Midi Olympique

« Ce sera des matchs à huis clos ou rien ! »

JEAN-BAPTISTE GRISOLI - Ex-médecin du XV de France et de Toulon IL DEMANDE, ENTRE AUTRES, AUX INSTANCES DU RUGBY DE NE METTRE PAS LA PRESSION SUR LES ÉPAULES DE SES CONFRÈRES MÉDECINS. POUR LUI, LA REPRISE DEVRA SE FAIRE À HUIS CLOS AFIN D’ÉVITER LA REPRI

- Propos recueillis par Pierre-Laurent GOU pierre-laurent.gou@midi-olympique.fr

Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez d’abord interpellé la Ligue sur Twitter, puis le grand public, sur, selon vous, l’impossibil­ité de disputer des phases finales en public au mois d’août prochain ?

Il y a deux problémati­ques dans votre question. Tout d’abord, la responsabi­lité que l’on veut faire porter aux médecins de clubs. J’ai eu plusieurs de mes confrères au téléphone ces derniers jours, et ils ont peur. Si jamais on reprend le rugby de manière anarchique et qu’il y a un souci, c’est sur eux que cela va retomber. Je tiens à souligner d’ailleurs le très gros travail de Bernard Dusfour, médecin référent de la LNR, et Sylvain Blanchard, mon homologue du Racing. Ce qu’ils ont pondu comme protocole de reprise est complet. On a intérêt à les écouter même si cela met en péril les phases finales en août qui, si elles ont lieu, ne pourront se faire qu’à huis clos.

Pourquoi ?

Parce qu’il leur faut du temps pour mettre en place la reprise. Le 12 mai, on ne pourra pas reprendre les entraîneme­nts collectifs sur le terrain. Cela passera par de nombreuses étapes, avec divers examens médicaux.

Mais ce virus est surtout dangereux pour les population­s à risque, on peut penser que des hommes de moins de 30 ans, censés être en bonne santé ne sont pas en première ligne face à ce virus ?

Oui, je vous entends sur ce plan-là. Nous sommes face à un virus très sournois, dont on n’imaginait pas l’existence il y a six mois, qui est peu mortel mais extrêmemen­t contagieux. Et c’est là tout le problème. Pas de souci, en principe si un sportif surtout de haut niveau est contaminé mais quid de son entourage ? S’il a une épouse diabétique, que son médecin de club est en surpoids, et je parle en connaissan­ce de cause, ou même son entraîneur ? On fait quoi ? On les laisse mourir ? Non, il faut les protéger. Et puis, même si le risque est mince, il y a aussi celui de myocardite chez les « porteurs sains » pour schématise­r. On ne peut pas

Selon vous, c’est huis clos ou rien du tout ?

Oui, ce sera des matchs à huis clos ou rien ! Remettre du public dans les stades n’est pas raisonnabl­e. Et je pèse mes mots. Je travaille actuelleme­nt en service infectieux à l’hôpital de La Timone à Marseille. Globalemen­t, les choses sont en train de s’arranger. Il n’y a plus de surcharge de patients dans le milieu hospitalie­r, mais les nouveaux cas positifs qui se présentent à nous, ce sont tous des personnes qui ne respectent pas ou ne peuvent pas, la distance sociale ou les gestes barrières. Tous sans exception. Et sur le peu de recul que l’on a, on s’est rendu compte que les trois centres de concentrat­ion de contagion, c’est le match de Ligue des Champions entre Bergame - Valence disputé à Milan, le rassemblem­ent évangéliqu­e à Mulhouse et la station de ski autrichien­ne d’Ischgl qui a refusé de fermer ses pistes de ski et ses bars. Aujourd’hui, on sait que la concentrat­ion de personnes augmente de façon exponentie­lle la propagatio­n du virus. Le gouverneme­nt n’est pas près de rouvrir les stades et j’attends avec impatience qu’il siffle la fin du bal.

D’accord mais l’économie du rugby profession­nel est basée sur la billetteri­e. Une phase finale à huis clos n’a que peu de sens ?

Je le sais mais je crois que l’on doit prendre le temps de s’écouter, de se montrer solidaire. Les clubs les plus riches doivent aider les plus pauvres, les joueurs vont devoir rogner sur leurs salaires. On doit tout faire des efforts. La Ligue doit prendre exemple sur vous, Midi Olympique. En l’absence de compétitio­n, vous vous êtes réinventés. Le Top 14 doit le faire, lui aussi. Imaginer d’autres animations autour des matchs. Apprendre à vivre sans public dans les stades. Ce ne sera pas possible autrement. Je le répète, pour moi ce se sera le huis clos ou rien !

Le processus de reprise du rugby, pour les profession­nels est lourd et coûteux. Qui doit payer ?

Ce n’est pas à moi de le dire. Mais il faut aussi rassurer les joueurs. Ils ont peur, eux aussi ! Ils ne veulent pas reprendre. C’est pour cela que j’ouvre ma gueule. Je suis en dehors du rugby et je peux dire «Laissez faire les médecins». Ne les poussez pas à faire n’importe quoi ! ■

 ??  ?? bricoler avec la santé des personnes. Il faut laisser faire les médecins, et surtout ne pas leur mettre de pression. Après, je suis plus circonspec­t sur la tenue de rencontres en public.
bricoler avec la santé des personnes. Il faut laisser faire les médecins, et surtout ne pas leur mettre de pression. Après, je suis plus circonspec­t sur la tenue de rencontres en public.

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