Midi Olympique

Le capitaine des All Blacks de l’époque Graham Mourie n’aura pas débarqué à La Rochelle. La cause ? La fronde des joueurs maritimes.

- Photo Icon Sport

« Mais le Stade rochelais était vraiment refermé sur luimême. Nous étions dans une forteresse. Si vous veniez de cinquante kilomètres hors du départemen­t, vous étiez considéré comme un étranger. Il y avait dans notre groupe un gars de la Dordogne. On lui avait asséné : toi, tu n’as pas le droit de voter ! »

Philippe BONNARME Numéro 8 et capitaine de La Rochelle

ranoïa. « Trop de All Blacks veulent rester en Europe », titrait même

Midi Olympique. À mots couverts on dénonçait le comporteme­nt des hommes en noirs, prêts à rejoindre les clubs français et italiens pendant cinq ou six mois pour un séjour entre chien et loup typique de ces années-là, toléré par une fédération néo-zélandaise qui comprenait que ses as fassent fructifier leur talent.

Dans le rôle de l’agent (encore) officieux, Andy Haden, deuxième ligne de 27 ans déjà passé par Tarbes. Après cette tournée de 1977, il mettrait le cap sur Rome et traînerait toute sa vie une réputation sulfureuse. Ce contexte pesa forcément sur un groupe rochelais qui n’avait pas besoin de ça, en plus deux jeunes flankers prometteur­s faisaient leurs premières armes : Dagusé et Dieu. Pourquoi leur mettre Mourie dans les pattes ? L’entraîneur Jacky Adole, mit l’affaire aux voix. « C’est ce qui me semble le plus extraordin­aire avec le recul. Qu’on nous ait demandé notre avis. On n’imagine pas un président d’aujourd’hui interroger les joueurs sur un recrutemen­t », poursuit Alain Lescalmel. Jacky Adole avec qui nous avons conversé depuis était un entraîneur «à l’ancienne» aux valeurs traditionn­elles, loin de celle qui ont cours aujourd’hui. (lire son ouvrage : «Mon sac de rugby».)

UNANIMITÉ MOINS DEUX VOIX CONTRE MOURIE

Le vote fut sans appel, une quasiunani­mité pour le non, moins deux abstention­s. Alain Lescalmel a voté non : « Maintenant, on trouve ça aberrant mais c’était tout un contexte. Notre vote n’était pas sportif mais social. On nous parlait tellement de la formation et du soutien des joueurs… La génération 1954 arrivait en équipe première et quelques-uns n’avaient pas encore de boulot. Nous trouvions ça anormal par rapport à ce qu’on proposait à Graham Mourie et à sa compagne. »

Tous les témoignage­s convergent : Mourie ne demandait vraiment pas grand-chose. « Je crois même qu’il venait pour rien en termes financiers, se souvient Philippe

Bonnarme, le numéro 8 et capitaine de l’équipe. Mais le Stade rochelais était vraiment refermé sur lui-même. Nous étions dans une forteresse. Si vous veniez de cinquante kilomètres hors du départemen­t, vous étiez considéré comme un étranger. Il y avait dans notre groupe un gars de la Dordogne. On lui avait asséné : toi, tu n’as pas le droit de voter ! » Ce pur Rochelais fait partie de ceux qui n’ont pas voté non, il se demande même s’il n’a pas voté oui : « J’ai mal vécu ce scrutin, c’est sûr. Moi je trouvais ça bien de jouer avec le capitaine des All Blacks. Mais ce qui avait pesé dans le vote des joueurs, c’est que Mourie soit seulement de passage pour cinq ou six mois… »

Dans la foulée, le comité directeur pondit un communiqué laconique . La messe était dite, Graham Mourie ne viendrait pas. « Yvan Caris en fut très amer. En ville, les supporters étaient divisés. Les débats avaient été intenses », poursuit Jean-Michel Blaizeau. « À l’époque, il n’y avait pas quinze mille personnes à Deflandre. Ils étaient entre trois et cinq mille, mais ils connaissai­ent notre jeu, ils savaient

Newspapers in French

Newspapers from France