Midi Olympique

Être Capo

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La tradition est déposée en héritage au coeur des villages et des villes d’Ovalie, au bord des hauts poteaux, au pied de la tribune d’honneur et des travées sans couleur. C’est la tradition des adieux tels que la chronique y ajoute souvent « aux larmes ». Belle et émouvante tradition pour nous tous, les sentimenta­ux d’hier et d’aujourd’hui, du rugby de clocher et des maillots à mouiller. Il s’agit d’y célébrer la sortie des guerriers de l’avant. Il en existe derrière aussi, et comment, mais ce sont les bestiaux qui, au moment d’en finir, restent les plus attendriss­ants. Logique, songez-y, tant ce jeu, sans être gaulois, aime à décrocher, puis à hisser, un dérisoire objet devenu sacré, et que l’on appelle bouclier. Toutes les mains veulent le toucher, le dresser, mais c’est encore dans celles d’un avant, forcément « de devoir », qu’il semble le plus à sa place, soudain léger, et si envié.

Celui auquel je désire rendre hommage va d’un pas très lent sur ses 40 ans. Par deux fois, capitaine sur le pavois, il l’a soulevé, mirifique jouet. Quatre cents matchs et dix-huit saisons d’une même étoffe, le plus noble des gringos a quitté les rives du Rio de la Plata pour devenir un héros sur les bords de l’Agout. S’il vous plaît, faites la haie et saluez Rodrigo Capo Ortega, le doyen tant respecté de notre championna­t dont c’est, après quelques essais avortés, le vrai départ si tristement discret. Lui et d’autres n’y reviendron­t pas. Ils sont nombreux ces sacrifiés, ces drôles de confinés, qu’un virus sournois a privé de la sortie méritée. De Bayonne à Toulon, en passant par Montpellie­r et Clermont, on aurait aimé les voir partager cette ferveur, garder le son d’une clameur. Le meilleur d’entre eux par la bravoure déployée était devenu « Capo », il le restera par le surnom et la réputation.

Je puis vous assurer, pour avoir chanté Montagnes Pyrénées à son côté, un soir d’euphorie avec les Barbarians et les Charly’s, qu’il était, entre toutes les mi-temps à vivre et à vider, maître en Ovalie. Heureux ceux qui ont joué avec ce déménageur de première, il n’avait pas son pareil pour remuer d’un gros coeur la chair des mêlées. Et voilà qu’à la rentrée il ne roulera plus les épaules comme le seul ours élevé par l’Uruguay. C’était un « gros », un vrai, un beau. Il va manquer à notre paysage affectif, toujours ardent, souvent cuisant, jamais méchant. Plus prompt à prendre le lévrier sous son aile qu’à le décaler, il rappelait que le rugby est une affaire de corps qui donnent et qui se donnent. Les souvenirs, au coin de l’oeil ou du nez, au creux des articulati­ons et des côtes (allez Walter !), ne cessent de marquer. Le temps de l’après invite à ne plus baisser la tête et à toujours la relever, surtout au contact des frères d’armes retrouvés. Ils sont, nous sommes Capo. C’est dire si ce Tarnais, destiné à le rester, va passer une belle vieillesse à échanger rires et souvenirs. Et avec ça, qu’il soit permis de l’appeler encore longtemps « monsieur l’Ambassadeu­r ». Le Castres olympique de Gérard Cholley sait gagner les titres et les décerner.

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