Midi Olympique

Le camp des Émiratis sort du silence

- Par Vincent BISSONNET, envoyé spécial vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

L’ASBH SAIT OÙ ELLE VA, AU MOINS. TROIS JOURS APRÈS L’ABANDON DU PROJET DE REPRISE, LE CLUB HÉRAULTAIS A ÉTÉ CONFIRMÉ EN PRO D2. UN SOULAGEMEN­T POUR LES JOUEURS ET LE STAFF, DÉTERMINÉS À RELEVER LE DÉFI SPORTIF DE LA SAISON À VENIR. MAIS AUTOUR DU CLUB, LA COLÈRE GRONDE ENCORE ET LA DÉSUNION EST MARQUÉE.

Vendredi matin, à Valras-Plage (Hérault) : sur la large bande de sable menant à la Grande Bleue, une trentaine de rugbymen s’en donnent à coeur joie, enchaînant matchs à toucher et parties de volley-ball revisité. Des rires, quelques séances de chambrage et des petites piques de mauvaise foi égayent ce début de journée ensoleillé. « Ça fait plaisir de changer d’air et de sortir du contexte du stade », sourit Jean-Baptiste Barrère après une bonne heure d’intenses efforts. Pour la première fois depuis plus de deux mois, surtout, les Biterrois ont pu se lever avec l’esprit tranquille le matin même. La veille, la Ligue a validé la présence de l’ASBH en Pro D2, trois jours après la fin du feuilleton à rebondisse­ments autour du possible rachat du club. « Ça y est, tous les sujets en coulisses sont clos, enfin. L’extra-rugby, on en a assez parlé », apprécie Jean-Victor Goillot, jeune demi de mêlée arrivé de La Rochelle « Ça fait trois mois que nous étions suspendus à tout un tas d’annonces, reprend Jean-Baptiste Barrère. Ce n’était pas agréable de vivre au milieu de tout ça. C’est un grand soulagemen­t ; Tout le monde va pouvoir travailler plus sereinemen­t. » De longues semaines durant, une ombre a plané au-dessus de leurs têtes. « Je suis content de la manière dont mes joueurs et mon staff ont réagi durant cette période », apprécie David Aucagne. Nicolas Szezur, responsabl­e de la préparatio­n physique, appuie : « Quand les gars étaient sur le terrain, je n’ai pas senti de vraie différence dans leur investisse­ment par rapport à ce qu’il se passait en dehors. Mais dès que ça s’arrêtait, le sujet animait toutes les discussion­s, le premier qui venait à l’esprit. »

Le nouveau départ est donné. Avec les joueurs, enfin, au coeur du jeu. « Le discours est clair : il est temps de prendre du plaisir et d’évacuer tout ça, annonce David Aucagne. Tous avaient hâte de décharger cette adrénaline. Je sens bien le groupe, il est motivé, porté par une grosse envie d’en découdre. » Les Rouge et Bleu sont désormais lancés dans une course contre-la-montre. « Il n’y a plus qu’un mois de préparatio­n, alors nous avons intérêt à accélérer. » Pour trouver un maximum de repères au sein d’un collectif restreint. Et le renforcer si possible : « Nous avons de bonnes bases au niveau du collectif, analyse le technicien. Il y a de la qualité mais il manque deux ou trois éléments pour le compléter : deux ailiers et un pilier gauche. Plusieurs joueurs, qui étaient dans le doute vu l’actualité, ont dit non à notre projet. Tout ça n’a pas aidé. »

Béziers repart de loin au sein d’un Pro D2 plus concurrent­iel que jamais. Les Héraultais trouveront-ils dans toutes ces mésaventur­es un supplément d’âme ? Jean-Baptiste Barrère veut y croire, en tout cas : « Cela peut devenir une force. Nous avons tous à coeur de prouver notre valeur sur le terrain. C’est pour ça que nous sommes payés. Il n’y a plus de questions à se poser, il s’agit juste de se préparer au mieux pour relever ce défi. » Et répondre aux attentes. « Tout le monde n’a parlé que de Béziers ces derniers temps, alors on sait que nous serons très attendus », évoque Jean-Victor Goillot. « Tout ça n’a pas donné une belle image du club. Nous allons tout donner, chacun à notre niveau, pour la redorer », reprend David Aucagne. La mission réconcilia­tion du peuple biterrois se pose en toile de fond du challenge sportif : « Ce sera très important de répondre présents pour unifier tout le club, conclut le troisième ligne. C’est notre responsabi­lité de tout éteindre avec nos performanc­es. Quand les résultats reviendron­t, tout le monde se raccrocher­a au wagon. Enfin, je l’espère. »

« JE NE METTRAI PLUS UN PIED AU STADE »

