« Une situation paradoxale »
PAUL TREMSAL - Président d’Orsay (Fédérale 2) PRÉSIDENT DEPUIS 20 ANS DE SON CLUB, IL ANALYSE LA SITUATION ACTUELLE SOUS L’ANGLE DE SES PROFITS. PARADOXAL MAIS RÉCONFORTANT.
En tant que président d’un club de
Fédérale 2, et qui pouvait jouer pour une accession en Fédérale 1, de quelle manière jugez-vous cette période sans compétition, et la possibilité d’une année blanche ?
Je vais vous livrer une impression étonnante : en cette période de début de confinement (N.D.L.R.,
l’interview a été réalisée mercredi), je suis saisi par le côté paradoxal de la situation. Nos clubs sont un peu en souffrance, comme notre système de santé. Je parle de la souffrance liée à l’encadrement de nos activités, qu’elles soient administratives ou sportives. La crise du bénévolat est ancrée. Et bien en ce moment, ces bénévoles, qui toutes les semaines et tous les week-ends se démultiplient pour rendre possible la pratique, ils sont chez eux en famille. Leurs préoccupations se sont reportées sur leurs proches. Notre charge associative s’est allégée de tout son poids. C’est bête à dire, mais ça fait du bien.
Ce poids est-il devenu si énorme ?
Oui, et pour des gens de ma génération, qui ont vu les transformations, ce n’est pas seulement un poids, c’est aussi une modification profonde de notre façon de fonctionner. Lorsque je suis devenu président d’Orsay, combien de retraités donnaient tout leur temps au club ? Je me souviens de cette kinésithérapeute qui me suppliait de lui fournir la clef de l’armoire à pharmacie, tenue par notre bénévole responsable. Elle devait lui dire combien de centimètres d’élasto il lui fallait. Et si c’était 25 centimètres, je peux vous dire qu’elle n’en recevait pas 26. Quand je passe dans un vestiaire après un match et que je vois joncher par terre tous nos restes, je me dis que nous faisions bien des économies à l’époque. Nous bénéficions aussi d’un folklore. Et surtout, nous n’avions pas besoin de nous démultiplier pour assurer ces tâches tenues fermement pas des gens très engagés.
Quel profil de personnes les a remplacés ?
Chez nous, là où il y avait un retraité, nous avons maintenant trois actifs qui se partagent le boulot sur leur temps libre. Et je peux vous dire qu’à Orsay, ils oeuvrent beaucoup. Je crois vraiment que cette période en famille sera assez régénérante pour nous tous.
Quel impact aura sur votre club cet arrêt de l’activité ?
Franchement, le plus gros impact que j’ai subi, c’est de n’avoir pas pu envoyer nos moins de 12 ans au Stade de France aux côtés de l’équipe de France. Ils avaient remporté le concours fédéral avec leur vidéo, et ils devaient y aller à vingt-quatre. Quand le match a été annulé, mon maraîcher m’a dit qu’il avait servi la mère de l’un de ces enfants qui était en pleurs, parce qu’il ne pouvait plus y aller. Ça m’a rendu triste. Et j’espère qu’il pourra y participer le 31 octobre, quand le match sera rejoué. Parce que ce rôle d’accompagnateur des joueurs à leur entrée sur la pelouse, pour des questions esthétiques, est réservé à des enfants d’une taille limitée. J’espère pour lui qu’il n’aura pas trop grandi d’ici là…
Pas d’autres dommages, sportifs ou financiers ?
Aucun, même au contraire. Notre club aspire à une montée en Fédérale 1, mais sa santé générale ne dépend pas de notre réussite sportive. Si nous devions vivre une année blanche, complètement annulée, cela ne nous importerait pas du tout. Sur le plan financier, Orsay fera des économies. Nous ne sommes pas au Pays basque. Notre billetterie et l’activité de notre club-house ne comptent pas grand-chose dans notre budget de 500 000 euros. Et nous n’avons aucun contrat de joueur à honorer. En revanche, nous serons allégés des dépenses liées à nos déplacements, et plus généralement, à tout ce qui touche à la vie de nos équipes.
À combien chiffrez-vous cette économie ?
Si la saison devenait blanche, nous n’aurions disputé que les deux tiers des championnats. Nous allons donc économiser le tiers de la saison. Pour nous, c’est 150 000 euros. C’est aussi simple que cela. Je ne vous dis pas que je m’en réjouis. Mais à l’heure de faire le bilan de cette période, cela doit être pris en compte. Je suis un éternel optimiste. Je vois toujours les choses sous l’angle des opportunités à saisir. Le rugby va commencer à beaucoup nous manquer, c’est indéniable. De mon côté, je me réjouis à l’image du premier entraînement que nous organiserons quand ce sera possible, avec tous les enfants, et leur joie de revenir. Nous vivrons un moment d’exaltation et de lien social. Dans la frustration de notre confinement, sachons que ce moment arrivera, et attendons-le.