Midi Olympique

Pari(s) gagnant(s)

Le carte blanche de Pierre Rabadan

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Il est un constat que l’on peut partager sans conteste dans le rugby comme ailleurs… Il y a des choix déterminan­ts qui changent un match, un tournoi, un destin, une vie. Suite au carton rouge de Paul Willemse et aux 10 points de retard que comptaient les Bleus à quelques secondes de la fin d’un match mal engagé, qui aurait parié que la France priverait le pays de Galles du grand chelem, remportera­it le match et postulerai­t pour gagner le Tournoi ? Le choix de ne pas prendre les points, d’aller chercher cet essai de son capitaine remarqué et de se lancer sur une dernière action légendaire pour le final que l’on connaît.

Mais il arrive que l’on ne gagne pas toujours ses paris. Et si je croyais sérieuseme­nt à notre possibilit­é d’aller chercher une victoire bonifiée, sous cette pluie battante, c’est bien la douche écossaise qui nous attendait. Glaçante sur le moment, cette défaite à domicile, contre un XV du Chardon ardent, nous prive du gain du Tournoi. Mais j’en prends pari, elle sera une étape clef dans l’histoire de ce groupe pour aller chercher, dans ce même Stade de France, en 2023 un certain trophée.

C’est mon pari sur Paris, effectué il y a plus d’une vingtaine d’années maintenant, qui a été sans aucun doute pour moi le plus marquant. À l’époque peu m’importait de savoir si gagnant il deviendrai­t, même s’il m’a amené à changer de vie sans n’y avoir jamais réfléchi.

Débarqué d’Aix-en-Provence, club de Nationale 3, juste majeur, j’arrivais dans un club en renaissanc­e pour évoluer dans ses équipes juniors, très loin d’une éventuelle carrière que je n’avais jamais envisagée. Dans un monde du rugby qui lui initiait alors sa mutation vers le profession­nalisme. Mais le choix du Stade français-Paris m’est apparu alors comme intuitif, pour ne pas dire évident, sans pouvoir vraiment le justifier. J’ai eu la chance, plutôt les chances et les opportunit­és, qu’il a fallu saisir aussi, d’évoluer aux côtés de joueurs avec un caractère aussi développé que leurs talents ! En juniors d’abord, acte fondateur de mon avenir rugbystiqu­e, en remportant un titre de champion de France Reichel, qui reste encore après ma carrière, un moment magique, hors du temps et de toutes comparaiso­ns raisonnabl­es. Ensuite, dès l’année suivante en équipe première, sur fond d’autogestio­n contrôlée, en connaissan­t une finale au Stade de France un 15 juillet, y soulever mon premier bouclier et mesurer l’opportunit­é d’avoir été porté si haut par des coéquipier­s que je regardais quelques jours avant d’écrire l’histoire du rugby français. Il fallait à cette époque un président aussi perché que les joueurs sur lesquels il a parié pour porter le pari osé d’un Paris rosé… Et animer par une féroce envie d’exister et de bousculer l’image et la hiérarchie du rugby français. Mais pour changer la culture du rugby, osez l’évolution voire la révolution, faire venir un public féminin au Stade, remplir le plus grand stade de France, faire jouer une équipe en rose fluo… Il fallait gagner. Sur la durée. Le choix des hommes a été essentiel dans cette épopée et c’est un autre talent qui peut expliquer ces belles années. Puis tout ça s’est arrêté. Alors s’est posée à moi la question. Rester et devenir l’homme d’un seul club ou s’en aller vivre une expérience nouvelle dès lors que le temps tournait… Ce pari, bien que plusieurs personnes aient tenté, tout au long de mon aventure au Stade français, de l’annihiler, je l’ai porté, assumé et suis heureux de l’avoir tenté. Dix-sept saisons passées à essayer de gagner, quelques succès, des temps perturbés et un 5e et dernier titre de champion de France avant de raccrocher. J’ai fait le pari, pas meilleur ou moins bien que les autres, d’être le joueur d’un seul club. Je pense pouvoir dire que j’ai réussi mon Paris.

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