Midi Olympique

« Ce territoire nous a enlevé la conviviali­té »

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ARMANDO CUTONE - Président de la Ligue Grand Est de rugby DEUX ANS APRÈS LA CONSTITUTI­ON DE LA LIGUE REGROUPANT LES ANCIENS COMITÉS D’ALSACE, DE LORRAINE ET D’UNE PARTIE DE BOURGOGNE, FLANDRES ET ILE-DE-FRANCE, IL ÉVOQUE LES GRANDES PROBLÉMATI­QUES DE GESTION DE CE TERRITOIRE TROP VASTE. Dans une interview accordée à nos confrères des Dernières Nouvelles d’Alsace, au sujet de la politique des territoire­s et de la constituti­on des Ligues, vous avez eu cette phrase très marquante : « Pierre Camou n’aurait jamais fait ça. » Pour un président de Ligue soutenu par Bernard Laporte, ce propos était assez inattendu…

J’ai été soutenu, à l’époque, par Christian Dullin, c’est vrai, qui s’était déplacé à notre contact. Mais je ne suis ni un soutien de Bernard Laporte, ni un soutien de Florian Grill. Et, comme vous le savez, je ne fus pas non plus un soutien de Pierre Camou. Je suis un soutien du Grand Est et je prends position en fonction des intérêt de mon territoire. Et sur le sujet de la constituti­on des ligues, la vision de Pierre Camou était la plus sensible. Il ne voulait pas que les cartes du sport suivent l’évolution de notre administra­tion civile. Et après deux ans d’expérience, on ne peut que lui donner raison. Je précise que j’étais déjà d’accord avec lui, à l’époque, et que je figurais dans la liste de deux cents noms opposés aux extensions géographiq­ues et administra­tives. Quand Bernard Laporte a été élu et que nous avons réorganisé nos territoire­s, je l’ai fait pour le Grand Est mais j’y étais opposé.

Pourquoi ?

Parce que c’est ingérable pour les territoire­s qui ont été modifiés géographiq­uement. En nous rajoutant la ChampagneA­rdenne, nous devons superviser un territoire grand comme la Belgique et une fois et demi le Luxembourg réunis. Ceci avec une concentrat­ion de clubs très faible. Chez nous, il y a facilement quarante ou soixante kilomètres de distance entre les clubs. Cela interdit les ententes, du moins celles qui fonctionne­nt. Sur le plan régional, nous avons créé une équipe de filles de moins de 18 ans en Alsace. Mais comment voulezvous qu’elles s’entraînent ? Certaines sont éloignées de plus de cent cinquante kilomètres. Alors, elles sont rassemblée­s tous les trois mois pour une séance collective. Mais ce n’est pas du travail sérieux et ce n’est qu’un aspect du problème.

Quel autre problème vous pose la gestion de votre Ligue ?

Ce territoire nous a enlevé ce que nous avions de plus cher : la conviviali­té et le contact humain. En tant qu’élu, je me suis rendu aux AG des clubs. Mais pour aller à Saint-André-les-Vergers, Châlons-en-Champagne ou Reims, il faut parcourir quatre cents kilomètres pour deux heures de réunions. Et puis, il faut revenir le soir. Au début, avec les élus, nous revenions après le pot de l’amitié, si bien que nous étions chez nous à 4 heures du matin. Après, nous avons pris des chambres d’hôtels. Mais ce n’est pas possible de continuer ainsi. Tout ce qui faisait le richesse de notre fonctionne­ment, quand je présidais le comité d’Alsace, n’existe plus. Avant, j’avais une assemblée de présidents face à moi et nous pouvions nous sentir et discuter. Aujourd’hui, nous faisons comme nous pouvons.

Que vous manque-t-il pour mieux faire fonctionne­r votre institutio­n ?

Deux salariés, de mon point de vue. Il nous faut un directeur technique administra­tif, qui connaisse le sport et ses lois, un poste dont ils se sont pourvus en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et un poste dévolu à la communicat­ion. C’est devenu essentiel. Avec le recul de nos deux ans de gouvernanc­e, on se rend bien compte que les élus ne tiennent pas la distance. Sur les vingt-quatre personnes de ma liste, il y en a sept ou huit que je n’ai jamais vu en comité directeur les samedis matins. C’est trop de déplacemen­t et trop de travail. Et des dossiers demandent à être traités par des spécialist­es.

Lesquels, par exemple ?

Je ne suis pas « laportien », je n’appartiens à personne. Notez-le. En revanche, je suis favorable au programme de Bernard Laporte. Je pense que ses préconisat­ions sont bonnes. Mais je sais aussi que ses quarante directives représente­nt une masse de travail trop importante. Un exemple : le Plan d’orientatio­n stratégiqu­e (POS) demandé aux ligues. Vous voulez savoir combien de temps nous avons mis pour en définir un ? C’était tellement laborieux… Dans le civil, des spécialist­es demandent 2 000 € pour ce genre de tâche. La complexité de ces dossiers échappent aux dirigeants que nous sommes. On ne s’improvise pas chargé de projet sportif en claquant des doigts, encore plus aujourd’hui. Les enjeux sont trop lourds.

L’embauche de deux salariés sera-t-il au centre de votre programme de réélection ?

S’agissant de ma réélection, je ne suis pas certain de me représente­r. J’ai été réélu en troisième de liste sur ma commune lors des municipale­s et cela fait beaucoup de travail. Avec la crise sanitaire, des priorités vont se dégager. Je me déclarerai­s après avoir soupesé les choses. Il n’y aura pas besoin non plus de six mois de campagne. Donc je pense me déclarer au plus tard vers le début du mois de septembre. S’agissant de l’embauche de deux salariés, à mon grand regret, les mentalités n’y sont pas encore résolues.

Pourquoi ?

Au sein de mon comité directeur, une majorité n’y est pas favorable. Elle pense que les élus peuvent encore se charger de ces dossiers. Vous connaissez mon point de vue. Dans le Grand Est, nous versons 60000€ d’aides aux clubs. Cette sommes nous permettrai­t d’embaucher et d’accélérer notre mutation. La plupart des élus ne pensent pas comme moi.

Du coup, s’ils ne pensent pas comme vous sur cette question essentiell­e, êtes-vous certains de pouvoir vous représente­r avec une liste si vous le décidiez ?

Oui, j’ai déjà tâté le terrain. J’aurai vingt-quatre noms avec moi s’il me le faut. Ce n’est pas ça le problème. ■

« Tout ce qui faisait le richesse de notre fonctionne­ment, quand je présidais le comité d’Alsace, n’existe plus.

Avant, j’avais une assemblée de présidents face à moi et nous pouvions nous sentir et discuter. »

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