Vide sanitaire
S i « les emmerdes volent toujours en escadrille », comme le jurait Jacques Chirac, les annulations oeuvrent ces derniers jours en à la chaîne. Jugé plutôt : lundi, la semaine s’ouvrait sous des auspices réjouissants avec un PerpignanCarcassonne reprogrammé et qui devait enfin se jouer, dès mercredi soir. Suivraient vendredi PauCastres, Biarritz-Mont-de-Marsan, GrenobleOyonnax, UBB-Bayonne, La Rochelle-Agen, BriveRacing, Aurillac-Nevers, Montauban-Béziers, Provence-Valence, Vannes-Soyaux-Angoulême et Toulouse-Montpellier, sans parler du Toulon-Paris transformé en Toulon-Toulon — l’infanterie rose ayant tôt fait d’annuler son déplacement dans le Var, après l’hécatombe du stage à Nice. Et ClermontLyon, samedi, avec les honneurs du diffuseur Canal +. Le point d’orgue d’une semaine à quatorze matchs et quatre jours de rugby plein. Grand soleil annoncé sur le rugby français, à quelques jours de la reprise et après cinq mois d’éclipse. Ensuite ? Mardi, annulation de PerpignanCarcassonne. Puis Clermont-Lyon mercredi, La Rochelle-Agen et UBB-Bayonne jeudi.Annonces fermes et définitives.
Le carnage n’est pas encore consommé. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Montauban-Béziers et Grenoble-Oyonnax sont « soumis à un point
d’interrogation », « menacés » ou « mal embarqués » suivant l’expression que choisit l’interlocuteur contacté dans les clubs, dans une moue dubitative. Faites le compte : des belles envies du début de semaine, une moitié est au moins menacée, au pire rayée du programme.
PRINCIPE DE PRÉCAUTION
Partout, alors, cette même question qui revient inévitablement : le championnat va-t-il pouvoir reprendre ? Oui, il reprendra. Avec ses aléas et ses incertitudes, mais il semble désormais difficile et même dangereux de faire demi-tour. « Nous ne sommes pas dans un optimisme béat mais il ne faut pas que l’inquiétude nous bloque dans ce que nous décidons. […] Le championnat va reprendre la semaine prochaine. Pour le moment, avec les données que nous avons, il n’y a pas de raison de
dire qu’on ne le fait pas reprendre », assurait dans la semaine Bernard Dusfour, en charge de la commission de la Ligue, chez nos confrères de RMC.
Parmi ces « données », une première est relativement simple à compiler : selon le nouveau protocole médical transmis mardi par la LNR aux clubs professionnels, il faudra trois cas cumulés dans un même club, pendant la semaine, pour reporter un match. En l’état, depuis le début des matchs amicaux, de rares matchs entraient dans cette case : les deux premières rencontres préparatoires du Stade français, qui explose les compteurs (25 cas) ainsi que le Clermont-Lyon de ce samedi, le Lou ayant franchi cette semaine la barre des trois cas positifs cumulés. En clair ? Parmi la grosse quinzaine de matchs finalement annulés, trois « seulement » auraient été impactés en configuration de championnat.
C’est donc un principe de précaution qui joue surtout, en ce mois d’août : en attendant d’entrer dans le vif du sujet, celui de la compétition officielle, les responsables de clubs préfèrent ne pas jouer et garder tout le monde sous cloche, plutôt que de prendre le risque d’une contamination.
FORTES TENSIONS À LA LIGUE
La situation, pour autant, est loin d’être idyllique. Elle tend même franchement les décideurs du rugby français. Mercredi soir, les soixante présidents et entraîneurs que compte le rugby professionnel français étaient conviés par la Ligue pour une réunion en visioconférence, afin d’évoquer le nouveau protocole sanitaire. Et l’affaire n’a pas tardé à tourner au vinaigre. En cause, deux points : l’hyper-récurrence des tests-PCR, jusqu’à quatre par semaine pour les situations les plus extrêmes ; surtout, l’accession des plus jeunes joueurs au groupe professionnel sérieusement compliqué par le nouveau protocole. En clair : un joueur du centre formation qui doit intégrer le groupe professionnel devra en passer par une phase d’entraînement individuelle de huit jours, avec d’espérer débuter l’entraînement collectif chez les « grands ». Et ce à chaque fois qu’il effectue la navette. Dans un contexte où les entraîneurs s’attendent à jouer régulièrement des matchs en retard en semaine, donc à puiser dans leurs catégories de jeunes, cette perspective n’a pas tardé à faire ruer dans les brancards. Les Toulousains Ugo Mola et Didier Lacroix, notamment, ont été particulièrement vindicatifs à l’encontre de la LNR et de son président Paul Goze. Leurs acolytes ont emboîté le pas. Si bien que, à six jours de la reprise, les incertitudes qui se multiplient tendent les relations.