UN COWBOY CHEZ LES INDIENS
FRANCK VILLARD, INSTALLÉ AU PANAMA DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, N’EST PAS UN EXPATRIÉ COMME UN AUTRE. SEUL OU PRESQUE, CE NÎMOIS A CRÉÉ IL Y A DEUX ANS L’ASSOCIATION DESCALZOS, QUI VIENT EN AIDE, VIA LE RUGBY, AUX ENFANTS LES PLUS DÉMUNIS D’AMÉRIQUE CENTRALE.
Sur le coup de midi, le ciel de Panama était toujours dégagé et le soleil, brûlant et jusque-là tapi derrière des gratte-ciel, semblait se réverbérer sur les trottoirs. Au fil du boulevard, les autobus lâchaient dans l’air de longs panaches polluants. Des passagers montaient, d’autres descendaient et derrière les vitres poussiéreuses, on parvenait à distinguer les voyageurs, le regard perdu sur un point indéfini de l’horizon. Certains essuyaient la sueur de leur cou avec un mouchoir, d’autres s’éventaient le visage avec un vieux journal, comme terrassés par la chaleur qui semblait accrochée à l’intérieur des choses. Les visages reflétaient des origines diverses, africaine, indienne, asiatique ou métissée. « Le Panama s’enorgueillit d’une aussi grande variété d’humains que d’oiseaux », plaisantait à ce sujet Angèl, un professeur d’université rencontré la veille, du côté du
Casco Viejo. Certains d’entre eux étaient les descendants d’esclaves, d’autres tout comme, leurs ancêtres ayant été expédiés ici par dizaines de milliers pour construire le canal, l’un des plus vastes chantiers contemporains. Franck Villard, 47 ans, aurait pu avoir une vie d’expat’ comme une autre, se complaire dans les plaisirs lascifs que le Panama sait offrir à ceux pouvant encore se les payer, griller ses Marlboro en priant pour qu’elles lui accordent une clémence chez elles plutôt inhabituelle, ou vider des caisses de rhum sur des îles où pleuvent les dollars, le week-end. Mais Villard, ancien trois-quarts centre de Nîmes, fils d’un ancien cacique de la DNACG et père de deux enfants, surgit souvent là où on ne l’attend pas. Sa carrière, longue comme le pont du Clémenceau, a ainsi démarré par des petits rôles dans des séries sans relief (Hélène et les Garçons…), s’est poursuivie par l’écriture de plusieurs pièces de théâtre pour finalement s’accomplir dans le commerce international. Aujourd’hui à l’abri du besoin, Franck Villard s’est installé depuis dix ans au Panama. « Un jour, raconte-t-il en préambule, une amie qui bossait dans une ONG m’a amené visiter un orphelinat. Deux heures après en être sorti, je me suis mis à pleurer de façon inexplicable. Je me suis comme vidé de mes larmes. » Passé le choc initial, Franck Villard a alors décidé de venir en aide aux plus démunis, dans un pays qui en compte plusieurs millions : au Panama, où le salaire moyen est de 400 euros par mois, 60 % de la population vit en effet au-dessous du seuil de pauvreté. Et tous les jours, des immigrés du Vénézuela, du Salvador et de Colombie viennent grossir les bidonvilles entourant des immeubles « upper class » où le loyer le plus bas flirte avec les 8 000 euros mensuels, les buildings des banques internationales et les cabinets d’avocats véreux. Tous les jours, la cote de popularité des nationalistes augmente un peu plus, la criminalité monte en flèche et la corruption garde un rythme plutôt soutenu, dans un pays considéré encore aujourd’hui par la France comme un paradis fiscal.
LA GUERRE DES GANGS
Seul ou presque, Villard a créé il y a deux ans l’association Descalzos, une ONG venant en aide aux mômes nés du mauvais côté du canal, dans des quartiers comme San Miguelito où la violence domestique touchait l’an passé 78 % des foyers. « Descalzos » ? Oui, comme « pieds nus ». « L’un de nos premiers tournois de rugby a rassemblé l’an passé près de 600 gamins, poursuit Villard. Pour être au top, les petits avaient récupéré dans leurs quartiers des chaussures que les adultes ne mettaient plus.Vous