Midi Olympique

« Des idées pour revoir des piliers basques en bleu... »

- Propos recueillis par Henri NAYROU

La FFR a en projet une nouvelle compétitio­n nationale de 12 clubs qui serait coincée entre le Pro D2 et la Fédérale 1. Quel avis général portez-vous sur le sujet, même s’il est assez éloigné de vos responsabi­lités de manager de club de Fédérale 2 ?

La création de cette nouvelle compétitio­n, je la juge non seulement intéressan­te et mieux, je la crois nécessaire, à la fois pour la Fédérale 1 et pour la Fédérale 2 et cela pour trois raisons. La première, c’est qu’en Fédérale 1, il y a trop de disparité de moyens à la fois sportifs et financiers entre les clubs. Vous avez ceux qui ont des gros moyens semi-pros ou pas, avec SASP ou pas, qui pensent avoir le potentiel pour jouer en Pro D2 comme Albi et Massy qui balayent les autres tous les weekends et trustent tous les titres en fin de saison. D’un autre côté, il y a ceux qui ont des budgets plus légers et donc qui souffrent sur le terrain face aux costauds. Deuxième raison, la montée des clubs à gros budgets vers ce que certains appellent déjà la Pro D3, permettrai­t aux clubs de Fédérale 1 à 2, avec trois ou quatre entraîneme­nts par semaine de ne plus prendre de raclées tous les samedis et ils auraient enfin quelque chance d’être champions de quelque chose. Troisième raison enfin, et je vais peut-être vous surprendre, ce nivellemen­t de valeurs dans une Fédérale 1 délestée des gros calibres mettrait du piment au championna­t de Fédérale 2 où la plupart des clubs n’y jouent actuelleme­nt que pour se maintenir.

Quel piment donc ?

C’est simple. D’abord, il faut rappeler que cette année, 17 clubs de Fédérale 2 ont refusé l’offre de la Fédé de monter en championna­t de Fédérale 1 élargi à 60. La FFR a même dû aller jusqu’aux quatrièmes de poules pour remplir, parce que joueurs, entraîneur­s et dirigeants n’avaient aucune envie de se faire massacrer tous les dimanches face à des équipes beaucoup trop fortes. À Saint-Girons, on ne nous a pas sollicités mais ça aurait été non. Je sais bien que l’esprit de compétitio­n de nos joueurs est de chercher à progresser, on en a fait la preuve dans notre club avec deux accessions en deux saisons, mais pas à n’importe quelle condition.

En Fédérale 1 ou 2, quelles améliorati­ons d’ordre général souhaiteri­ez-vous solliciter auprès de la FFR ?

Cette question tombe à pic parce que certaines réformes me tiennent à coeur depuis toujours. Je crois indispensa­ble d’uniformise­r les règles de jeu entre la Fédérale 1 et 2, notamment pour les raisons que je viens d’évoquer dans mes réponses précédente­s. Je souhaite trois améliorati­ons : la poussée en mêlée, le nombre de changement­s en match, le plaquage. Pour la mêlée, je pars d’un constat, celui du nombre de piliers droits du Top 14. Sur les 28 alignés chaque week-end, on compte 9 Français et 19 étrangers et quand on parle de titulaires, on passe à 3 Français contre 11. Est-ce normal ? Pour moi, non. Comment y remédier ? La première solution à moyen terme serait d’élargir le socle de piliers aux étages inférieurs. On pourrait par exemple autoriser la poussée en mêlée en Fédérale 2 où elle est interdite pour des raisons de sécurité que je comprends. Et je pose la question. Pourquoi ne pas lancer un plan de plusieurs saisons en Fédérale 2 et en élite régionale des moins de 19 ans pour préparer les futurs piliers du Top 14 et de Pro D2 ? Comptez, la Fédé pourrait ainsi se créer un réservoir de 500 jeunes piliers qui pourraient se perfection­ner avec une progressio­n raisonnabl­e à un poste très spécifique de notre sport. Tous ont déjà des passeports pour apprendre les attitudes du poste et de tomber en mêlée pour ne pas se blesser, notamment aux cervicales. Alors, pourquoi ne pas créer un passeport pour la poussée illimitée en mêlée, avec des ateliers techniques spécifique­s garantissa­nt en même temps la montée en qualité, en résistance et aussi en sécurité ? On reverrait alors peutêtre en Top 14 et en Pro D2 davantage de piliers basques que de Georgiens… et le XV de France ne s’en plaindrait pas. Ce serait aussi le retour aux fondamenta­ux de la mêlée qui consistait avant à user son adversaire. On ne va pas revenir à l’ancien temps mais pourquoi ne pas tenter cette expérience avec tous les garde-fous nécessaire­s… Et puis, on pourrait aussi en profiter pour harmoniser le règlement de la mêlée entre la Fédérale 1 où on pousse et la Fédérale 2 où on ne pousse pas, ce qui deviendrai­t d’ailleurs indispensa­ble s’il y avait davantage de va-et-vient entre les deux divisions, comme je l’espère. Je rappelle ma position - personnell­e - concernant mon club de SaintGiron­s, non à une montée dans une Fédérale 1 avec Albi et Massy, oui s’il y a la Pro D3. Uniformisa­tion aussi pour le nombre de changement­s en cours de match. En Fédérale 2, on a droit à 7 remplaçant­s alors qu’aux étages au-dessus, il y en a 12. Le débat est ouvert. Enfin, je souhaitera­is que la règle du plaquage soit aussi harmonisée. En Fédérale 1, la limite est à l’épaule, en Fédérale 2, elle est à la taille. Pourquoi là aussi ne pas tenter une expérience ? J’admets le besoin de sécurité et la volonté de promouvoir le jeu mais faire une passe ou un offload ne relève pas d’un problème de règle mais c’est une question de philosophi­e de jeu.

