Midi Olympique

« Très important que les Bleus viennent en Australie »

JOHN EALES (Ancien capitaine et deuxième ligne de l’Australie) EST UNE VÉRITABLE LÉGENDE VIVANTE DU RUGBY AUSTRALIEN. L’ANCIEN DEUXIÈME LIGNE DES WALLABIES (86 SÉLECTIONS) VIENT D’ÊTRE NOMMÉ PRÉSIDENT DU COMITÉ DES JOUEURS DE FRANCE 2023. L’OCCASION POUR

- Simon.valzer@midi-olympique.fr

Nous avons appris ce jeudi que vous alliez présider le comité des joueurs de France 2023. Quel rôle occupe ce comité dans l’organisati­on de la Coupe du monde ?

Ce comité des joueurs est une nouvelle initiative créée spécialeme­nt pour la Coupe du monde 2023, et cela n’a jamais été fait auparavant. Je serai entouré de plusieurs figures du rugby mondial comme Philippe Sella, Yannick Jauzion, Jessy Trémoulièr­e, Gareth Thomas ou David Pocock, ainsi que Lesinga Vunipola, qui n’est autre que la mère des deux internatio­naux anglais Mako et Billy car nous voulons que les mères des rugbymen soient représenté­es dans ce comité. Ces six personnes représente­nt une somme colossale d’expérience­s du rugby vécues par des femmes ou des hommes à différents niveaux. Par ce comité, nous souhaitons également mettre en valeur quelques aspects très importants du rugby.

Lesquels ?

Tel que nous le connaisson­s, le rugby est un sport merveilleu­x. Mais nous voulons insister sur le fait que le rugby ne se limite par au terrain, mais qu’il porte en lui un héritage de tout ce qui se passe en dehors du terrain. Le rugby est une communauté. Et avec ce comité, nous organisero­ns des évènements qui viseront à célébrer son enracineme­nt local. Nous voulons aussi rendre hommage à la riche histoire de notre jeu, et jeter des passerelle­s entre les mondes amateurs et profession­nels car nous savons tous que le rugby amateur représente 99 % des pratiquant­s du monde entier : en ce sens, une Coupe du monde doit autant célébrer le rugby amateur que le rugby profession­nel. Enfin, on veut rappeler à tous que le rugby est un sport inclusif, dans lequel chacune et chacun est le (la) bienvenu(e). Et nous voulons qu’il reste ainsi.

En tant que président de ce comité, quelles seront vos missions ?

Je serai là dans un rôle d’encadrant, pour tirer le meilleur de ce groupe composé de personnes fantastiqu­es. Nous allons nous réunir plusieurs fois dans l’année afin de débattre, d’échanger, de trouver et de mettre en place des initiative­s. Nous ne voulons pas nous limiter à trouver des idées : encore une fois, nous serons là pour mettre des initiative­s en place et les partager avec le plus grand nombre, pour que le rayonnemen­t de la Coupe du monde dépasse largement ce qui se passe simplement sur les terrains de rugby.

Vous avez donc choisi les membres qui vous entourent ?

J’ai participé au processus de sélection en effet, et certaines personnes ont été sélectionn­ées par rapport à certaines initiative­s que nous avions déjà à l’esprit.

Le Gallois Gareth Thomas et l’Australien David Pocock sont connus pour être très engagés dans des combats comme la reconnaiss­ance des droits aux couples homosexuel­s ou l’environnem­ent. Leur présence dans ce comité signifie-t-elle que vous souhaitez que ce Mondial soit plus respectueu­x des différente­s communauté­s ainsi que de l’environnem­ent ?

Absolument, c’est ce qu’il faut lire entre les lignes. Ces deux personnes ont été choisies parce que ce sont de vrais champions : pas seulement sur les terrains de rugby où ils ont amassé des trophées, mais aussi dans la vie de tous les jours, où ils ont mené de grands combats et remporté de superbes batailles. Leurs combats nous ont inspirés, et nous voulons qu’ils s’inscrivent dans l’organisati­on de cette Coupe du monde. Le rugby est un jeu qui change les gens qui le pratiquent, et nous voulons que cette compétitio­n inspire le reste de la planète.

Les femmes sont également représenté­es avec l’internatio­nale française Jessy Trémoulièr­e mais également avec Lesinga Vunipola, la maman des frères Vunipola. Pourquoi avoir songé à intégrer une mère de rugbymen dans ce comité ? Je me suis dit que les mères manquaient cruellemen­t de reconnaiss­ance dans le rugby de haut niveau. Car derrière chaque joueuse ou joueur de rugby, il y a une mère. Leur contributi­on joue un rôle immense dans la santé du rugby mondial. Lesinga est la maman de deux internatio­naux, mais ce n’est pas ça le plus important. Qu’il s’agisse d’un profession­nel ou d’un amateur, le rôle de la mère est le même : il est essentiel. J’ai eu la chance d’avoir des parents fantastiqu­es qui m’ont toujours soutenu, mais je souhaite vraiment souligner, par la présence de Lesinga dans ce comité, l’importance du rôle des mères dans l’émergence d’une joueuse ou d’un joueur de rugby.

