2011 : le grand renversement
QUAND LE LEINSTER REMONTA UN DÉFICIT DE SEIZE POINTS POUR CONQUÉRIR SA DEUXIÈME COUPE D’EUROPE. CHEF D’OEUVRE DE SEXTON, MAIS PAS QUE...
COUPE D’EUROPE
Il y a dix ans, nous avions assisté à la finale européenne la plus renversante de l’Histoire. Au vrai sens du terme. Un match totalement « retourné » par le Leinster, mené 22-6 à la pause par Northampton, mais assez fort pour finir avec un incroyable 33-22 en sa faveur. 27-0 en deuxième période, un phénomène rarissime pour un match de ce niveau. Les Saints de Northampton excellents en première période en étaient ressortis totalement déboussolés. À la réflexion, ils avaient joué à fond leur rôle d’outsiders, mais leur potentiel n’avait pas l’envergure de celui de leurs adversaires.
De quoi ce match mémorable était-il le nom ? De la maturité d’une province, le Leinster, qui était en train d’égaler et bientôt dépasser sa rivale irlandaise, le Munster. Du savoir-faire d’un entraîneur hors norme, le Néo-Zélandais Joe Schmidt, enfin numéro un. Et de la confirmation d’un talent, vraiment extraordinaire : Jonathan Sexton. Moins jeune finalement que dans nos souvenirs, il avait déjà 25 ans et seize sélections. En équipe nationale, il n’était pas encore installé, mais en rivalité avec Ronan O’Gara.
Mais cette finale fut le grand virage de sa carrière. 28 points, dont deux essais avec un second acte irrésistible. Ce qui est incroyable, c’est que tous les points de la seconde période ont été marqués en 21 minutes, de la 43e à la 64e, un vrai ouragan orchestré par le demi d’ouverture issu du Saint Mary College. On en oublierait presque que Brian O’Driscoll jouait aussi ce match tant son numéro 10 « dévora » cette seconde période. Il faut revoir son second essai et son redoublement avec Heaslip qui le vit s’enfoncer comme une pointe affûtée dans la défense anglaise.
SEXTON ET SON DISCOURS MARQUANT
On a beaucoup parlé de la mi-temps des Leinstermen. Très vite la presse irlandaise se fit l’écho d’une prise de parole impériale de Jonny Sexton. Brian O’Driscoll l’a confirmé par la suite : « Ce qu’il a dit à la mi-temps a fait vibrer une corde chez beaucoup d’entre nous. Il a expliqué ce que nous devions faire désormais pour entrer dans l’histoire. On pouvait voir toute sa volonté, il avait la bave aux lèvres. Sa détermination se voyait, il l’a confirmé en faisant cette deuxième période phénoménale. Il s’est comporté comme un vrai 10, qui doit être un patron. » D’autres versions ont circulé. Elles font état d’une référence à la remontée de Liverpool en 2005 face au Milan AC (3-3, victoire au tirs aux buts). « Oui, ça m’avait marqué, j’ai dû y faire allusion. En fait, je ne suis pas le seul à avoir parlé. D’autres aussi l’ont fait et je me souviens que notre staff est resté très calme pour nous donner les conseils adéquats » a précisé Johnny Sexton modestement.
Le retour du Leinster a été savamment analysé depuis. Revisionnage à l’appui, quelques journalistes pointus ont avancé deux ou trois autres facteurs clé. L’entrée d’un joueur un peu oublié, le troisième ligne Shane Jennings (13 sélections), très important sur les rucks. Un changement de comportement de la mêlée pour contrer la force des deux piliers adverses Tonga’uhia et Mujati. Les Leinstermen se sont mis à pousser à huit à fond et Ross (pilier droit) et Richardt Strauss (talonneur) ont mis une grosse pression sur Hartley. En décortiquant les deux essais de Sexton, on a aussi décelé le travail de Heaslip (sans ballon) dans un art de l’obstruction... à la limite de la faute.