Midi Olympique

À FOND LA CAISSE

TOULOUSE ET LE RACING 92 SE RETROUVENT POUR UN « FAST AND FURIOUS » FAÇON RUGBY SAMEDI SOIR (21H05). C’EST LE DÉBUT D’UN SPRINT FINAL DANTESQUE POUR ANTOINE DUPONT

- Propos recueillis par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

PRÉSIDENT DU RACING 92 DEPUIS LE BUREAU QU’IL OCCUPE AU PLESSIS-ROBINSON, JACKY LORENZETTI DOMINE LE TERRAIN D’ENTRAÎNEME­NT DES RACINGMEN. CET APRÈS-MIDI, IL DEMANDE : « IL EST LÀ, GAËL ? IL FAUDRAIT QUE JE LUI SOUHAITE

LA BIENVENUE, QUAND MÊME ! » À CES MOTS, LE PRÉSIDENT DU RACING 92 DÉGAINE UN SOURIRE, TIRE UN FAUTEUIL

FACE À NOUS, PREND PLACE ET SE LANCE : LES COULISSES DU TRANSFERT DE FICKOU, LE DÉPART DE THOMAS, LE BLUES D’IRIBAREN OU LE RÔLE JOUÉ PAR SERGE SIMON DANS LE DERNIER SCRUTIN DE LA LIGUE ; « JLO » N’ÉLUDE AUCUN SUJET D’ACTUALITÉ…

À quel point la défaite en quart de finale de Coupe d’Europe, face à l’Union Bordeaux-Bègles, fut-elle difficile à digérer ?

J’ai eu du mal à l’avaler parce qu’elle s’est déroulée dans un contexte particulie­r : nous étions, ce jour-là, privés de treize titulaires, qu’ils se nomment Chat, Bird, Imhoff, Zebo, Vakatawa ou Le Roux… Notre meneur de jeu Finn Russell, lui, ne pouvait être là à cause de notre générosité rugbystiqu­e, puisque nous l’avions laissé à dispositio­n de l’Ecosse. Mais je ne me plains pas, hein.

Vous pourriez…

Non. Au Racing, on a un effectif de cinquante joueurs et deux belles équipes à dispositio­n. (Il soupire) Je regrette juste que le match n’ait pas été très agréable à regarder. C’était un vrai match de qualif’…

Il y a longtemps que le Racing tourne autour de la Champions Cup. Y arriverez-vous, un jour ?

Je l’espère. Nous faisons en tout cas des investisse­ments humains, structurel­s et financiers qui doivent nous placer en haut de l’échelle. Le problème, c’est que nous ne sommes pas les seuls. Des furieux comme nous, il y en a beaucoup…

Après la défaite en finale contre Exeter, Teddy Iribaren avait avoué sur Rugbyrama.fr avoir joué le match blessé. Lui en avez-vous voulu ?

C’est de l’histoire ancienne, pour moi comme pour les joueurs. Teddy nous a clairement caché sa blessure et, dès que Laurent Travers s’est aperçu que le joueur avait mal, il l’a aussitôt remplacé. […] Cette histoire a fait plus de mal à Teddy qu’au groupe. Aujourd’hui, il revient doucement mais supporte encore les miasmes de cette contre-performanc­e, pour ne pas employer d’autres termes plus blessants.

Vous aviez tenu à soutenir publiqueme­nt Laurent Travers, après la défaite contre Exeter. Pourquoi ?

Il y avait eu des commentair­es acerbes sur « Toto » après ce match. Certains lui reprochaie­nt d’avoir fait jouer un joueur blessé, alors qu’il n’était pas au courant de l’état de Teddy. En clair, j’ai voulu rappeler à tout le monde, aux joueurs comme aux observateu­rs, que le président et le manager du Racing ne faisaient qu’un. Ça me paraissait nécessaire.

Travers sera-t-il un jour président du Racing 92 ?

Absolument. On est en train de s’organiser.

C’est pour quand ?

Le temps est long… Je veux travailler dans la transmissi­on, au Racing 92. Moi, je ne suis que de passage. Je ne compte pas. Après moi, il y aura un avenir glorieux et Laurent a toutes les compétence­s pour assumer tout ça.

Vous parliez de Finn Russell. Est-il oui ou non capable d’offrir un titre majeur à votre équipe ?

