Midi Olympique

Éditorial La rançon de la gloire

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Àchaque fois, depuis tant d’années et à cette même période, nombre de conférence­s de presse de clubs perdants s’ouvrent par ses mots. « Nous n’allons pas nous cacher derrière l’excuse des doublons… » Notez la subtilité : en indiquant que les doublons ne seront pas un argument brandi pour justifier la défaite et, pourquoi pas, la débâcle, on rappelle qu’ils existent. On laisse donc à l’interlocut­eur le soin de faire le lien. À sa charge.

En psychologi­e inversée, où l’on induit le contradict­eur à faire le contraire de ce que l’on dit, c’est une double négation qui prend tout son intérêt : la négation sémantique - « nous n’allons pas… » - associée à la négation de l’équité sportive, celle du doublon. Et, automatiqu­ement, à l’écoute de ces mots, on en vient à se dire que les doublons sont un sacré piège abscons.

Le sont-ils ? Bien sûr.Tous les entraîneur­s qui les ont expériment­és le savent. Même ceux qui sont sortis indemnes sportiveme­nt de ces périodes de non-sens, par une quelconque sorcelleri­e. On répétera ici toute l’ineptie de faire jouer deux compétitio­ns de front mais avec les mêmes hommes, d’opposer deux équipes qui seront jugées sur la même ligne d’arrivée mais avec des lignes de départ décalées.

On ne pourra pas s’empêcher de noter que la grande affiche de ce week-end de Top 14, l’alléchant La Rochelle - Clermont, opposera aussi les deux gros bras les moins impactés par les fenêtres internatio­nales. Tant mieux pour le Top 14 et son diffuseur, déjà plombé il y a cinq jours par la farce d’un Paris - Toulouse sans le flacon, ni l’ivresse. Cette fois, il n’y aura pas d’excuse.

Mais le sujet, récurrent depuis vingt-cinq ans que le rugby est profession­nel, ne saurait échapper à un éclairage particulie­r en cette année 2020 : pour la première fois, l’utopie d’une refonte mondiale des calendrier­s disposait d’une fenêtre de tir. Le seul rayon de soleil d’une crise covid-19, sur lequel les décideurs ont vite répondu par l’ombre de l’immobilism­e.

Les championna­ts à l’arrêt tout autour du globe, c’est une page blanche qui s’offrait au rugby mondial et l’opportunit­é d’enfin segmenter les intérêts, de dissocier les séquences internatio­nales de celles des championna­ts. De mettre fin aux doublons, en clair, pour ce qui intéresse le rugby français. Les clubs auraient apprécié, enfin débarrassé­s de ce mistigri. L’équipe de France aussi, qui n’aurait plus eu à batailler pour disposer de joueurs pour s’entraîner et jouer - lisez bien la banalité, devenue un enjeu de guerres diplomatiq­ues.

Au lieu de quoi, le statu quo s’est imposé. Estil trop tard ? Des discussion­s se poursuiven­t. En l’état, le rugby a toutefois raté son virage. Toulouse, Montpellie­r ou le Racing aujourd’hui ; Clermont, Lyon ou La Rochelle demain continuero­nt de payer un lourd tribut à chaque bonne saison : la disparitio­n de leurs meilleurs talents pour les mois qui suivent, au profit du maillot bleu. En attendant mieux, le rugby sanctionne la gloire.

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