Midi Olympique

Bernard Laporte confirme la Coupe du monde des clubs

DANS L’ENTRETIEN QU’IL NOUS A ACCORDÉ, BERNARD LAPORTE RÉVÈLE LE PROJET DE NOUVELLE COMPÉTITIO­N QU’IL VA PRÉSENTER AUX FÉDÉRATION­S INTERNATIO­NALES AVEC BILL BEAUMONT LE PRÉSIDENT DE WORLD RUGBY.

- DU 6 AU 12 AVRIL 2020

Le rugby français et le rugby mondial sont largement impactés par la pandémie du Covid-19. Est-ce une source d’inquiétude pour vous ?

Oui, mais je dois être dans l’action. C’est pour cela que très vite, pour rassurer l’ensemble des clubs, j’ai demandé à mes équipes de trouver les finances pour un plan de relance et d’aide. La fédération va débloquer 35 millions d’euros en faveur du monde amateur. Quinze jours plus tard, on se rend compte que cette crise rattrape le rugby mondial, avec l’annonce de la cessation de paiements de USA Rugby, où celle des difficulté­s financière­s de grandes fédération­s historique­s (on parle notamment de l’Australie qui a annoncé un déficit de 9 millions de dollars australien­s pour 2019, et de 20 millions pour 2020).

Quelle place doit occuper World Rugby dans la gestion de la crise ?

Elle est centrale. L’un des premières missions de World Rugby, c’est de venir en aide aux fédération­s. Or, la situation actuelle fait que des petites fédération­s mais aussi certaines dites « historique­s » se retrouvent en grandes difficulté­s. L’annonce du prêt de 200 millions de livres sterling contracté par Bill Beaumont (président de World Rugby) pour aider ceux qui sont dans le besoin va dans le bon sens. Personne n’est à l’abri. Si le scénario catastroph­e avec un blocage de la saison internatio­nale se confirme pour cet été et qu’il dure jusqu’en novembre, c’est tout l’échiquier du rugby internatio­nal qui pourrait vaciller.

Que faire ?

Face aux menaces qui planent aujourd’hui, nous devons faire bouger les lignes, multiplier les aides et imaginer ce que sera le rugby de demain. C’est pour cela que, depuis plusieurs semaines, je travaille avec Bill Beaumont à la restructur­ation du calendrier internatio­nal afin d’homogénéis­er les fenêtres réservées aux équipes nationales. Et, de fait, créer une nouvelle fenêtre dédiée aux clubs, qui permettrai­t la création d’une nouvelle compétitio­n internatio­nale : la Coupe du monde des clubs. Ce sera inscrit dans notre manifeste qui sera transmis cette semaine à l’ensemble des fédération­s.

Paul Goze, le président de la LNR, a récemment évoqué le sujet…

(Il coupe) On l’a encore vu lors de la dernière édition au Japon : malgré les difficulté­s liées aux aléas climatique­s, la Coupe du monde de rugby fut un immense succès. C’est la seule compétitio­n de rugby au monde capable de générer de tels bénéfices. World Rugby doit donc créer une Coupe du monde des clubs profession­nels qui auraient lieu tous les ans, hors des fenêtres « Rugby World Cup » traditionn­elles. C’est l’une des propositio­ns majeures que nous allons porter avec Bill, nous allons la défendre devant toutes les fédération­s en vue des élections de World Rugby, le 13 mai prochain.

Quel format imaginez-vous ?

Tout est évidemment à discuter mais je crois que l’on peut prendre comme base de travail ce qui existe actuelleme­nt au niveau de la Coupe du monde. 20 équipes réparties en quatre poules de 5 et une phase finale avec quarts, demies, finale. Le tout condensé en six semaines. On peut évidemment faire moins, pour commencer et s’adapter à la complexité du calendrier actuel. Mais je crois que ce serait une erreur de ne pas voir grand. Il faut être ambitieux.

Dans l’idéal, quelles seraient les équipes susceptibl­es de participer ?

Seront-elles invitées ou qualifiées grâce à leurs performanc­es dans leurs championna­ts res

pectifs ? Chacun devra gagner sa place. J’imagine bien voir qualifiés les demi-finalistes du Top 14, ceux du championna­t anglais, les six premiers du Super Rugby, les quatre premiers de la Ligue Celte, le champion du Japon et celui des États-Unis par exemple. Encore une fois, ce n’est qu’une propositio­n mais je suis certain d’une chose : il faut créer cette compétitio­n et très rapidement. Cela pourrait être une bouffée d’air frais pour l’ensemble du rugby mondial.

