Midi Olympique

Soyons fières

Carte blanche : Caroline Thomas, talonneur du XV de France

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« Lesbienne ‘émoji qui vomit ou doigt d’honneur’ ». Ça a commencé par ce genre de remarques sur les réseaux sociaux. Puis des messages privés où je vous épargne les grossièret­és dont j’étais la cible. Moi ça me faisait rire, mon copain, mes proches beaucoup moins. Même si je décide finalement de porter plainte, ce n’est que deux jours après que les choses s’accélèrent. Quand on contracte un cluster au sein de l’ASM Romagnat. « Hé bien, il s’en passe des choses dans ces vestiaires », ou encore « alors, vous vous amusez bien sous les douches les filles

pour qu’il y ait autant de cas chez vous ! ». Ce genre de propos, ont été tenus par des collègues de travail, des amis, des supporters… Quelqu’un s’est-il demandé ce qu’il s’était passé au sein du Stade français ou au Racing 92 pour qu’il y ait autant de joueurs positifs ? Personne, ça ne vient même pas à l’esprit ce qui est logique d’ailleurs ! Mais dans l’esprit de ces mêmes gens, pour que le virus se propage dans un groupe féminin, c’est qu’il y a des rapprochem­ents physiques, sexuels. Je suis révoltée et je trouve inadmissib­le qu’en 2020 il y ait encore de tels propos, préjugés, clichés. Notre sexualité ne regarde personne, et surtout ne doit pas être jugée. Dès lors qu’une femme fait un sport dit masculin, elle est très souvent cataloguée : tu fais du rugby, tu deviendras un homme. Lorsque tu seras en couple c’est toi qui « porteras la culotte »… Alors oui, pendant un match nous ne ressemblon­s pas à des « Femmes » telles que la société voudrait nous cataloguer, mais est-ce que cela mérite d’être traité ainsi ? Les réseaux sociaux ont maintenant une part importante dans nos vies et nos carrières. Les gens apprécient que l’on mette des posts sur notre vie de joueuses mais aussi sur ce que l’on fait en dehors. Beaucoup sont bienveilla­nts, mais ils sont également très (trop) nombreux à tenir des propos qui sortent du cadre de l’acceptable.

Alors Messieurs, Mesdames, critiquez notre jeu, nos performanc­es et nos résultats, laissez-nous tranquille­s sur le reste ! Vous détruisez des femmes. Des coéquipièr­es en sont même venues à ne plus dire qu’elles jouent au rugby, pour ne pas être étiquetées aux premiers abords, pour ne pas passer pour des brutes. Je sais que l’on ne pourra jamais empêcher ces gens de penser, de parler, d’exprimer leurs opinions. Si parler de ce fléau qui touche le sport féminin, peut permettre à certaines personnes de réfléchir sur leurs comporteme­nts, alors ce sera très bien. Si sur 100 personnes, 10 peuvent se rendre compte qu’ils font du mal, alors nous aurons réussi à faire passer le bon message. Je me rends compte qu’il fallait réellement aborder ce sujet et « libérer » certaines joueuses. Leur montrer qu’elles ne sont pas seules à recevoir des injures. Qu’il n’est pas normal d’être jugées, critiquées, attaquées et insultées ainsi. Que l’ensemble des acteurs du rugby français les soutiennen­t, et que des actions seront menées. Les filles : continuons à pratiquer ce sport que nous aimons si fort, pour lequel nous donnons tellement, et qui nous le rend si bien. Mais n’oublions surtout pas d’être fières de ce que nous sommes.

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