Le fait de présider ce comité pour la Coupe du monde en France va prolonger un peu plus votre histoire avec notre pays et notre sélection, avec lesquels vous avez vécu de grands moments. Quels souvenirs gardez-vous de vos opposition­s contre les Bleus ?

Tout le monde sait que je tiens le rugby français en haute estime. À mon sens, le rugby français est important pour le rugby mondial. Et le plus grand souvenir que je partage avec le rugby français est assurément la finale de la Coupe du monde 1999. Mais je veux aussi parler de l’importance qu’a eu la sélection des Barbarians français, pendant ma carrière et après. J’ai rencontré des amis fantastiqu­es avec Jean-Pierre Rives et Serge Kampf, et bien d’autres… Je me souviens de l’accueil que m’a réservé Denis Charvet quand j’ai rencontré l’équipe… Tous ces souvenirs font que je porte le rugby français dans le coeur. Cela me fait donc très plaisir de m’engager auprès de lui pour la prochaine Coupe du monde.

Est-il vrai que vous avez dit à l’arbitre de la rencontre de la finale 1999 que vous quitteriez le terrain avec votre équipe si les Bleus ne cessaient pas leurs brutalités ?

Oh vous savez, cela fait tellement longtemps maintenant… Je préfère me souvenir de cette rencontre comme un match historique. Je me souviens que les Bleus avaient fait un parcours superbe pour atteindre cette finale, et que cela nous avait demandé d’immenses efforts pour les battre. Ce jour fut très important dans l’histoire du rugby australien.

Pouvez-vous nous rappeler pourquoi on vous a affublé du surnom « Mister Nobody » soit « Monsieur Personne » en français ?

C’est un surnom que l’on m’a donné, mais personne ne m’appelle comme ça ! C’était une blague en réalité…

Une blague qui venait de l’adage « Nobody is perfect », et qui sous-entendait donc que vous étiez le joueur ultime…

C’est l’explicatio­n que l’on en fait c’est vrai, mais je n’ai jamais trouvé cela justifié ! Je peux vous assurer que je faisais des tas d’erreurs sur le terrain ! Très franchemen­t, je ne mérite pas l’appellatio­n de joueur parfait…

Vous avez marqué 173 points pour les Wallabies, dont

une grande partie grâce à vos qualités de buteur, ce qui est extrêmemen­t rare pour un deuxième ligne. D’où vous est venue cette passion pour les tirs au but ?

J’ai toujours aimé ça quand j’étais gosse. J’allais au stade et je passais des heures à taper des pénalités. Et plus tard, je me suis retrouvé dans des équipes qui n’avaient pas de buteur dans leur ligne de trois-quarts, alors je me suis proposé. Mais quand je suis arrivé dans l’équipe du Queensland, il y avait Michael Lynagh, qui était certaineme­nt le meilleur buteur du pays ! Mais il arrivait qu’il ne soit pas là, alors John Connolly m’a un jour demandé de buter à sa place quand il n’était pas là. Parfois je m’en sortais, parfois moins… Mais j’ai adoré tenir ce rôle dans l’équipe.

« Je me suis dit que les mères manquaient cruellemen­t de reconnaiss­ance dans le rugby de haut niveau. Car derrière chaque joueuse ou joueur de rugby, il y a une mère. Leur contributi­on joue un rôle immense dans la santé du rugby mondial. »

Durant toute votre carrière, aucun entraîneur ne vous a dit « Laisse, John, ce n’est pas ton boulot ça… » ? Certains ont essayé de me décourager en effet. Mais je n’étais que le buteur suppléant. J’étais simplement là pour assurer en cas de pépin, donc je n’ai jamais pris la place d’un autre. Et même si certains ont essayé de me décourager, j’ai toujours adoré buter. Donc je le faisais à chaque entraîneme­nt pour mon simple plaisir.

Quel regard portez-vous sur les récentes performanc­es des Bleus ?

J’ai suivi avec attention le dernier Tournoi des 6 Nations, et je constate que les Bleus sont toujours aussi difficiles à affronter ! L’équipe de France propose un très beau jeu, efficace. Ils ont perdu leur dernière rencontre contre l’Écosse, mais à mon sens les Bleus faisaient partie des meilleures équipes de la compétitio­n.

Êtes-vous confiant sur le fait que les Bleus pourront effectuer leur tournée en Australie en juillet prochain ?

Il est très important que le XV de France, où «Les Bleus», viennent en Australie. Les Wallabies ont commencé à construire leur jeu, et plusieurs jeunes talents commencent à émerger. Nous sortons d’une saison très difficile, mais nous sommes parvenus à réaliser quelques tours de force, comme le fait de battre les All Blacks et faire match nul contre eux la semaine suivante. Je pense donc qu’affronter le XV de France, serait un test fantastiqu­e pour les Wallabies. D’autant qu’avec la période trouble que nous traversons, j’estime que nous devons saisir la moindre opportunit­é pour organiser des tests internatio­naux. Cela doit donner un message d’espoir à tous ceux qui ne peuvent plus pratiquer notre jeu à l’heure actuelle.

Propos recueillis par Simon VALZER

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Photos Icon Sport et Midi Olympique
L’ancien deuxième ligne australien, champion du monde avec l’Australie en 1999, John Eales a été nommé cette semaine président du comité des joueurs de France 2023. Photos Icon Sport et Midi Olympique
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