SALUT, MARCO...
JEUDI DERNIER, LE PRÉSIDENT HISTORIQUE DE L’US OYONNAX A PERDU LA VIE APRÈS AVOIR ÉTÉ FRAPPÉ PAR LE CORONAVIRUS. POUR MIDOL, SES PLUS PROCHES AMIS RENDENT AUJOURD’HUI UN DERNIER HOMMAGE À « MARCO » MANDUCHER…
Ses amis l’appelaient « Marco ». « Il avait l’allure d’un colosse et une voix rocailleuse, dit en préambule Lucien Simon, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, ancien président du club aixois et membre de la LNR. Marco, c’était un baron de la plasturgie qui aimait le rock and roll, la littérature et l’art moderne, un puissant capitaine d’industrie qui portait la nuque longue et assumait son penchant libertaire, son côté soixante-huitard. » En 1995, JeanMarc Manducher avait succédé à la présidence du club d’Oyonnax à son frère Patrick qui avait luimême suivi le règne du paternel, Jean, lequel avait suppléé son géniteur, Ernest, à la tête de l’USO. « Marco, lâche Jean-Pierre Dunant, correspondant du Midol dans l’Ain, ce sont vingt ans de présidence, les atours d’un patriarche, un personnage de Rabelais qui aimait la bouffe, le vin et ses potes. » Membre influent de la Ligue nationale de rugby, proche de Serge Blanco et Paul Goze, l’ancien président d’Oyonnax a marqué des générations de joueurs du côté de la Plastic Valley. Silvère Tian, ancien arrière de l’USO, fait partie de ceux-là : « Jean-Marc m’avait accueilli au club comme un fils et de mon côté, je l’ai rapidement considéré comme un père. Lui ne faisait pas semblant de s’intéresser aux gens : il connaissait les prénoms de toutes nos épouses, avait un sourire d’une douceur inouïe et aimait ses gosses. » Célibataire, sans enfant, Jean-Marc Manducher avait donc à Oyonnax une quarantaine de mômes qu’il couvait de ses larges pognes. « Il aimait la vie et voulait qu’on s’amuse, poursuit Tian. Un soir, après une victoire à domicile contre Bordeaux, il a débarqué dans le vestiaire, posé mille euros dans un panier et nous a dit : « Allez fêtez ça, les mômes. Et faîtes le bien. » La semaine dernière, j’ai donc perdu quelqu’un que j’aimais profondément. »
C’est le 25 mars dernier que Jean-Marc Manducher, frappé par le Covid-19, a été admis en soins intensifs dans un hôpital de Lyon, aux côtés de son frère cadet, Jean-Michel. Serge Blanco, la voix brisée par l’émotion, se souvient : « Avec Marco, on s’appelle quasiment tous les jours depuis quinze ans. Il est comme un frère, pour moi. » Ce jour de mars, l’ancien arrière du XV de France ne parvient pourtant pas à joindre Manducher. « Je n’arrêtais pas d’appeler, poursuit-il. Ça sonnait dans le vent. Au bout de trois jours, une infirmière m’a finalement répondu : elle m’a expliqué que « Marco » venait d’être placé dans le coma artificiel. »
SILVÈRE TIAN : « MON JEAN-MARC D’AMOUR… »
Si Jean-Michel Manducher (59 ans) est sorti guéri au bout de quelques jours, l’état de Jean-Marc est quant à lui passé, la semaine dernière, de « stationnaire » à « préoccupant ». En apprenant ça, Silvère Tian a envoyé ce message à son ancien président : « Mon Jean-Marc d’amour, ne lâche rien. Tu es le plus solide des Oyomen. » Mais « Marco » Manducher, décédé jeudi à l’âge de 71 ans, ne put jamais lire la dernière marque d’affection de l’un de ses gamins préférés. « Ce qui m’emmerde, conclut Lucien Simon, c’est de ne pas pouvoir lui dire au revoir. J’aurais aimé lui être fidèle comme il le fut avec moi tout au long de sa vie. Le jour où j’ai quitté le club d’Aix (en 2015, après vingt ans de présidence), le club avait organisé une grande fête au stade. La veille, j’étais parti à Bath avec Bruce Craig (le président de Bath) et Thomas Savare (l’ancien président du Stade français) et, au retour de ce voyage, j’ai vu sur le quai de la gare de Lyon-Part Dieu un grand mec portant une écharpe rouge et, à la main, un cartable de cuir. J’ai crié : « Marco, qu’est-ce que tu fous là ? » Lui s’est alors tourné lentement et m’a répondu : « Quoi ? Tu fais ton dernier match et tu croyais vraiment que j’allais manquer ça ? » Marco, il ne disait jamais « je t’aime » mais à mes yeux, ce geste eut plus de valeur que toutes les lettres d’amour… » ■