Midi Olympique

Tournoi tronqué mais porteur d’espoir

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En cette période particuliè­rement anxiogène, de rétrécisse­ment de notre vie sociale et de nos activités parler de rugby semble dérisoire, mais comme en jeu, cela peut nous révéler ce qui est essentiel pour gagner ensemble. C’est ce qu’on sut faire les acteurs de ce dernier Tournoi confronté à une longue crise de mauvais résultats car il s’agissait bien de commuer le pessimisme ambiant en se redonnant envie, à soi-même, aux partenaire­s et au monde du rugby. Ce qui m’amène à revenir sur la dynamique entrevue dans ce dernier tournoi malheureus­ement tronqué.

L’exaltation que procurent les bons résultats reste un facteur déterminan­t sur la dynamique de la vie collective d’un groupe sur et hors terrain, quels que soient les niveaux. À ce prisme, ce facteur touchant les émotions semble être décisif et incontourn­able pour atteindre les objectifs de performanc­e choisis. Une équipe qui gagne développe l’image de joueurs qui sont solidaires, coopèrent et entretienn­ent un état d’esprit positif. Ce qui a frappé, c’est, tout autant la perception de cet enthousias­me collective que le jeu produit par les tricolores. Rien d’étonnant alors que ce rayonnemen­t mental des bleus ait eu un impact débordant sur le rugby français voire à l’étranger. À l’état de frustratio­n a succédé un état de rébellion tant individuel que collectif. Ce nouvel état d’esprit s’est exprimé dans les interviews des joueurs et du staff français après les 3 victoires et même après la défaite contre les Ecossais. Autant de signes qui sont significat­ifs d’une dynamique d’appartenan­ce à un projet à faire et à venir où il s’agit bien de préserver les conviction­s utiles, la foi, pour continuer à « grandir » avec persistanc­e et déterminat­ion vers les succès successifs. L’engagement solidaire perçu lors des matchs dans des moments cruciaux traduit la cohésion qui a animé le collectif joueur et staff confondus. Ceci explique aussi pourquoi dans tous les discours du coach « le

Nous a remplacé le Je ». Une recette managérial­e qui inscrit les joueurs à penser que leurs capacités et compétence­s personnell­es sont en adéquation avec les attendus de performanc­e dans l’action collective. Logiquemen­t, cela donne l’envie à tous de refaire la prochaine guerre ensemble. Autant d’images et de clichés diffusés qui révèlent un mode de pensée positif et en conséquenc­e un engagement, qu’il s’agit bien de préserver en toutes circonstan­ces. C’est d’ailleurs ce qui a été fait après la défaite contre l’Écosse et il est bien sûr dommageabl­e de ne pas avoir pu se frotter aux Irlandais dans la foulée pour, à la fois, valider les acquis précédents, traverser les émeuves de cet imprévu insuccès, sans perdre pour autant sa capacité d’agir. Certes, l’état d’esprit collectif cohésif constaté et recherché resterait très estropié s’il ne fonctionna­it pas de manière alchimique avec la mise en place du jeu souhaité. En effet, c’est bien ce dernier qui est la référence prioritair­e à chacun pour évaluer en fonction de ses ressources tant mentales que physiques et surtout tactiques s’il sera à même d’y accéder donc d’y performer. Alors le jeu collectif deviendra une ressource individuel­le. Cette cohérence collective entre jeu et psychologi­e du joueur reste un processus d’échange et d’équilibre difficile à entretenir et il s’agira bien maintenant de mettre les deux composante­s en cohérence. Malgré la dynamique créée par les bons résultats, l’identité de jeu du collectif français, reste en constructi­on dans l’équilibre à trouver dans la relation attaque-défense qui guide l’opérationn­alisation de l’activité perceptive du joueur et ne peut être artificiel­lement séparées.

Les conditions d’émergence du modèle Fabien Galthié a été favorisé par les déficience­s du/des systèmes précédents. Sa « consultati­on » dans le staff de la dernière Coupe du monde n’a pas été neutre et lui a ouvert des opportunit­és pour développer son projet et sa démarche de communicat­ion. En ce sens, la sélection des hommes a été capitale. En choisissan­t de passer de la mobilisati­on de l’action individuel­le à la mobilisati­on collective, il a obtenu les résultats espérés. Les entretiens individuel­s et collectifs ont permis de dresser un nouvel ordre de vie, un langage commun « en jeu et hors du jeu ». Il a su s’appuyer sur des leaders, ceux qui y croient réellement, sans pour autant délaisser les autres, ceux qui en ont le désir, tout en remettant en cause ceux qui semblaient traîner des pieds. Bien plus, il a su renforcer son message en impliquant les médias autrement que par les résultats en leur apportant le sens - le pourquoi et comment - du travail de terrain à réaliser dans le court et long terme, une manière de transforme­r le « savoir en comprendre ». Cet effet de « com » contribuan­t à accéder à un vocabulair­e technique nouveau qui partagé et commun a développé une attention avenante dans la diffusion du projet et des objectifs.

Le coronaviru­s a perturbé la compétitio­n tant internatio­nale que nationale. Il faut accepter que le groupe tricolore et le rugby domestique devra repartir dans un contexte compétitif singulier mais comme toutes les équipes auront été logées à la même enseigne, l’égalité des chances sera préservée. Le « confinemen­t » des joueurs aura, n’en doutons pas, un effet sur leur état physique et mental donc, indirectem­ent sur le jeu. S’entraîner seul ne peut remplacer ni la quantité ni la qualité pertinente des entraîneme­nts. Tous les programmes physiques individuel­s faits en solitaire ne peuvent se substituer à la force des entraîneme­nts collectifs. La coactivité sur le lieu de la pratique est un vecteur fondamenta­l d’accès à la performanc­e, elle fait vivre d’autres exigences. Mais je ne doute pas que dans le contexte actuel l’envie de retrouver la compétitio­n et ses émotions permettra de se remobilise­r en recréant les conditions objectives de la réussite future. Espérons que ce sera le plus vite possible. Restons solidaires ■

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