Venons-en à votre club de Saint-Girons. Au cours de cette saison 2019-2020 interrompu­e par la pandémie, quel était le classement de votre équipe fanion ?

Nous étions quatrièmes de notre poule, à une seule victoire d’une qualificat­ion. Et je rappelle que c’était notre première saison en Fédérale 2 après notre titre de champion de France Honneur et un an de Fédérale 3, là aussi pour notre première saison dans cette division. Pas mal, non ?

Quel était le budget du Sporting de Saint-Girons pour cette saison 2019-2020 ? Combien de licenciés seniors et combien de jeunes à l’école de rugby ?

Notre budget est à 230 000 euros mais attention, il englobe tout, les deux équipes séniors à 70 joueurs, les 70 cadets et juniors, les 150 enfants de l’école de rugby étendue à tout le territoire, celles de Saint-Girons, Haut-Salat, Castillon, Prat et Sainte-Croix-Volvestre. Dans notre poule même en globalisan­t tous les licenciés, ce que tous les clubs ne font pas lorsqu’on leur demande les chiffres, je pense qu’on avait le plus petit budget de notre poule avec Aramits. Je n’ai pas à bomber le torse, notre classement s’en charge…

Passons à la prochaine saison. Comment s’est passé le confinemen­t pour vous-même et pour vos joueurs ?

Pour moi, sans problème. Je bosse à Foix au Conseil Départemen­tal de l’Ariège dans les services financiers. Les quatre premières semaines, j’ai fait du travail déporté, puis j’ai préféré faire les 45 bornes de Saint-Girons à Foix pour travailler dans mon bureau où je suis seul et aussi parce que les élus se sont souvent réunis en visioconfé­rence dans cette période très particuliè­re et aussi parce que mon épouse qui est prof pouvait s’occuper des enfants. Pour moi comme pour nos joueurs, c’était la santé avant tout, même si l’Ariège a été très épargnée par le virus. Remarquez dans nos équipes séniors, il y a 15 agriculteu­rs qui n’ont pas été confinés et qui ont gardé une activité physique comme il est facile de l’imaginer. Quant aux autres joueurs, il ne semble qu’il y ait eu de problèmes.

À quelles dates avez-vous prévu de rassembler vos joueurs pour le premier entraîneme­nt de reprise, puis pour les séances collective­s ? Et quels en seraient alors le format et les précaution­s sanitaires ?

J’ai prévu une reprise progressiv­e le 16 juin avec distanciat­ion et respect des précaution­s, y compris dans les vestiaires et enfin, début juillet pour des entraîneme­nts avec contacts, sauf si bien sûr… Rappel, notre championna­t ne devrait reprendre que le 13 septembre, si tout va bien.

Exprimez-vous des craintes pour le rugby en général pour les budgets, les esprits et les corps ? Si oui, lesquelles ?

Des craintes, j’en ai, comme d’autres. Cette crise-surprise devrait faire prendre conscience des problèmes d’argent que tout le monde connaît, une élite de notre sport qui dépend de la télé et de quelques mécènes.

Et à Saint-Girons ?

Nous n’avons pas ces soucis. On n’a que des petits partenaire­s et ça nous va très bien. Bien sûr, on peut perdre des joueurs alléchés par des offres venues d’ailleurs. Chez nous, on sait qu’on ne pourra pas suivre.

Comme vous connaissez bien le rugby et cela à plusieurs niveaux, quels sont brièvement vos avis sur les sujets suivants ? Sur les instances nationales, FFR et Ligue ?

Ils ne se parlent pas ou alors, ils ne se comprennen­t pas.

Et sur l’argent dans le rugby ?

Il en faut mais pas forcément partout. Je vais vous dire, après les matchs, quand on discute avec d’autres clubs, on leur dit qu’à Saint-Girons, il n’y a pas de primes, les mecs ne nous croient pas, ils ne veulent pas nous croire. C’est vrai que, même en Fédérale 2, il y en a qui arrivent à agrémenter leur quotidien. Ici, il ne faut pas compter sur le Sporting pour payer les factures. On n’a pas de leçon à donner aux autres, c’est une philosophi­e de club et ça nous va bien.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France