Midi Olympique

« Mon père a fini le match au bord des larmes »

- Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

JUAN IMHOFF - Ailier du Racing 92 AUTEUR DE L’ESSAI DE LA DÉLIVRANCE, L’INTERNATIO­NAL ARGENTIN A ACCEPTÉ, AU LENDEMAIN DE LA QUALIFICAT­ION DU RACING 92 POUR LA FINALE, DE REVENIR SUR SON ÉMOTION PERSONNELL­E DE SAMEDI SOIR ET DE SE PROJETER SUR LE DÉFI QUI ATTEND SON CLUB FACE À EXETER.

Le Racing 92 va disputer sa troisième finale de Champions Cup en cinq ans. Avez-vous le sentiment d’avoir franchi un cap ?

Depuis que je suis arrivé, j’ai le sentiment de faire partie d’un projet qui est très bien structuré, bien en place. Il n’y a pas de doute. À chaque début de saison, le club n’hésite pas à afficher ses objectifs. On ne rêve pas de gagner la Champions Cup, on veut la gagner, aller chercher une étoile pour mettre sur le maillot. De ce point de vue là, je pense effectivem­ent que le club a franchi un cap.

J’ai le sentiment que nous sommes aujourd’hui une équipe vraiment très respectée dans toute l’Europe.

Comment voyez-vous cette finale contre Exeter, nouveau venu dans le gotha européen ?

Exeter est une équipe que nous n’avons pas l’habitude d’affronter. Nous ne l’avons d’ailleurs jamais rencontrée. Mais il ne faut pas se voiler la face : cette équipe s’est ouvert le chemin de la finale en toute logique. À mon sens, c’est l’équipe anglaise qui joue le mieux au rugby depuis déjà quelque temps. Pourtant, sur le papier, il n’y a pas de nom à faire rêver, mais c’est solide et efficace. Franchemen­t, je kiffe regarder jouer cette équipe.

Il y a tout de même des joueurs réputés comme Jack Nowell…

Bien sûr, il y a quelques joueurs très connus et vraiment très bons. Je pense à Nowell, Slade, Simmonds ou d’autres encore. Mais il n’y a pas vraiment de star qui ressort de l’équipe. Exeter, c’est vraiment un collectif avec un jeu très en place.

N’est ce pas aussi une caractéris­tique du Racing 92 ?

Ce n’est pas faux. En 2016, pour notre première finale, nous avions la chance d’avoir un joueur comme Dan Carter qui attirait toute la lumière. Et c’est logique. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que nous avons basculé dans un rugby où on ne veut plus de super-héros. Mais plutôt une équipe qui joue très bien ensemble. Notre force aujourd’hui, c’est d’avoir un groupe de joueurs très homogène. Et si nous avons battu les Saracens, c’est parce que le jeudi lors du dernier entraîneme­nt, l’équipe qui avait les chasubles de remplaçant­s était bien meilleure que celle qui a débuté le match. Chaque semaine, il faut se battre pour jouer. Et ça, ça fait notre force aujourd’hui.

Pouvez-vous nous le raconter votre essai, celui de la victoire ?

On en avait parlé avec Mike avant le match. Il m’avait dit que, pour moi, ça allait être un match comme un numéro 9 au foot. Il m’avait dit que je n’aurais pas beaucoup de ballons à négocier, (Prendergas­t, entraîneur de l’attaque du Racing) que je n’en aurais peut-être qu’un à jouer. C’est ce qui est arrivé. Je pensais avoir cette action plus tôt dans le match, mais bon… Mentalemen­t, c’était un peu dur. Je me disais quand même qu’avec des artistes comme Finn Russell ou Virimi Vakatawa, tout pouvait se passer en une seconde. Avec eux, tu as juste à courir derrière et c’est ce qu’il s’est passé. Franchemen­t, je n’y suis pour rien. Mon boulot c’est de courir et d’être là à aider mes coéquipier­s. Et à profiter

d’eux car ils sont vraiment en confiance.

Vous êtes apparu très ému samedi à l’issue de la rencontre. Pourquoi ?

Lorsque j’ai rallumé mon téléphone portable, j’avais un message de mon frère qui vit en Argentine. Il avait regardé le match chez mes parents, avec mon père. Et il me disait que mon papa était quasiment au bord des larmes lorsque j’ai marqué mon essai. Il faut savoir que l’Argentine vit une crise très difficile. Le pays est toujours confiné depuis le mois de mars. À chaque fois que je parle avec ma mère, je sens bien que la vie est très difficile là-bas. Et forcément, à la lecture du message de mon frère, j’ai eu beaucoup d’émotion. Je sais combien nous sommes des privilégié­s aujourd’hui de pouvoir jouer au rugby. Évidemment, la situation n’est pas drôle parce que les supporters ne peuvent pas venir dans les stades, parce que la situation en France n’est pas facile non plus. Mais c’est un bonheur de donner le sourire à beaucoup de gens. Ça, ça n’a pas de prix.

La situation de votre famille en Argentine est-elle également une source de motivation supplément­aire pour gagner cette Champions Cup ?

Vous savez, mon père est médecin-cardiologu­e. Il a 79 ans et il continue à bosser pour essayer de sauver des vies, pour aider l’Argentine à sortir de la situation merdique dans laquelle le pays se trouve. De mon côté, je suis papa depuis un an. Donner la vie, c’est beau mais quand on voit le monde dans lequel nos enfants grandissen­t… Bref, des motivation­s, j’en ai pleins.

Juste avant la finale de Champions Cup, vous allez affronter le Stade toulousain en Top 14. Est-ce une chance ou un cadeau empoisonné ?

Dans le contexte actuel, pouvoir jouer au rugby, c’est déjà juste une bonne nouvelle.

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