Retour au jeu sans joie
ENTRE UN TEMPS MAUSSADE ET LES RESTRICTIONS LIÉES À LA CRISE SANITAIRE, L’AMBIANCE N’ÉTAIT PAS TRÈS ENJOUÉE DANS LES TRIBUNES MALGRÉ UN RETOUR AU JEU ESPÉRÉE DEPUIS DES MOIS DANS LA VILLE ANTIQUE.
Le stade Jean-Etcheberry a revu du rugby. L’antique stade du CS Vienne, monument du rugby du Lyonnais a de nouveau accueilli un match hier, sous la pluie, avec moins d’un millier de spectateurs, et sans buvette. Ce n’est pas la panacée, et il planait dans l’air une drôle d’atmosphère, mais par les temps qui courent, c’est déjà beaucoup de pouvoir assister à un match. Pour la petite histoire les Viennois recevaient Rumilly, dans une manière de renouer symboliquement le fil d’une saison dernière tronquée. Quand tout s’est arrêté, en mars dernier, Vienne s’apprêtait justement à accueillir les Alpins le dimanche 15 mars.
« On vous attendait mais vous n’êtes pas venus », souriait le vice-président du club isérois, Claude Laynaud à Frédéric Moine, le président rumillien, avant un repas entre partenaires, et adversaires, en comité réduit, à la maison du rugby du club isérois. Protocole sanitaire oblige, seulement quatrevingts personnes, dont le maire de Vienne, Thierry Kovacs, ont pu y participer, avec service à table, et déplacements limités au strict minimum. Avant l’entrée dans ce monde d’après, entre le repas partenaires, celui des supporters, et d’autres festivités, entre deux cents et trois cents personnes se pressaient le dimanche midi. Avec les rentrées d’argent, la convivialité et l’ambiance qui allaient avec… Mais Vienne ne boudait malgré tout pas son plaisir avant le coup d’envoi. Entre une vraie-fausse montée en Nationale – après quelques jours de réflexion, le club a préféré la mort dans l’âme jouer la carte de la raison et rester en Fédérale 1 — et un foyer de covid déclaré mi-août au coeur de l’effectif de l’équipe fanion, l’été fut tout sauf un long fleuve tranquille au bord du Rhône.
Au total, vingt joueurs avaient été testés positifs et les entraînement suspendus. Et le club montré du doigt par certains. Les mêmes souvent qui voient la paille dans l’oeil du voisin, mais pas le poteau de rugby dans le leur…
Au final, l’équipe a pris beaucoup de retard dans sa préparation. Avec seulement trois semaines d’entraînement collectif, un seul match amical, une défaite à Issoire pour débuter, l’incertitude planait avant la réception de Rumilly, un concurrent annoncé pour une place dans les quatre premiers. Autour du terrain, les spectateurs ont répondu présents, malgré le temps et les restrictions. Près de mille spectateurs sont venus dans un stade aéré. Avec trois tribunes, dont deux couvertes, il est largement possible d’accueillir le public auquel il était interdit de s’appuyer sur la main courante.
JUSQU’À 10 000 EUROS DE MANQUE À GAGNER PAR MATCH
Le pire, évidemment, pour Vienne, et nombre de clubs est la fermeture des buvettes, comme l’a rappelé le speaker, Elie, à la mi-temps. Cette fermeture, ajoutée à la restriction du nombre de spectateurs et à la fermeture de la boutique, abouti à manque à gagner chiffré à environ 10 000 euros par match à domicile, selon les affiches et l’affluence. Multipliée par dix matchs à domicile, cela pèse dans un budget sur l’ensemble d’une saison… « Nous n’avons pas de mécène ni de droits télés, rappelle Yan Arnaud, le directeur général de Vienne. À moyen terme, ce n’est pas viable… » Pas seulement
du côté de Vienne.
Ces restrictions pèsent aussi sur l’ambiance. À la mitemps, il était curieux de voir un public aussi discret, des spectateurs scotchés à leur place, d’un calme mâtinée d’ennui, autant refroidis par le temps, un match fermé peu propice aux grandes envolées en tribunes, et sans l’habituelle effervescence autour des buvettes, avec ces rires parfois trop avinés mais rarement méchants et les commentaires passionnés, plus ou moins pertinents qui les accompagnent. Mais la santé publique est à ce prix. Après la rencontre, contrairement à d’autres régions ou dans d’autres clubs de France, les joueurs ont pu se changer dans les vestiaires, par groupe de dix. En revanche, la sacro-sainte réception d’aprèsmatch n’a évidemment pas eu lieu. Chaque joueur s’est vu offrir une collation individuelle. Et le public a vite déserté, comme après une séance de ciné. Trente minutes après le coup de sifflet final, JeanEtcheberry sonnait creux. Le rideau était tombé sur un écran de tristesse.