Midi Olympique

LE SOS DES MÉDECINS

PRUDENCE LES MÉDECINS DU RUGBY PROFESSION­NEL FRANÇAIS, RÉUNIS CE LUNDI, ONT PRODUIT UN DOCUMENT PRÉSENTÉ MARDI AUX PRÉSIDENTS ET QUI JETTE UN SÉRIEUX FROID SUR LES ESPOIRS D’UNE REPRISE À MOYEN TERME, DÈS CET ÉTÉ.

- Par Léo FAURE (avec N.A. et M.D.)

C‘EST TOUTE LA CORPORATIO­N DES MÉDECINS DU RUGBY QUI MONTE AU CRÉNEAU POUR POSER LES CONDITIONS DU RETOUR À L’ENTRAÎNEME­NT ET AUX COMPÉTITIO­NS... POUR EUX, CE DOIT ÊTRE SANS PUBLIC. ENQUÊTE.

Relativeme­nt silencieux depuis le début de la crise, les médecins de club se sont soudain exprimés en masse, depuis cinq jours. À notre connaissan­ce, ils sont pas moins de huit praticiens dévoués à des effectifs du Top 14 à s’être confiés dans les médias, depuis dimanche. Avec un effet d’unanimité et de cohésion, sur le fond du propos, qui tranche avec la cacophonie qui rythme cette crise du Coronaviru­s, depuis un gros mois.

IRM CARDIAQUE, PRISE DE TEMPÉRATUR­E ET MASQUES À L’ENTRAÎNEME­NT

Cette prise de parole collective ne s’est pas faite au hasard. Elle est venue très vite après que la LNR, dans sa réunion de présidents mercredi, a acté deux scénario à de possibles phases finales pour conclure tant bien que mal cette saison 2019-2020. Ce serait en juillet ou en août, si besoin. Une avancée, enfin un accord auquel les « docs » ont donc vite répondu en ouvrant une troisième voie, moins enthousias­mante, peut-être plus sage : la fin actée et sans attendre des saisons 2019-2020. Sans en avoir trouvé l’issue, sans phases finales, sans champion et sans perspectiv­e de reprise des compétitio­ns avant septembre. Au mieux.

Un discours qui a vite fait peur. « Les médecins se couvrent et font valoir le principe de précaution », répondait-on du côté de la Ligue. « Je comprends leur réaction et leurs obligation­s financière­s, qui les inquiètent aujourd’hui. Leur position n’est pas facile. Mais en tant que médecin, il fallait qu’on fasse entendre cette voix à nos présidents. Celle que nous jugeons raisonnabl­e », justifie le médecin du Stade français Elliot Rubio.

Ce lundi en réunion, les médecins de club ont donc arrêté un positionne­ment commun quant aux perspectiv­es de reprise des compétitio­ns. Un document né sous la coordinati­on de Sylvain Blanchard, médecin du Racing 92 et qui a piloté la constructi­on de ce protocole de reprise. Lequel se découpe en cinq phases, débutant par un simple bilan médical et athlétique à distance, avant d’en venir à un bilan virologiqu­e.

De là, les joueurs testés négatifs au Covid-19 passeront un test à l’effort complet, sur vélo et en secteur hospitalie­r. Les joueurs testés positifs devront, eux, se diriger vers un examen cardiaque complet, comprenant une IRM.Tout ceci avant d’espérer la reprise des entraîneme­nts, d’abord par petits groupes et à intensité modérée.

Pendant plusieurs mois, il faudrait également prendre chaque jour la températur­e des joueurs et des staffs, et les soumettre à un test au Covid-19 chaque semaine pour ceux qui ne l’ont pas encore contracté. Le comité médical envisage même d’imposer aux joueurs le port d’un masque, à l’entraîneme­nt. Autant dire que le chemin vers la reprise des compétitio­ns s’annonce très, très long. Ce qui n’a pas fait rire les présidents de club ni les dirigeants de la LNR.

UN PROTOCOLE D’UNE QUINZAINE DE SEMAINES AU MOINS

Pour aller à l’essentiel : si les médecins de club ne donnent pas de délai officiel dans leur présentati­on, c’est bien d’une quinzaine de semaines au minimum dont on parle, entre le jour du déconfinem­ent et la reprise des compétitio­ns. Ce qui, dans un monde idéal où tout le protocole se déroulerai­t sans accroc, obligerait à attendre début septembre pour revoir du rugby dans un stade de Top 14 ou de Pro D2. Possibleme­nt à huis clos. « Il faut en tout cas l’envisager très clairement, confirme Elliot Rubio. En foot, j’ai vu que l’OMS venait de recommande­r à l’UEFA et la FIFA des huis clos jusqu’à la fin de l’année 2021… »

Les voix médicales s’imposent de plus en plus fortement dans le débat du sport mondial, quand les intérêts économique­s avaient jusqu’ici piloté seuls les négociatio­ns sur un avenir encore bien incertain. « Parce que nous évoluons dans une situation de méconnaiss­ance sur ce sujet ce qui, d’un point de vue scientifiq­ue, nous oblige à la prudence, poursuit encore Rubio. Je rappelle que le médecin le plus expériment­é au monde, sur le sujet du Covid-19, n’a jamais que quelques mois d’expérience… »

« POURQUOI NE PAS DÉCLARER

DÈS À PRÉSENT LA FIN DE CETTE SAISON ? »

Face aux voix médicales qui se lèvent pour réclamer du temps et de la prudence, l’hypothèse d’une issue à cette saison 2019-2020 prend sérieuseme­nt du plomb dans l’aile. « La masse des obstacles qui empêchent la tenue de phases finales, même en août, devient insurmonta­ble », lâche un président du Top 14, désabusé. « C’est démoralisa­nt. Je crois qu’il vaudrait mieux acter dès maintenant la fin de cette saison. » Pourquoi, alors, la LNR ne le fait-elle pas ? Ce mercredi, la Ligue s’est contentée, via un communiqué, d’officialis­er ce que tout le monde savait déjà : quoi qu’il arrive, les phases finales n’auront pas lieu en juillet. Ce qui laisse l’option du mois d’août théoriquem­ent ouverte, malgré l’accumulati­on des phénomènes contraires.

La veille pourtant, au terme de la présentati­on alarmiste du comité médical devant tous les présidents, celui de Bayonne Philippe Tayeb avait porté sur la table la question qui brûlait alors toutes les lèvres. « Paul (Goze, N.D.L.R.), nous avons besoin de visibilité.Tous les présidents de club en ont besoin. Pourquoi ne pas déclarer dès à présent la fin de cette saison, et que chacun puisse se pencher sur la prochaine qui nous inquiète tout autant ? » La réponse du président de la LNR a cinglé : « Pour moi, il est hors de question de tout arrêter. Nous travaillon­s sur ces phases finales en août et je crois que nous avons raison d’y croire. Et puis, nous sommes dans un pays où personne ne prend une seule décision forte : ni le gouverneme­nt, ni le ministère. Est-ce sérieuseme­nt à la Ligue de prendre une décision de cette ampleur et qui nous dépasse ? » La réponse semble pourtant s’écrire à l’affirmativ­e. ■

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