Midi Olympique

L’adieu à l’âge d’or

LE XV DE FRANCE BATTU D’UN SOUFFLE EN FINALE DE LA COUPE DU MONDE. NOTRE JOURNAL DÉBAT DE LA FAÇON D’ILLUSTRER CETTE FRUSTRATIO­N. LA LIGNE « MÉLANCOLIQ­UE » L’EMPORTE SUR LA LIGNE « DÉNONCIATR­ICE ». LES VENTES ATTEINDRON­T DES SOMMETS. C’EST L’EFFET XV DE F

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Pour la troisième fois, le XV de France venait de perdre une finale de Coupe du monde. Ce revers sur un petit score (8-7) fut clairement le plus cruel et le plus injuste. M. Joubert l’arbitre sud-africain avait refusé de récompense­r la longue période de domination des « Blancs ». Pas de pénalité salvatrice, mais comme un lot de consolatio­n, le titre de joueur de l’année pour Thierry Dusautoir et cette Une mélancoliq­ue : « Regrets éternels ».

Les lecteurs de Midi Olympique ont échappé à une autre « une » plus agressive. Elle aurait été fractionné­e en deux, avec deux mots qui rimaient : « Respect » pour illustrer la photo de Dusautoir. «Suspect » pour celle de M. Joubert, au sommet de l’art du seizième homme.

LA UNE À LAQUELLE VOUS AVEZ ÉCHAPPÉ

Le débat avait été réel, au coeur de la rédaction. Jacques Verdier, alors directeur de la rédaction, avait tranché en faveur de la version la moins agressive, peut-être pour préserver un esprit de dignité dans la défaite. Les journalist­es qui s’affairaien­t autour de lui voulaient pourtant traduire le sentiment général qu’ils sentaient monter de la base des supporters. L’un d’entre eux se sou

vient. « Tous nos amis nous appelaient pour exprimer ce sentiment de frustratio­n. Et nous voulions aussi parler de « respect » au sujet de la performanc­e des Français que nous avions pas mal éreintés dans les semaines précédente­s. Il faut se souvenir qu’il y avait eu des dissension­s entre le staff et les joueurs, nous avions perdu face aux Tonga en poule. Nous avions battu par miracle les Gallois réduits à quatorze en demie. Les relations n’étaient pas très bonnes avec Marc Lièvremont. Les Français avaient brillé contre l’Angleterre en quart, c’est vrai, et bien sûr en finale, où ils auraient mérité de triompher des All Blacks. Nous voulions relayer l’opinion populaire. Jacques Verdier, lui, pensait qu’il fallait prendre de la hauteur. Mais pour nous « respect, c’était une façon de rendre hommage à l’attitude héroïque des Français et leur dire, si vous avez perdu, ce n’est pas votre faute. »

Dans la mémoire de ceux qui l’ont vécu de l’intérieur, cette « une » fait aussi figure d’adieu à une époque. Celle de l’âge d’or de la presse papier. Internet était déjà puissant à l’époque (bien plus qu’en 1999 par exemple, le record de vente de Midi Olympique), mais les journaux se vendaient encore bien. La presse quotidienn­e généralist­e commençait à souffrir, mais les titres spécialisé­s hebdomadai­res ou bihebdomad­aires tiraient encore leur épingle du jeu. On pensait qu’ils pourraient résister à la vague des écrans.

UNE VAGUE DE PUBLICITÉ

Ce numéro dépassa allègremen­t la barre des 100 000 exemplaire­s vendus. Il se hissera même quasiment au niveau de la demi-finale de 1999 (voir Midi Olympique de la semaine dernière) avec plus de 160 000 exemplaire­s vendus certifiés. On le considère comme le numéro le plus vendu de l’histoire. Compte tenu du contexte, la performanc­e fut impression­nante.

Patrice Pons, responsabl­e de la publicité narre : « Ce fut une très belle Coupe du monde pour nous. Des marques sont venues spontanéme­nt à nous alors que, d’habitude, c’est nous qui les démarchons. Il faut se rappeler que nous étions déjà avec les All Blacks en poule. Affronter très tôt le pays hôte avait suscité quelque chose. On avait vendu des blocs, « avant le match, après le match. » Après, il y a eu la montée en puissance et le parcours jusqu’à la finale. Je me souviens que des marques qui ne venaient jamais chez nous s’étaient manifestée­s. L’associatio­n française des banques, par exemple. Ils ne sont plus revenus depuis. Mais les marques de cosmétique masculine avaient été très présentes, surtout celles du groupe L’Oréal. Mennen, Men Expert, Soins Hommes avaient pas mal pris d’espace. Il faut dire aussi qu’à cette époque, plusieurs joueurs du XV de France étaient ambassadeu­rs d’une marque : Vincent Clerc, Dimitri Yachvili, Thierry Dusautoir. Ça avait une grosse influence. Une chose qui, hélas, n’existe plus de nos jours après des années de disette au niveau des résultats de l’équipe de France. On sent que la nouvelle génération porte un nouvel espoir et je suis persuadé que tout peut repartir d’un seul coup... » 2011 fut une sorte de chant du cygne. Après, ce ne fut plus tout à fait la même chose. Les sites, dont Rugbyrama, ont pris les devants en termes de puissance. Mais le papier reste une référence, incontourn­able, sur le chemin de la légitimité et de l’expertise. Il ne manque jamais que les grands succès pour raviver la flamme. Avec des « unes » magistrale­s et mémorables qui resteront toujours l’apanage de la presse écrite.

 ?? Photo Icon Sport ?? En France, cette finale Nouvelle-Zélande France avait suscité une ferveur populaire rare. Comme ici devant la mairie de Paris où les supporters furent des milleirs à suivre le match sur écran géant.
Photo Icon Sport En France, cette finale Nouvelle-Zélande France avait suscité une ferveur populaire rare. Comme ici devant la mairie de Paris où les supporters furent des milleirs à suivre le match sur écran géant.

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