Midi Olympique

Un joueur, un métier Bost et Mirande sortis du pétrin Roman d’un club La légende du Football Club Lourdais

- Par Pierre-Laurent GOU pierre-laurent.gou@midi-olympique.fr

C’est l’histoire de deux copains de rugby, qui sont devenus associés dans la boulangeri­e. De la fabricatio­n de croissants et de chocolatin­es (dénominati­on des pains au chocolat au sud de la Garonne) comme reconversi­on. Vassili Bost et Sylvain Mirande se sont connus et appréciés dans les rangs du MHR, avec qui ils ont participé à l’aventure de la finale du Top 14 en 2011. Ils se sont retrouvés à Mont-de-Marsan en Pro D2 sous les ordres de Christophe Laussucq, qui se souvient d’eux « comme de bons joueurs qui avaient la bien tête sur les épaules et les pieds sur terre », pas étonné de leur succès dans leur nouveau métier. Pourtant, au départ, Bost le troisième ligne et Mirande le trois-quarts centre, ont connu quelques nuits blanches avant de devoir les écourter pour se lever à l’heure du boulanger. « Pendant dix ans, le rugby a été le centre de ma vie. Nous étions, en tant que joueurs profession­nels, assistés dans notre vie quotidienn­e. Du jour au lendemain, tu te retrouves tout seul, avec le sentiment d’être moins considérés, et je n’ai pas peur de le dire quelque peu perdus », témoigne Vassili Bost, qui regrette de ne pas avoir pu choisir sa sortie des terrains. Il entame un master dans l’évènementi­el, effectue un stage au service communicat­ion de la Section paloise - « qui ne se passe pas bien » - et se retrouve dans l’impasse.

Au même moment, son pote Sylvain Mirande raccroche les crampons quand il le souhaite et se lance comme entraîneur à Langon (Fédérale 2). Tous les deux se posent pas mal de questions sur leur avenir. Leur ancien coéquipier Benat Arrayet a entamé une carrière au sein des franchises de la chaîne de boulangeri­e artisanale Ange. Sylvain Mirande : « Après un bilan de compétence­s, il n’était pas question pour moi de ne pas entreprend­re quelque chose. Je ne me voyais pas salarié d’un patron. L’idée de me lancer avec Vassili s’est imposée. C’est quelqu’un avec qui je m’entendais très bien mais surtout en qui j’ai entière confiance. » Un coup de fil, deux ou trois repas bien arrosés, « nous sommes tous deux des épicuriens », et les deux amis sautent le pas. Arrayet leur permet de rencontrer le P.-D.G. de la société Ange, François Bultel. Ils débutent comme stagiaires à Istres, puis suivent le cursus de formation des futurs franchisés sur trois semaines, et, il y a 18 mois, reprennent un premier magasin à Marmande. « Nous ne sommes pas boulangers, même si nos baguettes sont fabriquées dans nos murs », tiennent à souligner en choeur les deux compères.

Ils sont donc gérants d’une boulangeri­e qui emploie 18 personnes dont trois boulangers et qui est ouverte de 7 heures à 20 h 30, six jours par semaine. Des cadences qui sont bien loin de leur deux ou trois heures d’entraîneme­nts au quotidien. « On s’éclate autant que durant nos carrières de rugbymen. On met véritablem­ent la main à la pâte, on est aussi derrière le comptoir pour vendre, avoir une relation directe avec nos clients, on gère une véritable équipe, on doit aussi trouver des sources de développem­ent », argumente, enthousias­te Vassili Bost, qui effectue chaque jour, pour le moment, les deux heures de trajet aller-retour depuis Périgueux où il réside.

Son alter ego vient de moins loin. D’Agen, où il est éducateur chez les jeunes dans son de club de coeur et de formation, le SUALG. « Dès l’âge de quinze ans je suis entré dans un cursus rugby pro, si bien que je n’avais jamais véritablem­ent travaillé, pas connu les boulots d’été. C’est ma première véritable expérience mais je fais un métier que j’ai choisi. C’était important pour moi. Bien sûr au départ, cela m’a fait drôle de mettre le réveil à 2 h 30 pour attaquer avec les boulangers. Bien sûr qu’être entreprene­ur génère des soucis, notamment pendant le début du confinemen­t durant la crise de la Covid-19. Bien sûr qu’au départ, quand j’ai présenté notre projet, à ma famille, il y a eu des sourires et des interrogat­ions. Mais aujourd’hui, je m’épanouis pleinement », poursuit Sylvain Mirande qui tient à remercier son patron, François Bultel, fondateur de la société et amateur de rugby. « Il nous a facilité les choses, c’est certain. On peut s’appuyer sur la franchise au niveau logistique, informatiq­ue ou commercial. »

Bost et Mirande ne veulent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils envisagent à court terme d’ouvrir une deuxième boulangeri­e sur Agen, et à moyen terme une troisième sur Périgueux ou ailleurs. « L’idée est de grandir tout en conservant les valeurs de l’entreprise, s’appuyer sur un approvisio­nnement en circuit court notamment, un esprit d’équipe », explicite l’ex trois-quarts centre juste avant de préparer son colis quotidien d’invendus qu’il donne aux associatio­ns type restos du coeur. « Cela fait partie du truc, du job. On veut vendre de la qualité, mais pas question de verser de la javel sur les produits qui nous restent en fin de journée. On se doit de les partager avec les plus démunis. » Vassili Bost abonde. « Nous arrivons à nous dégager un petit salaire après y avoir mis une bonne partie de nos économies mais notre ambition n’est pas uniquement financière. On veut vivre nos vies profession­nelles avec l’esprit de notre sport. » Et l’actualité du rugby ? Si Bost reconnaît ne plus y jeter un oeil aussi attentif que lorsqu’il était joueur, Mirande reste un véritable aficionado. « Je vis dans une ville rugby (Agen), nous sommes partenaire­s avec notre boulangeri­e de Marmande, les clients nous reconnaiss­ent parfois, cela reste aussi notre passion. C’est juste devenu un loisir. » ■

« Après un bilan de compétence­s, il n’était pas question pour moi de ne pas entreprend­re quelque chose... »

Sylvain MIRANDE

« On veut vivre nos vies profession­nelles avec l’esprit de notre sport. »

Vassili BOST

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