Midi Olympique

2009 : quelle affaire !

LA « UNE » DU 29 JUIN 2009 PAS FACILE DE TRAITER LA FAMEUSE AFFAIRE DE LA BLESSURE DE MATHIEU BASTAREAUD À L’AUTRE BOUT DU MONDE, DANS LA NUIT DE WELLINGTON. RETOUR SUR UN ÉPISODE D’EMBALLEMEN­T GÉNÉRALISÉ.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Quelle affaire ! Et quel titre, en streamer : « Sexe, mensonges et vidéo ». Le Midi Olympique avait cédé à la tentation de la référence avec le film éponyme de Steven Soderbergh, Palme d’Or du festival de Cannes vingt ans plus tôt. Et ce titre surplomban­t le logo fit vraiment du bruit, à l’aune de l’actualité qu’il traitait, vite estampillé­e « affaire Bastareaud ». Le 20 juin 2009, le XV de France de Marc Lièvremont venait de revenir sur terre, une défaite sèche (22-6) en Australie en clôture de sa tournée d’été. Jusquelà, il flottait pourtant une certaine euphorie autour de cette équipe. Elle avait auparavant remporté sa série de tests en Nouvelle-Zélande, victoire 27-22 à Dunedin et défaite honorable 14-10 à Wellington avec, en lot de consolatio­n, un essai magnifique de Cédric Heymans. Au total des deux matchs, les Tricolores étaient devant, pour un point. Le trophée Dave Gallagher était dans la poche, ce n’est pas rien. Midi Olympique avait envoyé trois journalist­es aux antipodes, deux rédacteurs et un photograph­e. On préfère situer l’époque : technologi­quement parlant, la civilisati­on internet était déjà bien en marche. La moindre informatio­n faisait déjà le tour du monde dans l’instant, on se téléphonai­t, on s’envoyait des SMS d’un bout à l’autre de la planète à volonté. Les premiers smartphone­s étaient dans le commerce et une grande partie des journalist­es en étaient déjà équipés. Les réseaux sociaux balbutiaie­nt, mais ils n’étaient pas aussi prégnants et agressifs qu’aujourd’hui.

Après le match de Wellington, tout le monde s’envolait pour Sydney où les Bleus devaient jouer le dernier test face aux Wallabies. « C’est là que nous avons vu que Mathieu Bastareaud était blessé au visage alors que la veille, il n’avait rien en conférence d’après-match » se souvient Grégory Letort, alors parmi les envoyés

spéciaux du journal. « Nous prenons l’avion, mais dès l’atterrissa­ge, nous apprenons que le XV de France va organiser une conférence de presse dans son hôtel à Sydney. Jo Maso prend la parole. Et là, c’est la sidération ! » Les journalist­es apprenaien­t que Mathieu Bastareaud aurait été agressé par des inconnus dans la rue, à Wellington.

C’est peu dire que l’affaire fit l’effet d’une bombe. Par nature, ses mensuratio­ns et sa précocité, Matthieu Bastareaud était déjà un phénomène. Il avait été sélectionn­é à 18 ans, en 2007, alors qu’il jouait en Fédérale 1 (mais forfait sur blessure), avant de revenir lors du Tournoi de 2009. « Nous étions le dimanche, je me souviens que nous nous retrouvons dans le flou complet. Il y a mille choses qui sortent dans tous les sens. Il faut aussi se souvenir que Mathieu Bastareaud quitte alors le groupe et rentre en France, sans rien dire. Mais il n’est pas le seul, il y a d’autres joueurs qui sont avec lui. Ces départs alimentent toutes les spéculatio­ns. » En cinq jours, entre dimanche et jeudi, c’est la folie. Ça monte très haut. Et le jeudi, la télévision annonce qu’il n’y a pas eu d’agression ! C’est une bombe. Comme si un cyclone s’était abattu sur le XV de France alors que la tournée avait si bien commencé. Le staff des Bleus affirme qu’il ne veut rien cacher et qu’il veut savoir la vérité. Les rumeurs de bagarre entre joueurs commencent à circuler et c’est là que l’intéressé donne sa version des faits : un choc avec la table de nuit en revenant dans sa chambre ! Cette version prit la forme d’un communiqué sur le site de son club, le Stade français. « Je suis rentré à l’hôtel après avoir trop bu. Je suis tombé dans ma chambre, j’ai heurté la table de nuit et je me suis ouvert la pommette. J’ai eu honte, j’ai paniqué et j’ai cru que j’allais être renvoyé de l’équipe de France. J’ai raconté cette histoire pensant que cela allait passer. Vu l’ampleur que cela prend, je préfère raconter la vérité. J’ai paniqué et je me suis enfoncé. »

LE PREMIER MINISTRE QUI S’EXCUSE

Fait incroyable, le Premier ministre français, François Fillon, envoie un message d’excuses à son homologue néo-zélandais car dans l’archipel du bout du monde, c’était devenu une affaire d’État. C’est ce qui explique la sévérité du titre de Midi Olympique et de l’article intérieur de Jacques Verdier dans ce fameux numéro, sorti après la rétractati­on. « Cette affaire a

plombé la fin de la tournée, c’est sûr » se souvient encore Grégory

Letort. « Le match face à l’Australie se déroulait dans une atmosphère particuliè­re, tout tournait un peu en eau de boudin. Je crois que c’était le jour de la mort de Michael Jackson. Le lendemain, nous avons repris l’avion et en arrivant, nous avons vu que Max Guazzini annonçait que Mathieu Bastareaud avait été hospitalis­é. »

L’expression « Sexe, mensonges et vidéos » fut très critiquée, bien sûr. Elle faisait aussi référence aux déclaratio­ns d’un responsabl­e de la police de Wellington qui avait expliqué qu’il disposait d’images de vidéo surveillan­ce montrant Mathieu Bastareaud rejoignant son hôtel sans blessures apparentes en compagnie de deux autres joueurs, mais aussi de deux jeunes femmes. Évidemment, le titre fut mal ressenti par le joueur, qui devait nous en tenir rigueur par la suite, même si, il nous accorda finalement plusieurs entretiens au fil du temps.

Matthieu Bastareaud, de son côté, n’a plus vraiment changé de version. Il l’a rappelée dans un dernier reportage diffusé sur Canal +, le week-end dernier. Il a évoqué sa réaction de gamin rentré trop tard après une sortie arrosée et craignant de se faire gronder par le staff, mettant au point un mensonge qui devait le dépasser. Il fit un changement en parlant du « pied du lit » et non pas de « la table de nuit ». « Tout le monde parle de table de nuit, mais je prends le pied du lit. Ce sont les gens qui ont ensuite inventé des légendes. Certains ont dit que je m’étais battu avec untel ou untel. Ils ne se sont basés sur rien. »

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