Midi Olympique

« Je voulais être professeur »

- Propos recueillis par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

VIRIMI VAKATAWA (Trois-quarts centre du XV de France) QUE SAIT-ON DE CELUI QUE LE TOP 14 DANS SON INTÉGRALIT­É PRÉSENTE À JUSTE RAISON COMME « LE MEILLEUR CENTRE DU MONDE » ? PAS GRAND CHOSE, FINALEMENT. LA SEMAINE DERNIÈRE, VIRIMI VAKATAWA, SI RARE DANS LES MÉDIAS, A POURTANT ACCEPTÉ DE DONNER UN PEU DE LUI. C’EST À VOUS, « VIRI »... Il y a dix ans que vous êtes arrivé en France et on vous connaît finalement peu. D’où venez-vous, Virimi ?

Je suis né à Naluwai, un petit village des Fidji accroché aux montagnes. Nous sommes relativeme­nt loin des côtes et petit, je n’allais que très rarement sur les plages. J’ai appris à nager dans la rivière qui passait à côté.

Quand vous dîtes « petit village », que voulez-vous dire ?

Le village compte entre quatre-vingts et cent personnes. Inutile de vous dire que je connais tout le monde, là-bas. […] Quand j’ai atterri à Paris à 18 ans, j’ai donc mis quelques temps à m’acclimater au décor. Ce qui me surprenait le plus, ici, c’était d’être toujours entouré de hauts bâtiments, de ne jamais voir le ciel, quoi. Mais on s’y fait…

Comment avez-vous débuté le rugby, au juste ?

À l’école du village, comme tout le monde. Mes deux soeurs y jouaient, elles aussi.

Quel était votre rêve de gosse ?

Si le rugby a toujours été dans un coin de ma tête, j’ai longtemps rêvé de devenir professeur de fidjien, puisque nous apprenons les deux langues (anglais et fidjien) à l’école. Avant que le Racing ne me contacte en 2010, il me restait simplement une dernière année d’étude avant d’empocher mon diplôme de professeur. J’ai tout arrêté brutalemen­t. Mais j’y reviendrai peut-être un jour, qui sait ?

Comment s’est passé votre transfert au Racing, au juste ?

Ça, je ne l’oublierai jamais. C’était le soir, je rentrais de cours et quelqu’un a appelé à la maison. C’était Sireli Bobo. Il m’a demandé si je voulais venir en France pour quelques mois, histoire de finir la saison. J’ai tout de suite dit « OK » mais je n’en ai parlé à personne, si ce n’est à ma mère (décédée en 2019, N.D.L.R.). Dans ma tête, j’allais revenir à Naluwai au bout de six mois, quoi…

Comment Bobo avait-il entendu parler de vous ?

Au lycée, je me suis spécialisé dans le rugby à XIII et ça marchait pas mal pour moi, à l’époque. Sireli est simplement tombé sur un article me concernant dans le Fidji Sun, le quotidien local. Et puis, son coup de fil a changé ma vie…

Les débuts en France n’ont pourtant pas été faciles, de ce qu’on raconte…

À mon arrivée en France, j’ai aménagé chez Simon Raiwalui (ancien

capitaine des Fidji, alors entraîneur des avants francilien­s). Très vite, je me suis fracturé la jambe lors d’un tournoi de rugby à VII, à Tours, avec les Espoirs du Racing. J’ai été hospitalis­é là-bas et, à mon retour à Paris, j’ai vraiment connu une période terrible. J’avais de la fièvre, je me sentais faible. La plaie s’était infectée, en réalité. Dans ma tête, je me disais alors que mon rêve était fini, que le Racing ne me proposerai­t jamais un contrat et que je rentrerai très vite à Naluwai…

Finalement ?

Le Racing a bien voulu me donner ma chance et dix ans plus tard, je suis toujours là.

Votre maîtrise du français est désormais parfaite. Comment avez-vous appris la langue ?

Au départ, c’était très drôle. Avec Bernard (Le Roux), on se rendait dans une école primaire de Sceaux (Hauts-de-Seine) deux fois par semaine. On était entouré de tout petits ; ils étaient très curieux de notre parcours, notre sport, notre pays… Ce sont de superbes souvenirs, quand j’y repense…

Pourquoi êtes-vous parti avec France 7, en 2014 ?

J’avais besoin de temps de jeu et de retrouver du plaisir, à l’époque. […] J’ai voulu changer, voyager, visiter différents pays… Le rugby à VII, c’est la meilleure école. Tu ne peux pas te cacher, sur le terrain. Tu t’y files en attaque, en défense, sur les rucks. Ça part dans tous les sens et si tu marches une seconde, c’est fini. À 15, il y a toujours un coéquipier pour rattraper une erreur défensive.

Vous êtes revenu au Racing trois ans plus tard avec le statut de « star du circuit internatio­nal à VII ». Vous souvenezvo­us du jour où Laurent Labit, alors entraîneur des troisquart­s francilien­s, vous a proposé de passer au centre ?

Je n’ai pas eu d’appréhensi­on quand « Lolo » m’a parlé de ça. Quand je jouais au rugby à XIII, j’étais en effet trois-quarts centre et ce n’était donc pas nouveau pour moi. […] La première fois, c’était contre Oyonnax à Colombes.

Qui vous a aidé le plus, lorsque vous êtes passé de l’aile au centre ?

Henry Chavancy, sans nul doute possible. Au départ, j’avais parfois du mal à trouver mes repères en défense mais Henry était toujours là pour rattraper les coups, me conseiller, me guider… […] Henry, c’est mon frère, le mec qui m’a accueilli à bras ouverts quand je suis arrivé en 2010 et que je ne parlais pas un mot de français. Je lui dois beaucoup. Il a toujours été là pour moi.

Vous concernant, une image a dernièreme­nt fait le tour du monde : pourquoi, lors de ce match face à Toulon, avezvous tant tardé avant d’aplatir ?

Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, ce jour-là. C’était important… C’était cinq points pour l’équipe… Gabin (Villière), lui, a juste fait son boulot et m’a fait sauter le ballon des mains. Mais tout le monde fait des erreurs, non ? Moi, je n’ai pas voulu faire le beau, en tout cas…

Dimanche après-midi, le XV de France affrontera l’Écosse à Paris. Vous qui connaissez si bien le meneur de jeu écossais Finn Russell, comment les Bleus pourraient-ils s’y prendre pour le faire déjouer ?

Finn est unique, franchemen­t. Sur le terrain, il affiche toujours un immense sourire et il ne panique jamais, même s’il a fait une erreur. Franchemen­t ? Je ne vois pas comment le faire déjouer. Il ne perd jamais ses nerfs.

Il n’a pourtant rien d’un monstre physique. N’y a-t-il pas moyen de le cibler physiqueme­nt ?

Il a beau être léger, il ne s’échappe jamais en défense et fait tomber tout ce qui se présente à lui. Et en attaque, pff… C’est un magicien… Il est capable de faire un off-load avec trois défenseurs sur le dos.

Vous aussi, remarquez…

Peut-être… Mais je le bosse aussi beaucoup à l’entraîneme­nt. Ce n’est pas seulement naturel.

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Photo M. O. - Patrick Derewiany

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