Midi Olympique

« Je suis Marler »

Ancien pilier du XV de France - 84 sélections

- Propos recueillis par A. B. ■

« Jusque-là, le rugby était léger, parfois un peu puéril, dénué de gravité. Ma génération a grandi en montrant son cul au fond du bus. Alors oui, c’est potache. Je comprends que ça puisse choquer. Mais de là à qualifier ce genre de comporteme­nt d’exhibition­niste… Voilà pourquoi le geste de Marler ne m’a absolument pas choqué. Toucher les « rouleaux » d’un adversaire, j’avoue l’avoir déjà fait pour déconner. J’ai même exploré une fois l’intimité de Bakkies Botha pour le faire dégoupille­r. Je n’en suis pas vraiment fier. Au contraire. Mais, le rugby a toujours su garder une place pour la « connerie ». Sinon, Moscato n’aurait jamais pu faire carrière. Le rugby, on l’aime pour les émotions qu’il procure. Mais aussi pour les hommes qui font ce sport. Pour les personnali­tés qui s’y développen­t. John McEnroe a insulté des arbitres, cassé des raquettes, houspillé des ramasseurs de balles… Il est pourtant une icône du tennis mondial. Or, après le match entre le pays de Galles et l’Angleterre, Marler était un criminel sur les réseaux sociaux. Arrêtons de déconner. Le rugby tombe dans les excès du profession­nalisme. Pour un marron dans la gueule, la sanction, c’est trois semaines. Et pour une plaisanter­ie, que certains peuvent juger de mauvais goût j’en conviens, le mec prend dix semaines de frigo. Franchemen­t…

Il n’a tué personne, n’a pas frappé sa femme. Certains ont vu dans son geste une agression sexuelle. Et puis quoi encore ? Joe Marler n’est pas un ami, mais je le connais suffisamme­nt pour vous garantir qu’il n’a pas caressé les testicules d’Alun Wyn-Jones pour un moment de plaisir. Vraiment pas. Même Gareth Thomas en a plaisanté. Lui qui a eu les cou… de faire son « coming out », ça l’a fait marrer, le geste de Marler. Seulement, ça n’a pas plu. Sur les réseaux sociaux – le cancer de notre société – il a été vilipendé. Et il s’est senti contraint de présenter des excuses. Quel scandale ! Et que dire de la réaction d’Alun WynJones ? Ce mec est un immense capitaine. Un monstre. Il a un palmarès incroyable. Mais là, franchemen­t, quelle déception ! Pourquoi ne pas avoir dédramatis­é plutôt que d’alimenter la polémique naissante sur les réseaux sociaux ? Dommage. Notre société est devenue ainsi : tu fais une blague sur ta femme, les féministes te tombent dessus ; tu fais une blague sur un black, c’est SOS racisme qui t’attaque. Si Coluche était encore vivant, il serait sûrement en taule aujourd’hui. Et le rugby n’échappe pas à ce phénomène. Coûte que coûte, il faut rentrer dans le rang. Mais si le rugby doit devenir aseptisé, si le moindre mec qui sort un peu du lot par son état d’esprit est stigmatisé de la sorte, ce sera sans moi. »

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