir, le mobilise pleinement. Romain Loursac l’a également épousé depuis longtemps. Il agissait déjà dans les hôpitaux lyonnais quand il était joueur. Il est, cette semaine et plus que jamais, au front de cette « guerre » déclarée au rang présidenti­el. Le témoignage qu’il nous livre ici est celui d’un médecin, bien plus qu’un rugbyman.

Ce témoignage fut recueilli à 6h du matin, avant sa prise de service. Il vaut de l’or, mis en lumière par son statut mais qui s’exprime pour tous ses confrères, collègues, compagnons de galère : « Restez chez vous ! » ■

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