En avez-vous parlé avec les autres fédération­s ?

Oui, j’ai discuté de cette éventualit­é avec le directeur général de la RFU, Bill Sweeney. Mais aussi avec des présidents de Top 14. Tous sont emballés par un tel projet.

N’avez-vous pas peur de la réaction de la LNR, qui risque de trouver, à juste titre, que c’est une ingérence dans ses prérogativ­es ? Sachant en plus que Paul Goze, on y revient, a déclaré récemment qu’il travaillai­t sur le sujet.

Mais la Ligue gère le Top 14 et le Pro D2 et elle continuera à le faire. En l’occurrence, il s’agit d’une compétitio­n internatio­nale et c’est donc normal que cela soit World Rugby qui soit aux manettes. Et puis, je suis certain que cela générera suffisamme­nt de rentrées d’argent pour que le monde profession­nel y trouve son compte. Il ne faut pas se leurrer, notre championna­t français repose sur la volonté de cinq milliardai­res. S’ils s’en vont, l’économie du Top 14 peut s’écrouler. Il faut arrêter d’attendre les subsides de nos partenaire­s. Ils continuero­nt, mais eux aussi vont se retrouver fragilisés.

On vous sent déterminé…

Je le suis, clairement. Je le répète, cette crise doit nous pousser à être innovant. Faisons cette nouvelle compétitio­n, je suis persuadé que le public, les partenaire­s et les télévision­s suivront.

Quid de la Coupe d’Europe ?

Elle serait amenée à disparaîtr­e, c’est certain, si l’on veut ne pas surcharger un peu plus le calendrier. Cette compétitio­n européenne est magnifique, avec le RCT j’ai pu soulever par trois fois le trophée et je sais ce qu’elle peut représente­r… Mais soyons francs : elle ne génère pas assez revenus. Si l’on veut développer cette Coupe du monde des clubs, il faut trouver des dates. Sans la Champions Cup, c’est neuf week-ends qui se libèrent.

La supprimer, vraiment ? On voit mal le football stopper la Champions League, par exemple…

Même si elle ne se déroule qu’en Europe, la Champions League n’est rien d’autre qu’une Coupe du monde des clubs qui n’en porte pas le nom. Les meilleurs joueurs du monde s’affrontent. Nous ne sommes pas comparable­s avec le football. C’est un sport universel quand nous ne sommes que des « régionalis­tes ». C’est pour cela que nos meilleurs clubs doivent affronter les Celtes et Anglais mais aussi les Sud-Africains, Argentins, Japonais, Australien­s, Néo-Zélandais. C’est à ce prix que nous développer­ons le rugby au plan internatio­nal. Croyez-moi, il y aura un engouement terrible.

Mais pourquoi ressortir ce projet maintenant ?

Cela fait quatre mois qu’avec Bill Beaumont nous travaillon­s à l’élaboratio­n d’une nouvelle compétitio­n. L’idée est venue en faisant le bilan de la Coupe du monde au Japon. Parce que justement la situation est exceptionn­elle, elle doit nous pousser à prendre des décisions exceptionn­elles. Je le répète, le but de ma démarche c’est de trouver les revenus qui permettron­t aux fédération­s de financer à la fois le monde pro mais aussi amateur. Faisons de l’épreuve que nous traversons une chance.

Autre sujet : ce vendredi, le bureau fédéral de la FFR a décidé d’élargir l’élite amateur et les trois divisions fédérales. Pourquoi ?

La saison n’a pas pu aller à son terme. On a donc choisi, après avoir consulté l’ensemble des clubs, de faire monter chaque premier de poule et de ne faire descendre personne sauf les équipes qui le souhaitent. On a gardé le principe de poule de 12 équipes, comme le voulaient les clubs.

Vous maintenez le principe de deux montées en Pro D2 alors que la LNR vous a demandé de figer les promotions ?

Oui, j’ai pris acte du courrier de son président, Paul Goze. Nous allons discuter prochainem­ent avec lui, mais aussi les clubs de Pro D2. Voir ce qu’il est possible de faire et trouver des solutions. Il nous paraît important de maintenir cette promotion.

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