Midi Olympique

Teddy Thomas, des « oh » et débats

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

CINQ JOURS APRÈS LA RÉVÉLATION PUBLIQUE DU NON-RENOUVELLE­MENT DE SON CONTRAT AU RACING 92, CE QU’IL N’A QUE TRÈS PEU GOÛTÉ, L’AILIER INTERNATIO­NAL A ASSURÉ LE SPECTACLE À ROME SAMEDI. UNE SEMAINE EN FORME DE CONDENSÉ DE SON PARCOURS RICHE ET DÉROUTANT.

Lundi 1er février, 15 h 22. À l’entame de la semaine qui le menait du coup d’envoi du Tournoi des 6 Nations 2021, la carrière de Teddy Thomas a encore basculé. Pour la millième fois. Nos confrères de L’Equipe révélaient alors que le contrat de l’intéressé au Racing 92 ne serait pas renouvelé. Cinq jours plus tard, et à peu près à la même heure, le parcours de l’ancien Biarrot prenait un mille-et-unième virage, au prix d’une chevauchée dont il a le secret au coeur de la défense italienne. De l’enfer au paradis, de la défiance à l’assurance, des doutes aux certitudes ou des déboires à l’admiration, il n’y a toujours qu’un crochet ou une accélérati­on chez Thomas. Lui, ce garçon qui ne laissera décidément jamais indifféren­t. « Quand on ne le connaît pas, on s’arrête à une attitude ou à une image un peu superficie­lle qui, de l’extérieur, est celle du beau gosse qui aime bien s’habiller, explique Charles Gimenez, son pote depuis l’époque du BOPB. On parle beaucoup de lui, il le sait. Mais, à l’intérieur, ce n’est pas ça. C’est un garçon timide, gentil, très proche de sa mère et de sa grand-mère. Il n’est pas du tout « je-m’en-foutiste ». Son style, on ne peut pas lui enlever mais il ne reflète pas forcément sa personnali­té. »

En quelques jours, Thomas a vécu le condensé de ce qu’il est et de ce qui le poursuit. Nul besoin d’avoir passé douze coups de fil pour comprendre combien il a mal vécu la décision de ses dirigeants, et plus encore la façon dont celle-ci s’est retrouvée étalée sur la place publique à un moment où il aurait préféré se concentrer sur les Bleus. « Je l’ai eu au téléphone samedi soir pour le féliciter, avoue Gimenez. On n’a pas parlé de ça mais j’imagine qu’il se serait bien de cette sortie et de voir son téléphone autant sonner dans cette semaine de préparatio­n. » Après sept ans de (parfois) bons et (souvent) loyaux services, le joueur a fait savoir qu’il méritait autre chose. Mais ses dirigeants ont considéré qu’il s’agissait de mettre un terme à une hésitation réciproque qui durait depuis trop longtemps. Le président Jacky Lorenzetti a tranché, ainsi soit-il. Et, derrière, les commentair­es des uns et des autres se multipliai­ent sur son cas… D’autant que se pointait, en ligne de mire, la compositio­n du XV de France « made in Galthié » pour Rome. Renforcées par le retour de Damian Penaud, les éternelles discussion­s faisaient plus que jamais rage : avec ou sans Thomas ? Le sélectionn­eur a lui aussi tranché : comme la plupart du temps depuis qu’il est fonction (sept fois au total), l’ailier racingman était titulaire pour entamer la compétitio­n. Un choix d’autant plus marqué dans le contexte que l’on sait.

GIMENEZ : « TEDDY, C’EST LA STAR, LE PRODIGE »

Le truc ? C’est que Teddy Thomas, et malgré des errances défensives qu’il conviendra constammen­t de s’accommoder, n’a que rarement déçu en équipe de France, comme en attestent ses statistiqu­es affolantes : quinze essais en vingt-trois sélections, soit un essai toutes les 116 minutes. Voilà qui fait de lui un finisseur hors pair, un attaquant comme il en existe peu. Son efficacité est à peine inférieure en club, où son obsession de l’en-but et sa faculté à décanter les situations semblent tout aussi prégnantes. Le problème étant qu’il demeure cette sensation incomplète avec les Ciel et Blanc avec qui il fait preuve d’une plus grande inconstanc­e. Ceci expliquant aussi pourquoi il n’a participé qu’à une seule des trois finales de Coupe d’Europe des dernières années. Et pourquoi, évidemment, sa direction a choisi de se séparer d’un tel joyau… Une question d’investisse­ment personnel ? De réussite ? De priorité inconscien­te au XV de France ? De régularité ? De blessures ? De malchance ? D’injustice ? Toutes ces interrogat­ions ne trouveront sûrement jamais leurs réponses et lui colleront à la peau jusqu’au bout depuis ses premières conneries de jeunesse. « Le problème, c’est que Teddy a toujours l’allure du jeune joueur alors qu’il est hyper confirmé aujourd’hui, analyse Gimenez. Teddy, c’est la star, le prodige qui a mis deux essais en phase finale de Coupe d’Europe quand il a commencé avec Biarritz et trois essais quand il a débuté en équipe de France. Oui, il a fait des erreurs quand il était jeune mais vous ne trouverez plus d’exemples de ce type des dernières années. Pourtant, ça le poursuit. Mais on n’arrive pas à ce niveau sans travail et sans rigueur. »

Le doublé de Rome, l’appel de Ntamack Thomas a livré sa réponse samedi. Sur le terrain. Un match plein, deux essais, quatre franchisse­ments et sept défenseurs battus. Nouvelle démonstrat­ion d’un personnage à part : déroutant et spectacula­ire. Il fallait pourtant avoir un solide mental pour sortir cette prouesse au bout d’une semaine si mouvementé­e. « Cela ne vient pas le perturber et il s’en nourrit même parfois, assure Gimenez. De toute façon, s’il ne fait rien pendant un match, on le critique parce qu’on ne l’a pas vu. Mais il n’y a pas que lui ! On attend souvent trop de Teddy, c’est presque injuste. Mais il sait répondre à cette pression. Il a du tempéramen­t. » Est-ce la raison pour laquelle Galthié a voulu lui certifier sa confiance ? Il en fut digne. Puis Thomas sait que, loin de Nice ou de Rome, son CV a circulé ces derniers jours. Ce n’est plus un mystère que l’état-major du Stade toulousain s’est sérieuseme­nt penché dessus et que d’autres cadors du Top 14 se tiennent prêts à dégainer.

De quoi flatter son ego de compétiteu­r. « J’en ai aussi entendu parler et, connaissan­t le jeu toulousain, ce serait super qu’il y aille, affirme Gimenez. Mais je ne me suis jamais fait de soucis pour lui. » Même Romain Ntamack, sous couvert de l’ironie, lui a lancé un appel on ne peut plus explicite dans ces colonnes vendredi : « Toulouse n’est pas très loin de Biarritz, alors pourquoi pas le voir en rouge et noir ? […] S’il veut marquer encore plus d’essais, je sais très bien où il doit signer (rires). » Son futur point de chute, certaineme­nt l’objet du prochain débat autour de lui.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany Teddy Thomas, auteur de deux essais samedi face à l’Italie.

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