Contre Bordeaux, il nous a manqué. Là-bas, la victoire s’est peut-être jouée dans l’affronteme­nt entre les deux numéros 10 et Jalibert a été très performant. […] Disons que Finn (Russell) apporte un supplément d’âme, une prise de risque qui fait de lui l’un des meilleurs joueurs du monde à son poste. La preuve, on a prolongé son contrat l’an passé. […] Le joueur est fantasque, oui. Mais dans la balance, le poids des actions positives est nettement supérieur au poids des déconvenue­s.

Ce quart de finale face à l’Union Bordeaux-Bègles a aussi fait de vos joueurs des « cas contacts », l’UBB comptant plusieurs malades dans son effectif. Comment avez-vous géré la situation ?

On a appris après le match qu’il y avait des positifs dans leur équipe. Derrière ça, on a vécu une semaine difficile, une semaine à l’isolement : on ne pouvait pas s’entraîner, il y a eu des expertises, des contre-expertises, le derby francilien a finalement été annulé. Mais bon…

Quoi ?

Le président de la République et ses ministres ont annoncé la fin de la guerre pour cet été. Je veux les croire.

Êtes-vous vacciné ?

J’ai tout, moi ! Des anticorps en veux-tu en voilà après avoir passé seize jours à l’hôpital. Et un vaccin dans les veines, oui.

Ça a secoué ?

Non. J’ai juste eu quelques courbature­s.

Avez-vous récupéré, depuis la fin de votre hospitalis­ation ?

Au jour où vous affrontere­z le Stade français, en mai prochain, vous pourrez compter sur l’intégralit­é de votre effectif. Le report n’est pas une si mauvaise nouvelle, finalement…

Sans cynisme, oui. Mais on avait déjà très faim, hein. Un derby face à Paris, c’est un match particulie­r. Ça ne se joue pas au palmarès. Ça se joue à l’envie, aux « coucougnet­tes» comme on dit.

Le Top 14 ira-t-il à son terme ?

Il n’y a plus de sujet, maintenant : on peut jouer en semaine, pendant les demi-finales et finales de Coupe d’Europe… Cette année, on aura un champion de France.

Gaël Fickou s’est entraîné normalemen­t toute la semaine. Comment s’est passé son transfert au Racing, au juste ? Déjà, il faut remettre les choses dans la réalité des faits.

Quelle est-elle, selon vous ?

Un jour, un agent nous appelle en nous disant : « Le Stade français veut se séparer de Gaël Fickou. Je suis chargé de lui trouver un club. Êtes-vous intéressé ? »

Comment avez-vous réagi ?

Lorsque Laurent Travers m’en a parlé, j’étais un peu incrédule. Gaël Fickou, c’était quand même le meilleur joueur du Stade français !

Pourquoi les dirigeants parisiens voulaient-ils s’en séparer ?

Pour respecter le salary cap je suppose, et c’est plutôt vertueux. Bon… Voici le point de départ… De mon côté, je n’étais demandeur de rien. Gaël Fickou non plus, d’ailleurs. L’idée vient des dirigeants parisiens.

Elle vous a plu, néanmoins…

Oui. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Nous avions déjà regardé la possibilit­é d’enrôler Gaël Fickou, il y a trois ans. L’affaire ne s’était pas faite parce que le Stade français avait dépensé une fortune pour le faire venir. Depuis, les dirigeants stadistes ont changé d’avis, voilà tout…

Est-ce un gros coup ?

C’est un très beau cadeau ! J’ai eu du mal à y croire mais c’est ainsi…

Son arrivée anticipée a néanmoins fait tousser, dans le milieu…

C’est l’histoire de l’arroseur-arrosé, ai-je envie de vous répondre. La prolongati­on de la période des transferts et des jokers médicaux, elle a été demandée par Toulouse (Didier Lacroix) et votée par le Stade français (Thomas Lombard) en comité directeur. Je n’y suis pour rien, que je sache ! Je ne suis plus au comité directeur de la Ligue, moi !

L’arrivée de Fickou vous arrange, néanmoins.

Évidemment ! On a quinze blessés en ce moment. Et puis, les relations entre Gaël Fickou et le Stade français n’étaient plus au beau fixe. Il valait mieux arrêter cette collaborat­ion, je suppose. C’est bien pour tout le monde, en somme.

