Midi Olympique

« Imaginer un Grenelle du rugby »

DAVID LELIÈVRE - PRÉSIDENT DE BÉDARRIDES-CHÂTEAUNEU­F DU PAPE (FÉDÉRALE 1)

- Propos recueillis par David BOURNIQUEL

Vous n’avez toujours aucune perspectiv­e de reprise de votre championna­t. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous ?

Comme des lions en cage. Nous sommes très inquiets et spectateur­s d’une situation que nous ne maîtrisons pas. Spectateur­s, aussi, des atermoieme­nts du gouverneme­nt qui semble ne pas avoir de ligne stratégiqu­e claire. Serat-on à nouveau confiné ? Ne le sera-ton pas ? On navigue à vue, c’est très pénalisant de ne pas savoir de quoi demain sera fait. C’est pourquoi nous avons pris l’initiative de rédiger ce courrier à la FFR.

Que contient ce courrier ?

C’est une lettre cosignée par une vingtaine de présidents de Fédérale 1. Nous demandons à engager le débat avec la Fédération pour écrire l’avenir de notre compétitio­n.

Avez-vous encore espoir de pouvoir reprendre le championna­t ?

Selon nous, il est possible de sauver la saison si on s’accorde pour une reprise avant le 30 mars. Il faudra adapter la fin de saison, en réfléchiss­ant à une nouvelle formule, mais cela serait possible. Las, nous sommes déjà début février, rien n’est acté, les joueurs s’entraînent péniblemen­t à toucher. On ne va pas se mentir, je suis de moins en moins optimiste.

Quelles sont les difficulté­s que vous rencontrez ?

Passons outre l’aspect financier pour nous concentrer sur le sportif. Comment garder les joueurs mobilisés alors qu’ils ne pratiquent plus le rugby ? Un « toucher » ne compense jamais un match avec contact. L’intérêt est moindre et les garçons s’en détournent. C’est difficile aussi pour nos partenaire­s et pour nos jeunes qui, sans compétitio­n, ne trouvent que peu d’intérêt à pratiquer ce jeu. Les gosses veulent l’adrénaline des matchs !

D’accord, mais reprendre ne serait-il pas suicidaire au vu des conditions sanitaires ?

Il faut trouver des solutions, on ne peut pas continuer à rester dans l’immobilism­e sinon nous allons dans le mur. Il faudra que nous, les présidents, trouvions un consensus. Avec 750 000 euros de budget (initial), mon club fait partie de ceux qui sont à la croisée des chemins mais relativeme­nt modestes. Je me mets aussi à la place des plus petits budgets qui tournent autour de 500 000 euros et qui n’ont peut-être pas les mêmes intérêts à reprendre le jeu. Quid aussi des plus riches qui, avec des portefeuil­les qui frôlent le million d’euros ou le dépassent, auront beaucoup de mal à tenir leurs engagement­s si on ne joue pas un minimum de matchs ? Il faut tomber d’accord tout en préservant l’intérêt de chacun. Reste que jouer est possible. On le voit avec la division Nationale. Nous avons du mal à comprendre que cette compétitio­n puisse se jouer et pas la nôtre.

Comprenez-vous la position de la FFR qui tarde à trancher ?

Je suis malheureux de cette situation. Je tiens à dire que l’année dernière au moment de l’arrêt du championna­t notre Fédération a été exceptionn­elle. La FFR a agi dans les meilleurs délais avec beaucoup de justesse et de maîtrise. Il y a eu une réactivité exceptionn­elle pour geler les saisons sans impacter les clubs en décidant de bloquer les montées/descentes, la mise en place rapide de protocoles sanitaires stricts pour favoriser le retour au jeu, un accompagne­ment précis. Je dis « chapeau, Messieurs », et notre sport a été pris pour modèle par d’autres Fédération­s qui se sont inspirées de nos protocoles. Je pense au tennis par exemple. Le football, dont les moyens sont sans commune mesure avec ceux du rugby, n’a pas fait aussi bien. Pour ce qui est de la situation actuelle, il est compliqué de se projeter et je crois savoir que chaque quinzaine la Fédération réinvente des schémas en vue de sauver une saison de plus en plus hypothétiq­ue. Les conséquenc­es seront terribles.

Que voulez-vous dire ?

Sitôt la crise sanitaire maîtrisée, il faudra une sorte de « Grenelle du rugby » pour tout remettre à plat. Parmi les sujets à débattre rapidement, que vont faire nos jeunes joueurs ? Il va y avoir une génération gâchée avec nos gamins qui sont actuelleme­nt en moins de 18 ans et qui devront jouer en seniors quand le jeu reprendra. Ils ne seront pas prêts. Ils sortiront de deux saisons blanches. Il en ira de leur intégrité physique. Nous nous posons beaucoup de questions…

Dans l’immédiat, quelles sont les solutions que vous envisagez pour rendre la reprise possible ?

Nous sommes capables de mettre en place les mêmes protocoles sanitaires que les clubs de Nationale. Une fois de retour sur les terrains, en fonction des jauges, la priorité sera de générer à nouveau un peu de revenus. On a des idées, on étudie des scénarios. Pourquoi ne pas organiser des retransmis­sions privées des matchs pour certains « VIP » dans le respect des gestes barrières ? Il va falloir que les clubs se réinventen­t pour passer la crise…

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