Astérix et le rugby
Chers amis du rugby, décidément je ne parviens pas à me libérer de mon étiquette de « lanceur d’alerte ». Cette fois-ci je reprendrai les mots de Jean Grenet, une de nos grandes figures du monde médical, politique et rugbystique, de 10 ans mon aîné, et que j’ai côtoyé avec beaucoup de respect dans les services de chirurgie du CHU de Clermont-Ferrand dans les années 70. « C’est surréaliste… » a-til écrit dans votre édition du 23 mars à propos d’une reprise éventuelle des compétitions.
Pourtant, dans l’édition verte du Midol du 26 mars, il est annoncé : « Vers une finale le 18 juillet ? »,
après que P. Goze, président de la LNR, a réuni en visioconférence les présidents des clubs professionnels Top 14 et Pro D2. Sur la même page, il est rapporté un consensus : « Reprise après quatre semaines
d’entraînement. » Est-ce le résultat de « l’union sacrée… » titre de l’éditorial de Léo Faure, décrite en fait comme étant « de façade », compte tenu des intérêts de chacun ? Le Président Macron s’est entouré d’un conseil scientifique composé d’universitaires, sachants, référents, connus pour leurs publications scientifiques, spécialistes en infectiologie, en virologie, en réanimation, en épidémiologie, en biostatistique, en santé publique, en sociologie, en anthropologie, en immunologie.
Certes, je n’ai appartenu à aucune de ces spécialités, mais j’ai dirigé pendant cinq ans une Unité de Formation et de Recherche (UFR) en médecine, et à ce titre, je me permets de poser la question suivante : le président de la LNR a-t-il pris des avis spécialisés, autres que ceux des présidents de clubs, avant de telles annonces ?
Alors que l’Euro de foot, les jeux Olympiques, Roland-Garros, etc, sont reportés, que le Giro est annulé, que le Tour de France envisage un huis clos, nos instances font le projet pour nos rugbymen de reprendre l’entraînement début mai et la compétition début juin. Les joueurs seront-ils d’accord ? Et quid du public ?
A-t-on compris que la levée du confinement prévue fin avril, si elle est maintenue à cette époque, sera accompagnée de mesures draconiennes ? Il faudra, si nos moyens le permettent, identifier ceux qui sont porteurs du virus et encore contagieux, ceux qui ne l’ont pas contracté, ceux qui ont été atteints, guéris et donc vaccinés pour quelques mois, au sein de toutes les populations, joueurs, staffs, dirigeants, arbitres, public, médias… Le port de masques pourrait être rendu obligatoire dans la rue et en toutes circonstances de contact, comme en Corée du Sud, au Japon, ou au Vietnam, le risque étant à la levée du confinement, même si ce n’est pas encore clairement dit, la reprise de l’épidémie. Pour sourire, tout en prenant bien la mesure du drame sanitaire actuel (15 morts toutes les heures en France), je terminerai volontiers en suggérant aux successeurs de Goscinny et Uderzo, Ferri et Conrad, de mettre en bande dessinée notre sport si particulier, unique, sous le titre « Asterix et le rugby ». Pour mémoire, l’ancêtre du rugby était à l’époque gallo-romaine un jeu de ballon appelé l’Harpastum. Je verrai bien le chef Abraracourcix distribuer du haut de son bouclier 35 millions de sesterces, provoquant alors une bonne bagarre générale pour s’emparer de ce trésor jusque-là méconnu, puis descendre avec ses troupes d’Armorique, région de cette bande d’irréductibles, à Massilia pour dénicher un druide réputé, possédant une potion magique qu’il dit efficace pour se protéger d’une pandémie ravageant l’Empire gallo-romain…