Midi Olympique

Un air, deux familles

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

C’est l’inconvénie­nt du double rôle, de la double vie, où il faut contenter tout et son contraire. Deux écussons brodés au maillot et qui confinent, parfois, à la schizophré­nie. Grand patron du rugby français depuis bientôt quatre ans, Bernard Laporte est aussi, depuis trois mois, le numéro 2 de World Rugby. Un deuxième emploi qui justifie sans mal son statut de dirigeant « le plus puissant du rugby mondial », comme l’a couronné récemment le magazine anglais Rugby World. Une main sur la FFR, deuxième fédération la plus fortunée du monde du rugby. Une autre sur l’instance suprême, où il compte parmi les grands artisans de la réélection de Bill Beaumont, débordant de son ombre.

Cette position « égocentral­e » supporte son lot de difficulté­s. Des ennemis, à la pelle, qui ne manquent pas de naître dès qu’on pénètre de telles sphères. Le récent brûlot anti-Laporte, publié dans les colonnes du très sérieux Times anglais, était-il une peau de banane glissée là par quelques opposants à la méthode Laporte ? Bien sûr. Mais « Bernie » en a vu d’autres, se formalise rarement de ces attaques et avance, coûte que coûte, même sous la mitraille.

Cette position centrale est aussi schizophrè­ne, parfois. Quand World Rugby écarte nos clubs de son processus de décision et impose six matchs internatio­naux à l’automne, contre l’avis de la puissante Ligue française, où se situe Laporte ?

Casquette World Rugby en chef, il ne peut pas déjuger l’institutio­n dont il est le vice-président en ignorant, sur son territoire, une décision prise à l’échelle planétaire. Ce sera donc six matchs, cet automne. Non négociable. La réglementa­tion, modifiée à l’occasion de cet élargissem­ent ponctuel de la fenêtre d’automne, lui donne ce pouvoir.

Casquette FFR sur la pointe de son crâne dégarni, il sait toute la sensibilit­é du sujet, dans le contexte franco-français. Ses escarmouch­es avec Paul Goze, sur fond d’inimitié personnell­e forte, sont du divertisse­ment de jeu politique. Mais une guerre sérieuse, massive et profondéme­nt enracinée entre les clubs et le XV de France serait désastreus­e pour le rugby hexagonal. Durablemen­t. Un risque que personne ne veut prendre, à trois ans du Mondial en France.

Pour s’en sortir, Laporte compose et tente de satisfaire tout le monde, sur tous ses fronts personnels. Pas simple, quand les intérêts divergent à ce point entre LNR et World Rugby, entre clubs et sélection.

À ce jeu de négociatio­ns, sa position centrale est aussi une aubaine : le président de la FFR a la clé du problème et, si le point d’équilibre est ténu, entre le contenteme­nt de tous ces intérêts et les sacrifices à concéder par chacun, il semble que lui seul puisse le trouver.

Laporte est au milieu du jeu, là où il a toujours aimé être. Il évolue sans filet, ce qui ne lui a jamais fait peur. Mais sur ce dossier, l’échec est interdit et le succès exigeant en tact diplomatiq­ue et financier. Ce qui n’est pas toujours son fort, lui qui préfère la fronde. Il faudra pourtant réussir. Sinon, le XV de France s’en trouvera profondéme­nt affaibli. ■

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