Une évolution à petites touches
TOUJOURS PLUS PERFORMANTE MATCH APRÈS MATCH, LA TOUCHE TRICOLORE PASSERA UN NOUVEAU TEST À DUBLIN. OÙ IL S’AGIRA DE RESTER AUSSI SOLIDE QUE D’HABITUDE DANS SA DÉFENSE DES BALLONS PORTÉS, MAIS SURTOUT D’EN EMMENER ENFIN UN DERRIÈRE LA LIGNE D’EN-BUT ADVERSE, POUR CHANGER DÉFINITIVEMENT DE STATUT.
C’est passé inaperçu, et c’est probablement tant mieux comme ça. Reste que la conquête tricolore a conservé la bonne habitude prise depuis l’automne de réaliser des matchs pratiquement parfaits, après avoir parfois soufflé le chaud et le froid lors du dernier Tournoi. Ainsi à Rome, la conquête bleue est parvenue à priver les Italiens de quelques munitions (trois en touche exactement) mais à servir de plate-forme parfaite pour les trois-quarts, puisque trois des sept essais français ont été inscrits en première main (Un sur mêlée, deux sur touche). Une assise qui ne sera évidemment pas de trop ce dimanche en Irlande… Pourquoi ? Parce qu’on se souvient tout simplement que si les Bleus ont facilement disposé des Verts au mois de novembre, c’est précisément parce qu’ils avaient réalisé leur match référence en conquête, notamment en touche. Ce jour-là en effet, les Irlandais avaient reçu une petite leçon de la part des Bleus qui les avaient pris sur leur point fort supposé. Incapables d’enclencher avec efficacité le moindre ballon porté (on revoit encore ce maul refoulé en touche par les Bleus juste après le carton jaune de Bouthier), les Verts n’avaient surtout jamais réussi à lancer efficacement leur jeu à partir de leur alignement, contrariés aussi bien dans les airs qu’au sol. On avait pu à ce titre mesurer ce jour-là la redoutable efficacité de la défense française en fond de touche, avec ces choix assumés de toujours placer Bernard Le Roux en verrouilleur et de reculer Greg Alldritt à l’intérieur de son ouvreur, même sur touche complète, quitte à défendre en l’air à 6 contre 7 avec Julien Marchand en position de relayeur…
TRAVAIL DE FOND SUR LES TEMPOS
Le hic ? Il est que les Irlandais sont aujourd’hui prévenus, qui ont en outre été renforcés depuis le mois de janvier par l’arrivée au sein du staff de Paul O’Connell pour s’occuper spécifiquement de la touche. De quoi s’attendre à un combat stratégique encore plus pointu qu’à l’automne, d’autant que les Bleus ont (de ce qu’on a pu observer en Italie) ajouté quelques cordes à leur arc. On a ainsi noté une nouvelle combinaison, avec une touche à 17 mètres directement pour Gaël Fickou (qui fut d’ailleurs toute proche de fonctionner, la faute à un léger contretemps dans les courses de soutien proches entre Villière, Vincent et Dupont). Mais aussi que les Bleus ont manifestement beaucoup travaillé sur leurs tempos sous la houlette de Karim Ghezal, et s’avèrent désormais capables de sauter sitôt arrivés dans l’alignement, sans avoir besoin d’annoncer. Une des armes clés au plus haut niveau, pratiquement impossible à contrer, dont ils ne disposaient jusqu’alors pas forcément dans leur arsenal.
CUEILLIR LES FLEURS DU MAUL
Leur marge de progression, désormais ? Elle semble essentiellement résider dans les ballons portés offensifs puisque, sur l’année 2020, les Bleus n’ont été capables d’inscrire qu’un seul essai, face à l’Italie lors de la dernière Coupe d’Automne des Nations… Insuffisant ? C’est au moins le sentiment des joueurs puisqu’à en juger de la prise de parole du numéro 8 Greg Alldritt avant le match de la semaine dernière, les Bleus doivent « se persuader qu’ils vont marquer sur maul. » Et même si les circonstances atténuantes existent (lors du dernier Tournoi, les Bleus n’ont jamais eu que trois pénaltouches à négocier), les Bleus savent pertinemment qu’à Dublin, ce secteur pourrait prendre une importance capitale. Car si bien défendre sur les portés irlandais priverait à nouveau les Verts d’un de leurs principaux points forts, cueillir directement les fleurs du maul reviendrait à définitivement transformer le pack des Bleus de « conquête respectée » à « conquête redoutée ». Rien moins que l’objectif affiché voilà un an, qu’il semble indispensable d’atteindre rapidement si les Bleus souhaitent viser le grand chelem… À ce titre, il se pourrait bien que l’on assiste à Dublin à une autre nouveauté, à savoir une touche avec plusieurs trois-quarts directement placés dans l’alignement, histoire de contourner la surveillance accrue des arbitres au sujet des joueurs non-participants à la touche susceptibles de se joindre aux mauls. Mais chut ! On ne vous a rien dit…