Le chef de meute
J’ai souvent endossé le rôle de capitaine des équipes pour lesquelles j’ai joué. Ce n’est pas quelque chose de revendiqué, bien au contraire, mais les choses ont souvent fait que je finissais par avoir ce rôle. J’ai aussi eu la chance de jouer aux cotés de grands capitaines, qui m’ont servi de modèle. Je me suis naturellement interrogé, et je continue aujourd’hui, sur ce qui pouvait caractériser les meilleurs meneurs. Tous les grands capitaines ont été de grands joueurs mais les grands joueurs n’ont pas forcément été capitaines. Existe-t-il des traits de caractères particuliers qui font émerger un individu au sein du collectif ? La question est loin d’être simple tant les hommes qui incarnent ce rôle peuvent le faire différemment. Il existe néanmoins quelques éléments qui semblent pouvoir être mis en lumière.
Un bon capitaine est celui qui permet aux autres de mieux jouer, alors même qu’il doit lui-même jouer à son meilleur niveau. Certains le font sans grande démonstration ou discours, en prenant les devants et en faisant ce qu’ils savent faire de mieux : jouer. Je considère qu’au-delà de simplement jouer, le capitaine doit être à l’écoute de ses coéquipiers, que ce soit en match ou pendant la semaine. Ses capacités d’observation, de compréhension et d’empathie sont essentielles pour prendre le pouls de l’équipe au quotidien.
Pour moi, les meilleurs meneurs sont ceux qui ont la capacité à sentir lorsqu’un coéquipier a besoin d’un mot ou simplement d’une attention. Les capitaines sont les garants d’un équilibre humain et instable par définition. Aussi discrets soient-ils, ces signes et ces attentions peuvent se révéler être déterminants lorsqu’il faut que tous les membres de l’équipe, sans exception, jouent à leur meilleur niveau.
Être capitaine est dans majorité des cas une fierté, un honneur. On est mis en avant, on reçoit les trophées, on prend la parole au nom du groupe. Ce rôle représente énormément de responsabilités. Il nécessite de préparer les matchs avec une approche autant collective qu’individuelle alors que les autres joueurs se concentrent davantage sur leur rôle. Et cela peut, parfois, se transformer en fardeau. Être capitaine d’une équipe en crise, qui enchaîne les défaites, est loin d’être une chose facile. Devoir prendre la parole au nom des autres après une défaite importante n’est pas donné à tout le monde. À mes yeux les meneurs doivent faire preuve, plus que quiconque, d’une dignité, d’une lucidité et d’une intelligence hors du commun dans ces moments-là.
On se souvient toujours des capitaines des grandes équipes. Je suis par contre moins convaincu qu’il faille avoir un « grand capitaine » pour faire une grande équipe, surtout dans un sport comme le rugby. Le capitaine est celui qui ressort du groupe naturellement, de par ses qualités de leader, mais il dépend aussi du comportement et de la force de ses coéquipiers. Le nom du capitaine est celui qui est associé aux périodes fastes, moins aux périodes de disette. Il ne peut évidemment pas être tenu pour seul responsable des échecs. Ceux qui endossent ce rôle me fascinent et me fascineront toujours. J’ai envie de comprendre ce qui fait d’eux les leaders. Maintenant que ma carrière est terminée, tout ce que j’ai pu apprendre d’eux sur le terrain me sert encore. J’essaie de m’inspirer encore maintenant de cette logique de leadership pour tenter de mieux comprendre et mieux faire au quotidien auprès des gens avec lesquels je collabore.