Sacrilège
Au moment de lire ces lignes, on ne saura pas vraiment si match il y a et qui pourra jouer. Déjà, le petit Prince, Antoine Dupont, est à l’isolement, rejoignant Fabien Galthié, Servat et d’autres. Faudra-t-il convoquer 31 nouveaux joueurs si le variant anglais confirme sa contagiosité ? Vraiment, nous sommes tous et toutes devenus épidémiologistes ! Permettez, ici, la digression : et si l’indisponibilité sanitaire des entraîneurs mettait en lumière les progrès en parité que doit effectuer le rugby. Pourquoi pas des filles, aux manettes. Ailleurs, on voit bien l’importance et l’apport des soignantes. De son côté, Canal + a réussi à imposer le charme, le talent et la finesse d’analyse des commentatrices (l’ordi machiste transforme le mot en commentateurs ! La toile serait-elle patriarcale ?). Alors, pourquoi pas chez les Bleus ? Pour l’heure, espérons d’avoir à vivre le prochain France - Écosse ; c’est sûr qu’il est passionnant ! Depuis quelques années, les Écossais développent un jeu séduisant. En plein Brexit, l’Écosse est proeuropéenne. Son arrière percutant (Hogg) et son ouvreur fantasque (Russell) nous ravissent toujours. Pensons à l’Écosse avant d’avoir à accueillir les Gallois, chanceux vainqueurs des
« Scottish ». Espérons qu’ils débarquent, les Diables
Rouges, toujours invaincus : cela nous vaudra un sacré match décisif en vue du grand chelem. Ce pourrait être avec 5 000 veinards si notre ministre des Sports, Roxana Maracineanu, emboîte le pas de Rosine Bachelot, ministre de la Culture qui prône l’ouverture. À Melbourne, c’est fait en mode tennis : dimanche Medvedev aura défié l’indestructible Djokovic. Tsisipas, lui, a sorti Nadal. C’est une nouvelle génération qui monte au pouvoir, comme notre belle et jeune équipe de France ainsi que l’a joliment dit Léo Faure, dans son éditorial de vendredi passé : « Le Tournoi était une bulle… une pastille de joie… un
flocon de la vie d’antan. » Nous avons tous et toutes ressenti ce qu’il exprime. Mais, vous le savez, le rugby n’est pas une religion, ni même un culte figé. Car ses règles évoluent sans cesse : finis les entrées au casque en mêlée, le dégagement en touche de n’importe où, les percussions avec les épaules dévastatrices pour les « cafetières » et les redoutables cravates… Non, on s’adapte.
Et les arbitres transmettent les nouveautés. Ils ont l’air de comprendre parfaitement ce qui se passe en mêlée : ils pointent du pied le milieu d’affrontement et dictent fort les trois temps. Pourtant ça tourne, ça avance et tu prends une pénalité ; le droitier s’effondre, coup franc, voire carton si récidive ; n’a-t-il pas été entraîné au sol par le gaucher adversaire ? Sils poussent avant, bras cassé ; mais les autres n’ont-ils pas fourbement reculé ? La vérité reste suspendue à l’incertitude et l’on en vient à souhaiter vivement le retour des troisièmes mitemps, avec les premières lignes pour débattre de leurs secrets… évidemment dans le respect total des décisions mêmes fausses ! En revenant au Tournoi, peut-il lui aussi changer, évoluer ? Imaginons une idée hérétique : nos amis transalpins prennent le bouillon depuis des années ; la Géorgie est le fournisseur majeur des piliers comme les Fidjiens font jaillir les attaquants. Cette mondialisation est un des beaux signes d’accueil du rugby. Alors, pourquoi pas un barrage annuel entre le dernier du Tournoi et le premier de la compétition bis. L’Italie donc, contre la Géorgie ou la Belgique… Mais souvenez-vous : nous ne sommes jamais qu’invités au rendez-vous des Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais. Alors, c’est presqu’un sacrilège de s’autoriser une telle proposition ! C’est aussi une trahison contre le « Bel paese », celui en plus de nos origines familiales ! Mais si on rêve des chants écossais l’année prochaine à Lansdowne Road et de ce magnifique Flower of Scotland, on pourrait avoir le plaisir de vivre les rugueux affrontements en mêlée de la Géorgie. Le sacrilège est donc bien la preuve de notre religiosité.