Midi Olympique

Comptons sur nous… Haut les coeurs !

Carte blanche à Hervé Manent Ancien triple champion de France et champion d‘Europe avec Toulouse dans les années 90. Ex-manager du Toulouse RC (Séries régionales), de la création du club, en 2012, à 2016.

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Je ne peux ni ne veux m’affranchir du contexte ambiant. Anxiogène, déroutant, clivant, terribleme­nt pesant pour beaucoup. Et dont nous ne sortirons pas à court terme. On ne va pas se mentir… hein ? Choix casse-gueule donc, s’il en est, à plusieurs titres, en ces temps troublés. Je vous propose naturellem­ent de partager ces valeurs dont nous sommes imprégnés au profit de nos familles, amis, concitoyen­s. Sachons nous mettre à leur service afin d’aider le plus grand nombre à traverser cette période dans les meilleures conditions. Au coeur de nos cellules familiales et sociales, on se rassemble, on se resserre… OK. Sortie du tunnel. Le meilleur moment, adrénaline au taux maximum… j’y vais ! Le contexte : conditions climatique­s difficiles. Depuis bien trop de mois maintenant, la crise sanitaire inédite isole, bouscule nos repères sociaux et parvient à nous priver de nos usages de communicat­ion physique, si chers à nos âmes. Celle-là même qui a positionné le terme de « résilience » dans le top 5 de la sémantique version 2020, avec son impact économique et sociétal dont je crains que nous n’ayons pas encore supporté l’ampleur réelle. Et ce goût fielleux qui me prend la gorge au constat du déséquilib­re dans le rapport confiance-conséquenc­es qui nous gouverne.

Puis, ces derniers jours, v’là une douleur profonde et lancinante qui se réveille. L’horreur liée à l’assassinat du professeur Samuel Paty. La richesse de la langue française m’incite à rajouter le qualificat­if de « sourde » mais je ne peux pas : elle est trop grossière et criarde à mon goût. À une magistrale différence près : celle-ci prend les tripes et le coeur. Une nouvelle étape dans l’escalade de l’infamie et la lâcheté qui s’en prend à notre modèle sociétal. Et c’est bien le silence des actions menées pour s’y opposer que je trouve trop fort.

J’hésite, je recule… mais à l’image d’un bon « timbre » à 5 mètres de la ligne à défendre, j’y reviens de plus belle pour bien caler mon épaule dans les côtes de cet insolent : même pas mal et nan, je ne m’échapperai pas ! Beh ouais, après tout, j’ai choisi à l’âge de 7 ans un sport collectif qui m’imposait d’aller me confronter à un adversaire, tout en m’obligeant à intégrer le paradoxe que je devais avancer en passant mon ballon obligatoir­ement en arrière… T’en veux des règles tordues toi ? Parce qu’elle oblige inévitable­ment au soutien inconditio­nnel de la part de nos partenaire­s, j’ai compris bien plus tard que cette idée a priori paradoxale composait l’essence même du rugby. Solidarité, dynamique commune… toujours.

Nos ressources : des années de pratique intrinsèqu­e, de vie pour chacun et chacune d’entre nous. Un effectif de qualité qui connaît ses gammes. Clanique. Tribal même. Depuis mes 7 ans, comme vous, je suis « Ovale » jusqu’au plus profond de ma physiologi­e cellulaire ! Comme vous, j’ai appris l’adversité et l’adaptabili­té, j’ai pris un goût profond et viscéral pour l’échange et le partage. Comme vous, je baigne dans ce fonctionne­ment naturel du « vivre et faire ensemble ». Je suis tombé amoureux de la formule heureuse que propose la somme des différence­s individuel­les. Toutes les différence­s, sans aucune exception. Comme vous, j’ai adopté les codes et référentie­ls communs qui font de nous des individus définitive­ment grégaires et englobants. Comme vous, j’ai compris l’intérêt du respect absolu de la règle et de ceux qui sont là pour veiller à son applicatio­n. Comme vous, parce qu’il n’y a pas de hors-cadre sans cadre, j’ai aussi compris la nécessité de ce dernier dans son caractère stabilisan­t et structuran­t tout en permettant justement d’en sortir ponctuelle­ment quand il s’agit d’être performant en toute liberté d’initiative.

Sans tomber dans la métaphore lourdingue et utopique mais toujours joueur, je viens donc spontanéme­nt ouvrir mon sac et vous proposer un défi sincère. De ceux que nous aimons, gens d’Ovalie, femmes et hommes, membres à part entière de la culture de notre « monde » du rugby. Nous qui avons hérité de tous ces repères du « vivre-ensemble » dans la tolérance, la solidarité, l’adversité, l’engagement, l’échange.

Au mieux, nous serons utiles. Au pire… nous aurons répondu à nos besoins de solidarité et d’engagement.Vaillants et courageux… caractères d’autant plus forts qui me permettent de saluer ici d’un hommage fraternel et ému mes quatre camarades de route qui nous ont quittés bien trop tôt ces derniers mois. « Jeff » (Meslierde-Rocan, N.D.L.R.), que j’ai croisé à Colomiers, Philippe (Escalle), l’ancien ailier-capitaine puis entraîneur de Béziers, Jérôme (Gendre), mon ouvreur à Béziers et « Babou » (Christian Baboulène), ancien joueur, dirigeant, soigneur et arbitre au Mazères-Cassagne Sports, mon club formateur : nous pensons à vous et vous embrassons. Pour conclure, je citerai Pierre de Coubertin : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. »

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