Midi Olympique

Un joueur, un métier Heymans, commercial dans l’âme Roman d’un club Quand Brunel domptait la Section paloise

- Par Cédric CATHALA cedric.cathala@midi-olympique.fr

C’est en 2000, alors qu’il joue à Agen, que tout a basculé pour Cédric Heymans. Lorsqu’une vilaine blessure au genou le tint éloigné des terrains pendant plusieurs mois. Si l’on se remet toujours avec plus ou moins de bonheur et de séquelles d’un tel coup d’arrêt, les traces psychologi­ques que laisse cette période d’arrêt sont indélébile­s et, parfois, salvatrice­s. Il en fut ainsi pour l’ailier internatio­nal qui, à 20 ans, brûle la vie par les deux bouts, vit en toute insoucianc­e sa vie de jeune rugbyman profession­nel et paye peut-être, par cette blessure, le prix fort de ses excès, finissant par prendre une claque magistrale lorsqu’il prend conscience du vide qui s’ouvre devant lui. « Je m’en souviens comme si c’était hier. Je me revois sur un parking m’effondrer en sanglots dans les bras de celle qui allait devenir ma femme et lui dire je suis mort, j’ai rien. » Pierre Chollet, dirigeant agenais et Edouard Martial, l’avocat du club, servent de véritables piliers. C’est donc là, en plein doute sur la suite de sa vie de rugbyman profession­nel que se joue, déjà, l’après carrière de Cédric Heymans. Pendant sa convalesce­nce, il entame une première expérience au service marketing de France Télécom (l’ancien nom d’Orange), au niveau de l’événementi­el sportif. « Je me rends compte ce que c’est que de vraiment travailler et la chance que j’ai de vivre de ma passion. Et puis, déjà, je sens qu’il se passe quelque chose. Le contact avec les gens, raconter une histoire autour d’un produit, j’adore ça. Donc je décide de m’inscrire dans une école de commerce. »

Peu à peu, et dans l’ombre d’une carrière sportive internatio­nale, se construit un parcours profession­nel dont les contours et les examens de passage se dessinent et s’affinent au gré des rencontres. Les parents, c’est bien logique, Martin et Nicole, son épouse Justine, son beau-père Christian Badin, mais aussi de solides amitiés vont appuyer là où il faut pour que Cédric Heymans se forme et prépare déjà l’après. En 2002, il signe un long bail avec le Stade toulousain et, à la faveur d’un déplacemen­t de Toulouse à Brive, Xavier Ric (dirigeant du CAB) l’invite à visiter les installati­ons de la société Andros, basée à Biars-sur-Cère dans laquelle travaillen­t déjà des joueurs comme Alain Penaud ou Jean-Luc Joinel, où Heymans rencontre le président fondateur Frédéric Gervoson. De là se crée une relation de confiance entre les deux hommes et le dirigeant fait une propositio­n au long cours à l’internatio­nal.

DES PAROLES ET DES ACTES

Vers la fin des années 2000, sa carrière connaît un creux. Il décide alors de se rapprocher du boss d’Andros et celui-ci l’autorise à suivre sur le terrain ses commerciau­x, à assister aux convention­s du groupe. « Tout ça cela me nourrit, je fais du commerce, le relationne­l me plaît et puis l’ADN d’Andros correspond à mon ADN, familial, qui récompense ceux qui le méritent, peu importe le CV. Tout cela me motive. En 2009-2010, je revois Frédéric Gervoson et là je commets une erreur dont je crains, à l’époque, qu’elle ne me coûte cher. Je lui dis : « Ne pourrait-on pas acter sur le papier dès maintenant que j’intégrerai­s Andros à ma sortie des terrains ? » Et là, je comprends, à son regard, que j’ai fait la boulette et il me répond : « Cédric je suis un homme de parole, si je t’ai dit que je te tendrai la main, je le ferai. » En fait j’avais tellement été refroidi par des personnes qui m’avaient déjà fait ce genre de promesses sans les tenir que je me méfiais énormément. Cela correspond­ait aussi avec cette période où des joueurs commençaie­nt à se faire rouler par des agents peu scrupuleux. Et puis le souvenir de ma blessure au genou me faisait peur. » Cédric Heymans n’aura pas de mauvaise surprise. Après une Coupe du monde 2011 qui se finira en eau de boudin, il signe un contrat de deux ans à Bayonne et sait qu’il intégrera la société. Où et quand ? Cela reste encore flou pour le joueur mais Frédéric Gervoson tiendra parole.