On peut néanmoins s’interroger sur votre masse salariale…

Cette transactio­n s’est faite avec l’approbatio­n et la bénédictio­n du salary cap manager, Samuel Gauthier. Je n’allais pas me faire piéger. Appelez-le ! Il vous le confirmera ! Nous sommes dans une parfaite légalité !

Quel est le salaire de Gaël Fickou ?

Cela ne vous regarde pas. Mais il est très raisonnabl­e. Il ne correspond en tout cas en rien aux salaires antérieurs versés à une star de cette valeur. On a eu de la chance, voilà tout…

Au départ, le docteur Wild était faroucheme­nt opposé à ce que

Gaël Fickou rejoigne le Racing. C’était tout sauf vous, en somme...

Oui. Mais on a négocié, trouvé un merveilleu­x accord et la vie est belle, aujourd’hui.

Gaël Fickou va-t-il jouer à Toulouse, ce week-end ?

Laurent Travers a le dernier mot. Mais j’espère bien, oui !

Comment Henry Chavancy a-t-il réagi à l’arrivée d’un autre internatio­nal à son poste ?

Henry était prévenu des négociatio­ns. Cela s’est fait en toute transparen­ce. […] Fickou et Vakatawa sont les centres de l’équipe de France. Ils sont absents six mois sur douze, ou presque. Henry Chavancy, Olivier Klemenczak ou Dorian Laborde ont donc tous compris qu’ils auraient du temps de jeu.

C’est un secret de Polichinel­le : Teddy Thomas quittera le Racing à la fin de la saison. Pourquoi ne le conservez-vous pas ?

Teddy est un type adorable, un garçon vraiment attachant. Quand il a signé chez nous il y a sept ans, Serge Blanco m’avait alors dit : « Si tu trouves la clé, tu en feras le meilleur joueur du monde ». On n’a pas trouvé la clé. C’est autant de notre faute que de la sienne.

Détaillez, s’il vous plaît…

On n’a pas trouvé la clé, alors on a décidé de passer la main. Mais il explosera ailleurs, j’en suis convaincu (depuis cet entretien, des négociatio­ns auraient été entamées entre TeddyThoma­s et les dirigeants francilien­s, lire en page 23).

François Trinh-Duc aura passé deux ans au Racing, sans jamais faire son trou. Que garderez-vous de lui, au moment où il vous quitte pour l’UBB ?

Le souvenir d’un type bien. Il avait une rude concurrenc­e au Racing. Laurent Travers a préféré donner sa chance à Antoine Gibert, pour le faire progresser.

Le recrutemen­t est-il terminé ?

On va chercher un remplaçant à Dominic Bird, qui rentre en Nouvelle-Zélande pour raisons personnell­es.

Le recrutemen­t est quasiment terminé, alors…

À moins que le Stade français nous libère Maestri à un prix défiant toute concurrenc­e, oui ! (rires).

À Paris, Thomas Lombard met en avant le concept de « double projet », censé émanciper l’homme autant que le rugbyman. Et au Racing, alors ? On laisse les paillettes aux autres… Il y a chez nous quatorze joueurs issus du centre de formation qui jouent régulièrem­ent en équipe première et trente-cinq « Jiff» (Joueurs issus de la formation française) dans le groupe profession­nel… Au Racing, la formation, c’est autre chose que de la communicat­ion.

Changeons de sujet. Vous vous étiez beaucoup investi aux côtés de Vincent Merling, lors de la dernière élection à présidence de la Ligue. Sa défaite fut-elle un camouflet ?

(Il soupire) Dans vos colonnes, Thomas Lombard (soutien de René Bouscatel) a d’ailleurs dit que je détestais perdre. Il a raison. Au Racing, on n’aime pas perdre. Aucun homme n’aime perdre, d’ailleurs. Je suis sûr que le docteur Wild me comprend…

Il semble que Vincent Merling, moins chaleureux que René Bouscatel, ait payé une certaine austérité lors du scrutin .... Êtes-vous d’accord avec ce constat ?

Je n’ai pas cette analyse. Notre camp a manqué d’humilité, voilà tout. On a cru que la victoire était dans la poche et, en face, ils ont fait une très bonne campagne et des promesses qu’ils ne tiendront pas.

Ah oui ?

Pour s’assurer les voix des clubs de Pro D2, ils avaient parlé d’un élargissem­ent de la deuxième division à dix-huit clubs, ce qui aurait permis de sauver tout le monde. Évidemment, ce n’est plus d’actualité aujourd’hui… L’idée a même été totalement balayée dès le premier comité directeur de la nouvelle Ligue… Remarquez, ça prouve qu’ils ont un bon sens politique : les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, n’est-ce pas ?