À une dizaine de kilomètres de là, au coeur de Béziers, le discours des amoureux du club aux onze Brennus détonne. La fin du feuilleton du rachat et le soulagemen­t apporté par la DNACG n’ont visiblemen­t pas atténué les rancoeurs et l’amertume. À « La Coupole », barrestaur­ant situé aux abords du stade Raoul-Barrière, Éric Montagné souffle de dépit : « Je vis mal la situation, grince le patron des lieux. On nous a fait rêver et, finalement, ça va repartir avec la même équipe et de gros problèmes d’argent. Il n’est pas possible d’imaginer la passion des gens, ici : tout le monde s’était pris à croire dans le renouveau de l’ASBH. Les gens sont meurtris, Béziers est divisé et il y a plein de supporters qui ne veulent plus s’abonner. » Florian, jeune adhérent de Rugbiterre, une des plus grandes associatio­ns de supporters de France mise en sommeil, confirme : « Je suis dégoûté. Je ne mettrai plus un pied au stade tant qu’il y aura cette direction. » Les hommes en place avaient récemment déposé une plainte contre Rugbiterre après des commentair­es déplacés sur les réseaux sociaux. Le divorce est consommé. Envenimé par les zones d’ombre autour de l’échec de la reprise : « Ce projet avait tout pour nous plaire. Je ne comprends pas ce qui n’a pas marché. Quand je vois qu’il n’y avait que trois recrues avant le passage devant la DNACG, je me pose des questions. En tout cas, je remercie Christophe Dominici et Yannick Pons pour avoir travaillé sur ce projet et je leur demande de garder Béziers dans un coin de leur tête. Peut-être qu’ils reviendron­t. » En attendant, l’issue de l’opération réconcilia­tion paraît des plus incertaine­s au regard des derniers points de tension : « Je n’ai pas aimé le comporteme­nt de notre capitaine, reprend Florian. Jonathan Best a osé se moquer des supporters, disant qu’il n’y avait pas besoin du peuple biterrois. Et puis les dirigeants ont dit que ce ne sont pas deux cents cartes d’abonnement qui font vivre le club. Peut-être. Mais s’il n’y a plus de supporters au stade, je ne pense pas que le club le vive bien… »

« LES CICATRICES SONT PROFONDES »

Raoul-Barrière risque de sonner creux ces prochains temps. Comme Rugbiterre, la « Banda Mescladis » s’est mise en sommeil. Son président Roger Bon désespère : « C’est un vrai cauchemar. C’est un tsunami qui est passé sur Béziers. C’est parti dans tous les sens. Les menaces, les insultes, tout ce qui s’est passé n’est pas tolérable. Et cette histoire de dépôt de plaintes car un dirigeant et sa famille ont été insultés par un compte anonyme sur le mur Facebook d’un groupe de supporters… Tout ça est allé trop loin. Nous ne sommes que des bénévoles et des passionnés. » À l’amour écorné. Désabusé : « C’est un soulagemen­t d’être maintenu en Pro D2 mais ça ne fait pas oublier pourquoi nous en sommes là. Cela fait des années que ça dure. C’est un énième sauvetage mais le naufrage est assuré à terme. C’est un changement radical qui est réclamé. » La direction, encore et toujours, cristallis­e sa rancoeur : « Nous avons appris des choses que l’on ne pouvait pas imaginer.Tant qu’il n’y a pas de changement et de transparen­ce, on ne reviendra pas. » L’arrivée attendue de René Bouscatel au sommet de l’organisati­on peut-elle marquer un premier pas vers un apaisement ? Ça reste à voir. « Que vient faire Bouscatel ici ? interroge Éric Montagné. Nous sommes entre Biterrois. Je ne vois pas ce qu’il peut nous apporter. Bon, moi, tout ce que je veux, c’est que le club s’en sorte par le haut. » Cet espoir réunit tous les amoureux de Béziers. « Peu importe qui arrive, la priorité est de reprendre les choses en mains afin que notre blason puisse être redoré », reprend Roger Bon.

À court terme, il appartient aux hommes en crampons de redresser la mire. « Mon soutien va avant tout aux joueurs et à leur famille : ils ne méritaient pas de vivre cette épreuve. Tout comme M. Angelotti d’ailleurs, qui a été fidèle depuis une vingtaine d’années. » Après deux mois d’un feuilleton éreintant et des années de frustratio­n, le monument vacille : « Les cicatrices sont profondes autour du club. Et il va falloir beaucoup de temps pour que ça s’apaise. » L’été pourrait encore réserver quelques surprises : « Ce n’est encore qu’au stade de la réflexion, se projette Florian, de l’associatio­n Rugbiterre, mais il est question que l’on organise une manifestat­ion devant le stade avant le match amical face à Toulouse le 14 août. » Autour du stade Raoul-Barrière, le calme est simplement revenu, en apparence. ■

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Photos Icon Sport et V. B.
 ??  ?? Les partenaire­s de Jean-Baptiste Barrère (photo de gauche) veulent désormais passer à autre chose et se concentrer sur le sportif. Pour l’heure, ils poursuiven­t leur préparatio­n et étaient en fin de semaine à Valras pour des jeux et des exercices sur la plage de la cité balnéaire. Du côté des supporters, la colère l’emporte et le divorce est consommé.
Les partenaire­s de Jean-Baptiste Barrère (photo de gauche) veulent désormais passer à autre chose et se concentrer sur le sportif. Pour l’heure, ils poursuiven­t leur préparatio­n et étaient en fin de semaine à Valras pour des jeux et des exercices sur la plage de la cité balnéaire. Du côté des supporters, la colère l’emporte et le divorce est consommé.
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