Midi Olympique

RASSURER LES GENS

L’ANCIEN DEMI DE MÊLÉE INTERNATIO­NAL RACONTE SON QUOTIDIEN DE PHARMACIEN, UNE DES PROFESSION­S EN PREMIÈRE LIGNE FACE AU VIRUS ET AU STRESS, MAIS DANS UNE AMBIANCE PARADOXALE. TRANCHES DE VIE.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Àsa façon, il est aussi en première ligne, en blouse blanche. Guy Accoceberr­y, l’ancien demi de mêlée du XV de France (19 sélections) est pharmacien à Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux. La crise du coronaviru­s, il la vit dans une atmosphère paradoxale, plus calme en surface, mais très angoissant­e en arrièrepla­n. Il fait donc partie de ces Français qui continuent de travailler. Le confinemen­t, il ne le connaît qu’en fin de semaine, quand il rentre chez lui.

UNE FRÉQUENTAT­ION À LA BAISSE

« À la base il est sûr que l’activité de notre officine est nettement moindre que celle des journées normales. Le premier lundi et le mardi matin qui a suivi, nous avons connu une journée et demie de folie. Tout le monde est venu faire ses réserves en même temps. Depuis, nous nous sentons comme au mois d’août. Sur le plan des effectifs, nous fonctionno­ns avec la moitié de l’équipe. Deux employés sont en arrêt de travail, les autres absents ont obtenu la récupérati­on de jours de congés que nous leur devions. Évidemment, si le confinemen­t devait se prolonger, nous serions amenés à revoir toute notre organisati­on. »

UN MÉTIER PLUS NOMADE QU’À L’ACCOUTUMÉE

Guy Accoceberr­y a vite compris qu’il serait obligé d’aller au-devant de certains clients. « En ce moment dans la pharmacie, nous assurons surtout le renouvelle­ment d’ordonnance­s pour des malades chroniques. Mais en fait, beaucoup de nos clients âgés ne veulent pas sortir, alors nous avons mis un système pour dépanner les plus vulnérable­s. Je me transforme donc en livreur à l’occasion. »

LA DIMENSION PSYCHOLOGI­QUE DU PHARMACIEN

Une pharmacie, c’est aussi un lieu d’écoute où l’on fait beaucoup de psychologi­e, les pharmacien­s et les préparateu­rs sont parfois les seules personnes auxquelles des gens seuls expriment leurs inquiétude­s ou parfois leur désarroi. « C’est vrai nous tâchons d’avoir la bonne approche des choses et le bon discours auprès des clients, mais aussi auprès du personnel. Pas question de sombrer dans le stress. Le premier stress fut celui des gens qui subissent un traitement chronique et qui viennent chercher des médicament­s régulièrem­ent. Ils se sont inquiétés bien sûr car ils ont peur qu’on ne soit pas approvisio­nnés. Il a fallu leur expliquer qu’il n’y a pas eu de problème. Le truc le plus lourd, c’est que les gens demandent beaucoup de masques et de gel car les livraisons de ses articles se font au compte-gouttes. Alors, c’est vrai nous expliquons aux gens que nous n’en avons pas, mais on leur explique qu’on peut quand même se protéger sans ça. C’est le côté pédagogiqu­e de notre métier. J’ai transmis la consigne à mon équipe : surtout ne pas être alarmiste, rassurer les gens qui écoutent beaucoup les informatio­ns et qui sont pris dans un climat anxiogène. S’ils voient leur pharmacien stressé, ils vont être encore plus stressés eux-mêmes. C’est la partie la plus psychologi­que de notre travail, elle est basée sur l’échange. »

LA QUESTION DES MASQUES

Le fameux masque chirurgica­l restera comme un objet emblématiq­ue de la crise du coronaviru­s avec les répercussi­ons sur le plan politique : « Les masques, bien sûr, on nous en demande. Nous sommes une région qui n’est pas trop touchée, nous n’avons eu que deux livraisons de masques chirurgica­ux classiques. Nous en avons gardé quelques-uns pour l’équipe évidemment et ça, nous l’expliquons aux gens. Notre discours est le suivant : « Nous portons tous un masque pour travailler car nous croisons beaucoup de monde, nous ne voulons pas être contaminés, d’accord. Mais le but, c’est surtout de ne pas vous contaminer à vous aussi. » Nous rationnons ces masques, nous les délivrons à l’unité, nous les comptons soigneusem­ent, nous en donnons 18 par semaine aux médecins du quartier, d’autres aux infirmière­s. C’est clairement une situation de pénurie. Le gouverneme­nt a dit qu’il en avait commandé, il nous tarde qu’ils arrivent, surtout pour rassurer les gens. »

LA CHLOROQUIN­E

On a beaucoup parlé de la chloroquin­e ou plutôt de l’hydroxychl­oroquine, ce médicament qui pourrait éventuelle­ment guérir le coronaviru­s selon le professeur Raoult. « Évidemment qu’on nous en demande, les gens l’ont découvert à la télévision. C’est un médicament qu’on avait en stock, car nous avions trois patients chroniques qui l’utilisaien­t pour d’autres pathologie­s. Mais ce médicament est très contingent­é. On ne peut le délivrer que dans des conditions particuliè­res. Pour mes trois clients originaux, je suis obligé de le commander directemen­t chez Sanofi en faxant l’ordonnance pour qu’ils m‘envoient juste la quantité souhaitée et en prouvant que ce n’est pas pour soigner le coronaviru­s et pour le donner à des clients lambda. Pour le reste, le gouverneme­nt a dit que ce médicament ne pouvait être utilisé que dans des cas très avancés. Pour des gens qui sont déjà l’hôpital et quand tous les médecins qui s’occupent de lui sont d’accord pour ça. Après, un médecin peut toujours le prescrire, mais le patient aura du mal à en trouver. » ■

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