Des espaces qui viennent à manquer
Àhaut niveau, la maîtrise technique, le perfectionnement physique, la compréhension stratégique ont amené les joueurs à occuper l’espace du terrain dans sa quasi-totalité. Même en enchaînant les phases de jeu, aériennes, statiques ou de contre-attaque, il est de plus en plus dur de se retrouver face à une défense suffisamment désorganisée. Le rugby ne serait-il pas, finalement, arrivé à une phase de saturation dans laquelle les équipes se rendent simplement coup pour coup, à tour de rôle ?
En souhaitant optimiser toutes les variables en leur possession, les acteurs se sont livrés une course acharnée ayant pour objectif de parvenir à obtenir un maigre avantage compétitif vis-à-vis des autres. Certaines équipes parviennent tant bien que mal à défendre un idéal de jeu qui repose sur l’exploitation des espaces vides mais les phases d’affrontement sont nombreuses et finalement peu variées. La traumatologie du joueur de rugby n’est que la conséquence de ce jeu qui s’optimise sans cesse, à tel point que le corps en devient le seul facteur limitant.
Lorsqu’il est question d’orienter le comportement des joueurs et la forme du jeu, les règles occupent un rôle central. Ancrées dans une évolution constante, elles ont contraint les acteurs à devoir sans cesse revoir leur approche du jeu. Autant pour la santé du joueur que pour le bon déroulement des matchs, leur évolution a régulièrement orienté les joueurs dans une direction censée être meilleure.
Ces évolutions ne doivent pas pour autant remettre en question totalement les fondements même du rugby à XV. Beaucoup de solutions, certaines plus envisageable que d’autres, ont déjà été évoquées. La réduction du nombre de joueurs présent sur le terrain paraît être particulièrement vertueuse.
Le format du rugby à X est adapté si l’on veut permettre aux joueurs de disposer de plus d’espace mais il serait alors impossible de continuer de parler de rugby à XV.
Un agrandissement du terrain a aussi été évoqué mais je ne suis pas sûr que les municipalités soient prêtes à assumer ce changement…
La réduction du nombre de remplacements possibles concentre un grand nombre d’avantages. L’idée consisterait à restreindre le nombre de remplacement (hors première ligne) afin d’arriver à un niveau de fatigue générale susceptible d’aérer le jeu. La règle ne peut que difficilement être appliquée sans voir le nombre d’accidents monter en flèche le temps que les acteurs s’adaptent. Dans la période actuelle, pas évident de défendre la proposition compte tenu du débat sur la santé des joueurs.
En regardant rapidement en arrière, on peut voir que le rugby a su se renouveler, se réinventer systématiquement. Je ne suis pas adepte du « c’était mieux avant » mais je me dis qu’il y a tout de même de bonnes choses à hériter de ceux qui ont fait le rugby avant nous. Tenu à l’écart des phénomènes d’optimisation, le rugby a longtemps conservé une approche moins « contrôlée » que ce que l’on connaît aujourd’hui. L’exploitation des espaces libres prenait l’avantage sur le fait de ne pas en offrir à l’adversaire. Dans un rugby actuel fait de rationalité, je me dis qu’il est parfois bon de ne pas oublier que jouer c’est tout sauf empêcher l’autre de le faire. ■