Midi Olympique

Bordeaux-Bègles écrit son histoire

L’UNION BORDEAUX-BÈGLES S’EST IMPOSÉE AU TERME D’UN MATCH TRÈS FERMÉ, MAIS MAGNIFIÉ PAR UN ÉPILOGUE À TROIS COUPS DE THÉÂTRE. COMME POUR SOULIGNER CETTE QUALIFICAT­ION HISTORIQUE EN DEMI-FINALE DE CHAMPIONS CUP.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Les vieux renards du rugby ne se sont pas trompés, et Christophe Urios encore moins que les autres. Ce quart de finale s’est déroulé comme un long bras de fer, âpre et heurté, rythmé par la cadence des coups de sifflet d’un arbitre qui veillait au grain. Le coach bordelais l’avait annoncé en semaine et les événements lui ont donné raison. « C’est un match qui s’est déroulé comme je l’avais imaginé. L’adversaire comptait beaucoup d’absents, mais ça les a resserrés. Le match ne s’est pas lancé en fait… Je suis désolé pour le spectacle, mais il faut savoir gagner les matchs laids. En phase finale, on n’est pas là pour montrer qu’on sait bien jouer au rugby, mais pour montrer qu’on sait gagner. » Ce n’était pas la peine d’être désolé, finalement: il existe aussi un plaisir des matchs verrouillé­s. Celui-ci en était un spécimen de la plus belle espèce.

À ceux qui se plaignent toujours de ne pas voir assez de « jeu » avec un grand J, on offrira en guise de compensati­on ces deux dernières minutes d’une rare intensité dramatique: un essai refusé à Moefana pour une interventi­on illicite de Ben Lam sur un ruck; le Racing qui revient dans le camp adverse, qui perd le ballon en touche, Jalibert qui hésite pour la première fois du match qui concède la pénalité du 21-21.

LE GRATTAGE CRUCIAL DE TAMEIFUNA

« J’ai bien cru qu’on partait en prolongati­on », confia Romain Buros. En tribune de presse, tout le monde feuilletai­t ses notes sur les modalités des prolongati­ons et des tirs au but, épilogue logique d’un tel mano a mano. Et puis, l’ultime enchaîneme­nt: le grattage de Ben Tameifuna planté sur ses appuis, la pénalité de 55 mètres assumée par Matthieu Jalibert. Ce coup de pied assassin valait bien des péripéties à lui seul.

Christophe Urios reprit : « Ces dernières minutes étaient insupporta­bles à vivre, même si j’ai su tout de suite que l’essai serait refusé. Voir un ballon gicler comme ça d’un ruck, à la première vidéo j’ai reconnu le tatouage du bras doit de Ben Lam. Mais il n’y a pas eu que ça. Il y a eu aussi, juste avant, cette touche à cinq mètres de la ligne qu’on a perdue. » Jefferson Poirot était déjà sorti à ce moment-là. Depuis le banc, il se faisait un sang d’encre : « Forcément, on se dit : « ce n’est pas possible »! À la 78e, il y a encore la même touche qu’ils avaient eue en décembre en championna­t, au même endroit. On se dit : « Oh ils sont encore là ». Je ne vous cache pas toute notre tension entre l’essai refusé, nous qui passons devant, eux qui reviennent puis enfin, cette dernière pénalité de 55 mètres... »

LA CAPACITÉ À REMETTRE LE COUVERT

Oui, face à un Racing très handicapé par les blessures, l’opportunit­é était devenue tellement énorme qu’elle en devenait intimidant­e. Christophe Urios semblait en convenir : « Il y a six mois, nous n’aurions pas gagné ce match…. J’ai apprécié le caractère de l’équipe, le fait qu’on ne se soit pas désunis. Je voulais voir comment on allait se comporter. Contre Bristol, on vivait sur la grosse frustratio­n de la défaite face à La Rochelle. Mais on ne peut pas vivre toutes les semaines comme celle qu’on a vécue avant notre huitième. Ça, ce n’est pas possible. »

Christophe Urios dévoilait en creux la remise en question sévère de «l’avant huitième». Il attendait donc de voir si son groupe pouvait faire preuve de constance, échappant à sa légendaire tendance au relâchemen­t. « Les gars étaient assez concentrés dans la semaine, assez appliqués même si nous étions un peu tendus ce matin. Mais gagner deux matchs coup sur coup, comme ça, c’est quand même le signe d’un virage qui a été bien pris. »

Ça sautait aux yeux. Les Bordelais avaient pour consigne de ne pas partir à l’abordage, ils ont respecté ce plan de jeu austère à la lettre, dans un contexte finalement totalement différent du huitième de finale de la semaine passée. Le style du Racing 92 et celui de Bristol étaient antinomiqu­es. Les Bordelais ont dompté ces deux fauves, intrépide pour l’un et calculateu­r pour l’autre. C’est une petite rosette à leur boutonnièr­e. « Ça montre qu’on grandit. Je le répète, on n’aurait pas gagné ces matchs il y a quelque temps. Ferrailler, se montrer patients comme nous l’avons été, contrôler ce qu’on pouvait contrôler, ce n’est pas si naturel. En tout cas, c’est ce qu’on n’avait pas su faire contre La Rochelle. Rappelezvo­us, il n’y avait que 6-3 à la mi-temps et puis on avait complèteme­nt craqué. »

Décidément, ce match UBB-La Rochelle a vocation à rester comme une borne maléfique dans le discours « uriosien ». L’exemple même de ce qu’il ne faut plus jamais reproduire. Le premier duel UBB-Racing de la saison, le 5 décembre, ne suscitait pas le même dégoût chez lui. Il avait pourtant été comparable à celui de dimanche, d’ailleurs, par la fermeture des débats. Mais à la fin, le Racing l’avait emporté sur un exploit de Teddy Thomas, absent dimanche : « Mais ce jour-là, nous avions des circonstan­ces atténuante­s. Nous avions eu du mal à récupérer après une série de gros matchs à l’extérieur, des victoires à Castres et à Montpellie­r. Nous étions usés et nous avions été mangés sur le caractère. Quatre mois après, je constate qu’après le très bon match contre Bristol, on a su remettre le couvert. Et ça s’est positif pour l’histoire de notre saison. »

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