Shannon Izar et Chloé Pelle, de feu et de glace
PORTRAIT SHANNON IZAR, CHLOÉ PELLE : DEUX CADRES DES ÉQUIPES DE FRANCE S’APPRÊTENT À DISPUTER L’ANNÉE LA PLUS IMPORTANTE DE LEUR CARRIÈRE. DÉCOUVREZ DEUX FEMMES FONDAMENTALEMENT DIFFÉRENTES, AUX TRAJECTOIRES SIMILAIRES.
Membres permanentes de l’équipe de France à VII Shannon Izar et Chloé Pelle n’en finissent plus de cocher des croix dans leurs agendas tant l’année 2021 sera chargée en compétition. Et pourtant depuis quasiment un an, elles n’ont plus grand chose à se mettre sous la dent. Depuis tout ce temps elles travaillent avec un objectif en tête : l’or olympique. Gravée dans leurs mémoires, cette demi-finale de Coupe du monde à VII en 2018 à San Francisco, où menées 12 à 0 à la pause face à l’Australie, elles avaient renversé la vapeur, notamment avec un essai d’anthologie à la sirène pour s’assurer une médaille. En cette fin d’Olympiade elles se présentent comme des piliers du groupe Bleu, et lorsqu’elles jettent un oeil à la décennie qui vient de s’écouler, elles peuvent y voir la longévité du Golden Bridge, mais certainement pas son aspect rectiligne.
2010, débarquement dans le grand nord pour Chloé. Elle découvre Lille, pour son école d’ingénieur. Elle découvre également le rugby, au niveau universitaire. « En arrivant à Lille je commence le rugby avec des camarades. Et l’entraîneur du LMRCV me repère et me demande si je veux bien venir m’entraîner avec eux. » « Quand on l’a vu arriver, elle ne savait rien faire, reprend son ancienne partenaire Alexandra Pertus. Pas une passe, pas de plaquage… Elle avait un bagage sportif, donc l’a positionné à l’aile en se disant qu’avec beaucoup de travail, elle pourrait un jour postuler en équipe première. On ne se doutait pas qu’elle s’imposerait en seulement deux mois. » Le 29 novembre 2011, elle fête déjà sa première cap face à l’Italie. Tout aussi fulgurant, le parcours de Shannon était plus prémonitoire. « C’était assez fou, au début je jouais comme ça en universitaire à Toulouse parce que j’aimais bien. Et puis nous avons été championne de France, ensuite on m’a sélectionné en équipe de France pour la Coupe du monde universitaire et à la rentrée suivante, je prennais ma première licence. » Elle pratiquait jusque-là l’heptathlon avant de rejoindre, tiens tiens, la capitale des Flandres pour démarrer ses études en Staps en 2011. Rapidement titulaire à Lille, la voilà dès 2013 en Bleu à XV mais aussi à VII ou David Courteix la sélectionne pour la Coupe du monde. « C’est une athlète complète, bourrée, de talent, et parfois d’une certaine folie qu’il faut encadrer mais ne surtout pas restreindre. Ça correspond parfaitement à l’exigence du VII. Chloé est aussi très polyvalente, elle fait partie de ces rares joueuses qui peuvent jouer du 1 au 7. » C’est d’ailleurs lui qui imagina pour elle cette folle reconversion d’ailière à pilier.
LE FAMEUX DOUBLE PROJET
En pleine force de l’âge, elles font partie de cette génération du rugby féminin qui s’est battue pour obtenir une rémunération. Elles en portent les stigmates puisqu’elles sont les seules du groupe France VII encore actives. Deux emplois bien distincts, directement inspirés de leur mode de vie. Diplômée en ingénierie et en mathématiques appliquées à la cryptographie, la pilier exerce dans la cyber-sécurité.
Cryptographe, elle parle ce langage saugrenu caché dans nos appareils connectés. « Elle a toujours besoin de tout comprendre. Reprend le sélectionneur de l’équipe de France féminine à VII. C’est obsessionnel et elle en est consciente, c’est parfois usant pour son entourage, mais quand on voit le résultat… » L’arrière, toujours intenable, a déjà exercé plusieurs professions. Après avoir essayé kiné en sortie d’études, elle se tourne vers sa fibre artistique via le design graphique. C’est d’ailleurs elle qui est à la base du nouveau maillot des Bleues, que l’on devrait voir au mois d’avril. « C’est drôle que vous me parliez de ces deux joueuses, nous confiait Alexandra Pertus, désormais entraîneuse de Lille-Villeneuve d’Ascq. Elles sont les deux exemples que je cite, en permanence à ma jeune équipe. Deux joueuses très différentes, qui ont réussi grâce à une chose, une énorme quantité de travail. Une exigence qu’elles maintiennent depuis 10 ans au plus haut niveau ! » Un yin et un yang pas toujours sur la même longueur d’ondes, mais toujours en équilibre et prompt à diffuser leur bonne humeur. Le groupe Bleu en aura besoin, lui qui s’apprêtent à battre des records de rassemblements pour cette folle année.