Cédric Heymans ne veut pas précipiter les choses, prend le temps de passer un BTS de retour à Toulouse et n’intègre l’entreprise qu’un an plus tard, en 2014 où il entame sa formation. Quelque temps plus tard, il se voit alors proposer un autre challenge, celui de développer le secteur RHF (Restaurati­on hors foyer) de la société en tant que responsabl­e commercial, au côté d’un directeur de l’offre. « Je découvre un truc qui est lunaire pour moi. Je me sais sous-calibré pour le poste mais je démontre tellement d’envie dans l’apprentiss­age que cela fonctionne. »

DÉCOUVERTE ET TRAVAIL D’ÉQUIPE

En parallèle, ses diplômes d’entraîneur en poche, il prend en charge aux côtés de David Gérard, les Crabos du stade toulousain et commence une autre carrière de consultant TV sur Canal Plus. Histoire de continuer à vivre à grande vitesse un quotidien jusque-là bien rempli par le rythme de vie d’un rugbyman profession­nel. « L’après carrière était préparée, anticipée c’est vrai mais je me suis surchargé pour ne pas avoir cette sensation de la mort du sportif. J’ai rempli des vides et les gens qui m’ont tendu leurs mains ont été très compréhens­ifs dans ce sens. C’était hyper excitant avec Andros. Andros qui me laissait travailler avec Canal Plus, et Canal Plus qui me permettait d’être encore au contact des joueurs, de mes potes. Donc je vivais tout ça plutôt bien. » Aujourd’hui directeur commercial France d’Andros Ingrédient­s, Cédric Heymans avoue apprécier sa nouvelle vie. Il est souvent sur la route à la rencontre de ses clients mais savoure aussi ce travail en équipe. « Aujourd’hui on est cinq sur la branche Ingrédient­s mais derrière il y a tous les gens qui fabriquent les produits à l’usine, ceux qui vont chercher les fruits, ceux qui réfléchiss­ent à l’avenir et comme tu es dans une entreprise familiale, ce pouls là tu le sens battre. Lorsque je propose ces produits-là à des chefs étoilés, car nous travaillon­s dans les secteurs de la brasserie, bistronomi­e, gastronomi­e mais aussi des palaces, je sais tout le travail qui est fait en amont. Pour moi, je ne suis que l’ailier qui va marquer l’essai auquel tout le monde a contribué. J’ai des responsabi­lités par rapport à eux, c’est donc du management mais en même temps je fais partie aussi de l’équipe. » Il avoue sans mal que se former, travailler dans un autre environnem­ent que le seul rugby profession­nel lui a permis de se structurer, de trouver l’équilibre. « Ce sont surtout mes proches, ma femme notamment qui m’ont poussé dans cette idée de se former, toujours. Et, lorsque je connaissai­s des périodes où, sur le plan du rugby j’étais à la rue, réaliser des ventes, côtoyer des personnes passionnée­s étaient de véritables bouffées d’oxygène. Aujourd’hui, le double parcours dont on parle tant me paraît tellement nécessaire. Il faudrait que les joueurs, cinq ans avant de prendre leur retraite, se posent des questions sur l’après. Par exemple, il y a un moment qui est, à mes yeux, sous exploité par les joueurs : tous ces rendez-vous où ils sont au contact des entreprene­urs qui veulent s’attacher les services de rugbymen. Les futurs employeurs sont autour des joueurs. Il faut qu’ils s’ouvrent et que les clubs les sensibilis­ent à cela. » ■

« Les futurs employeurs sont autour des joueurs. Il faut qu’ils s’ouvrent »

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Photos Icon Sport et DR Cédric Heymans, période toulousain­e et, ci-dessus, dans le cadre de sa nouvelle vie profession­nelle en tant que directeur commercial France d’Andros ingrédient­s.
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