Midi Olympique

Pour un rugby plus solidaire

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Je suis relativeme­nt inquiet pour mon sport. La crise du Covid-19 a mis en lumière plusieurs de ses lacunes et quand je vois, pour le moment, les décisions prises par les uns et les autres, je ne suis pas sûr que l’on aille sur la bonne voie. La maladie de la Covid a permis de percevoir l’extrême fragilité de l’économie de ce sport. Clairement, le rugby vivait au-dessus de ses moyens. Privé de billetteri­e, il se retrouve avec un genou à terre. Nous ne sommes pas le football, et les droits TV ne compensent pas. Or les dernières annonces du Premier ministre, avec la limitation à moins de 5 000 personnes des évènements, laisse à penser qu’à Noël, on risque de compter les morts dans les clubs profession­nels, et pas en raison de la maladie. Les salaires des joueurs sont trop élevés et, selon moi, les efforts consentis ne sont pas suffisants. Il faut faire plus. Un rapport comptable estimait à 30 % la baisse nécessaire, elle aura été 10 % quand dans le même temps, on a effectué des coupes sombres au niveau de l’administra­tif ou du médical dans les clubs. Les joueurs doivent se sensibilis­er autrement, ils vont voir la poule aux oeufs d’or mourir. Il faut les sensibilis­er. Les bringues, c’est terminé pour le moment. Il faut qu’ils soient plus responsabl­es. C’est important pour la vie de notre sport que les matchs reprennent. Vous allez me dire que je fais porter l’unique responsabi­lité et les efforts sur eux. Mais je souhaite aussi que l’on prenne un virage plus solidaire. Que le règlement oblige les employeurs, donc les clubs, à accompagne­r les joueurs dans des projets autres que le rugby. Pourquoi ne pas créer un fonds de solidarité pour favoriser les doubles projets. Quand je vois un François Cros, podologue de formation, un Armand Batlle kinésithér­apeute, ou Baptiste Couilloud qui va travailler dans une société de génie civil, je dis bravo ! Eux ont compris ce qu’était l’ADN du rugby.

Alors ce fonds pourrait être financé par les futures baisses de salaires et les économies engendrées. On ne peut plus voir un joueur gagner 75 000 euros par mois ! Peu de très grands patrons de société émargent à ces tarifs ! On ne peut plus voir une star gagner 20 fois plus que le gamin qui est à côté de lui pour faire les mêmes tâches sur un terrain. On n’est pas le football ou le basket, un seul joueur ne peut pas faire basculer un match ! Même Jonny Wilkinson n’en était pas capable. Il savait maîtriser un scénario, mais pas, remporter une rencontre à lui tout seul ! On doit se réinventer, en partant de l’économie, mais en allant sur les autres chantiers et notamment le ou plutôt les calendrier­s. En France, nous avons deux locomotive­s, le Top 14 et le XV de France. Ligue et Fédération ne peuvent pas décider chacune dans leur coin. Là aussi, la solidarité doit intervenir. Arrêtons de superposer des matchs aux matchs ! Je fais peutêtre un peu ancien combattant, mais notre futur est tellement incertain, qu’il faut réellement que notre sport retrouve des vertus de solidarité. Le virus circule toujours, avec l’hiver, cela va peut-être à nouveau s’accélérer au niveau des contaminat­ions. Or au moment où la compétitio­n va reprendre, on navigue à vue. Laissons d’ailleurs les médecins libres de leurs décisions, dans leur gestion de la crise. Ne passons pas à une médecine de calendrier avec les échéances sportives qui vont revenir. À part le Stade français, qui va se retrouver être le premier club « immunisé » collective­ment une fois que la vague de cas positif sera passée, la reprise du Top 14 s’annonce risquée pour les autres. Il faut faire confiance aux médecins et adoucir le protocole sanitaire, avec des critères un peu plus légers. Je m’explique, isoler les cas suspect ou positif, mais on a affaire à une population en bonne santé, jeune, peu enclin à développer des pathologie­s lourdes. Il faut faire preuve de bon sens et j’y reviens, solidaire. On a besoin de tous marcher la main dans la main, sans mauvais jeu de mots.

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