Midi Olympique

« Le protocole me semble trop ouvert »

FRANCK MACIELLO (Directeur technique national de l’arbitrage) DÉCRYPTE L’ÉVOLUTION DE L’UTILISATIO­N DE LA VIDÉO. ET LE PATRON DES ARBITRES FRANÇAIS PREND POSITION.

- Propos recueillis par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

N’arrive-t-on pas à un tournant de l’arbitrage vidéo ?

Oui, je pense qu’il faut qu’on réfléchiss­e à son utilisatio­n. La vidéo est un excellent outil, mais il faut savoir la manier avec tact et intelligen­ce. Elle a été inventée pour éviter qu’une décision importante soit prise malgré une faute évidente qui aurait échappé à l’arbitre. Mais il ne faut pas tomber dans le travers de vouloir vérifier toutes les situations. Ça va ennuyer tout le monde, sans rien apporter au match et surtout ça nous amène à un « arbitrage à la vidéo ».

Que voulez-vous dire par « arbitrage à la vidéo » ?

Si on vérifie tout, ce n’est plus l’arbitre qui officie, c’est le gars qui est devant son moniteur télé. Je pense qu’il faut se pencher sur le protocole. Il me semble trop ouvert. Peut-être pourrait-on revenir à la vidéo uniquement sur la zone de marque ? Je précise qu’il s’agit là d’un point de vue très personnel.

N’y a-t-il pas un côté dérisoire à revenir au départ d’un essai de trente passes pour un enavant ou une obstructio­n légers ?

Le protocole actuel parle de la possibilit­é de revenir deux regroupeme­nts en arrière. Pourquoi deux ? Pourquoi pas trois ? Si on voit une faute évidente au troisième regroupeme­nt ? On ouvre la porte à tout, en fait.

Actuelleme­nt, l’arbitre vidéo peut alerter l’arbitre de champ pour une consultati­on vidéo. Est-ce une bonne chose ?

Pour la notion de faute « claire et évidente », oui. Pour le reste, il faut laisser le trio physiqueme­nt présent sur le terrain arbitrer.

Dans l’hémisphère Sud, est apparue la possibilit­é pour les joueurs de demander la vidéo, avec une limite… Oui, ça fait des années qu’on en parle. Mais ce n’est qu’une expériment­ation.

Dans le protocole actuel, l’arbitre doit donner son avis, et demander à l’assistant vidéo s’il a une raison pour le faire changer d’avis sur un point précis. L’arbitre ne devient-il pas prisonnier de cette façon de faire ? Exactement, on l’a vu lors de FranceGall­es, avec l’essai de Josh Adams (l’arbitre de champ s’était trompé sur le touché en-but, mais il avait demandé à l’arbitre vidéo de se prononcer sur des en-avants préalables finalement inexistant­s, N.D.L.R.). Je pense que s’il est sûr de lui, il doit assumer sa décision. Et ne faire appel à la vidéo qu’en cas de doute.

Pourquoi a-t-on imaginé cette façon de faire ?

Pour éviter justement de transférer la totalité de l’arbitrage à l’homme de la vidéo. On a demandé à l’arbitre central de se positionne­r, mais ce n’est pas forcément concluant.

N’a-t-on perdu l’esprit de la vidéo à force de vouloir en faire trop ?

Les textes sont précis : la vidéo doit répondre à des situations « claires et évidentes ». On n’est pas là pour fabriquer des chercheurs de fautes, mais pour apporter du bon sens à nos décisions et, surtout, qu’elles soient comprises par tout le monde. Cet outil peut sauver un match. Imaginer un essai décisif entaché d’un en-avant en phase finale. C’est là que la vidéo doit être utile. Mais l’appeler à tout bout de champ, non. Je le répète, il s’agit d’un outil que l’on doit savoir maîtriser. Sinon, je le reconnais, les matchs sont hachés et ils deviennent même parfois interminab­les.

Voulez-vous revenir à la règle des cinq mètres, comme aux débuts de la vidéo ?

Oui, je l’ai connue quand j’arbitrais. Il n’y avait pas d’abus à l’époque. Je suis resté attaché à cet esprit-là. On ne traquait alors que les fautes cruciales.

Mais quid des brutalités ?

Dans ce cas, la vidéo a été très utile. Elle a réglé la question du jeu déloyal. On ne voit plus ce qui se passait auparavant.

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