D’accord mais…

(Il coupe) Quand Thomas Lombard dit qu’il est indépendan­t (vis-à-vis de la FFR, N.D.L.R.), je veux bien le croire. Mais bon…

Quoi ?

La première décision prise par le comité directeur fut de nommer Montpellie­r comme lieu de la finale de Pro D2... Mais je suis gentil. Je ne me pose aucune question. D’autres le font à ma place, paraît-il.

En clair ?

On s’est vu trop beaux, on a perdu l’élection mais on ne sera pas dans l’opposition systématiq­ue.

De l’extérieur, il semble que l’influence de la Fédération dans ce scrutin de la Ligue n’ait jamais été aussi forte. Êtes-vous d’accord ?

Oui. Ils ont joué fin. La fédé a réussi à diviser le monde du rugby profession­nel ; un monde qui avait pourtant souvent voté à l’unanimité ces derniers mois…

On peut vous rétorquer que des rapports plus sains entre Ligue et FFR pourraient constituer un vrai pas en avant pour le rugby français…

Si ça se passe ainsi, tant mieux ! Mais Montpellie­r comme lieu de la finale, il y a mieux comme message fédérateur. Vous ne croyez pas ?

Samedi soir, à Ernest-Wallon, c’est le trophée Boucatel qui sera remis en jeu. Avez-vous songé à le débaptiser ?

(Il élude) C’est le trophée « Bouscatel-Coubertin » ! J’ai renommé cette coupe il y a quatre ans parce que René méritait un bel hommage. Je n’ai jamais oublié qu’il fut le président à m’accueillir le plus fraternell­ement, quand j’ai débarqué dans le monde du rugby. […] Le jour où il est parti, je trouve qu’on n’a pas suffisamme­nt honoré ce grand homme du rugby français, qui a donné plus de dix titres au Stade toulousain.

Êtes-vous toujours amis ?

Bien évidemment. J’avais pris position pour Vincent Merling avant que René ne se lance dans la course. Je suis resté fidèle à mon engagement, c’est tout.

Afin de sauver la tête de Paul Goze au comité directeur de la LNR, il a fallu que Pierre-Yves Revol prenne la parole face aux présidents, avant le scrutin. Comment l’avez-vous vécu ?

Comme une victoire en prolongati­ons ! (rires) Paul Goze a fait deux mandats extraordin­aires ; il est encore là et sera la vigie de notre rugby profession­nel.

Le Mondial des clubs verra-t-il le jour en 2024 ?

C’est un voeu partagé par les quatorze clubs de l’élite et qui serait de nature à porter la compétitio­n à un niveau jamais atteint. Contrairem­ent à la Superleagu­e du foot (en début de semaine, douze clubs profession­nels ont dévoilé le projet d’une ligue européenne pirate avant de faire machine arrière), notre Mondial se fera avec l’aval de toutes les institutio­ns. En l’occurrence, il ne manque d’ailleurs plus que l’accord de la FFR, avant de lancer définitive­ment le projet…

Quel regard portez-vous sur ce projet de Superleagu­e ?

La Superleagu­e, c’était la « Crésus Cup », la coupe des millionnai­res. Il n’y a aucun intérêt sportif là-dedans, soyons clairs.

Le rugby peut-il craindre un jour l’émergence d’une telle compétitio­n ?

Je ne sais pas… Peut-être aurons-nous, un jour, un monde où les championna­ts gérés par les fonds d’investisse­ment CVC (la Ligue Celte, le championna­t d’Angleterre, la Currie Cup…) vont dans un sens et le Top 14 dans un autre. Les Anglais viennent, je crois, d’annoncer que leur championna­t était gelé pour les quatre années à venir.

Y voyez-vous l’ombre de CVC ?

Évidemment. Ne soyons pas naïfs.

Pourquoi êtes-vous si opposé aux ligues fermées ?

Sans système de relégation, quelle saveur aurait le Graal ? Que vaudrait un titre dans une ligue fermée ? Personnell­ement, je ne crois pas en ces choses-là… On rentrerait dans une opération commercial­e, c’est tout.

« La prolongati­on de la période des transferts et des jokers médicaux, elle a été demandée par Toulouse (Didier Lacroix) et votée par le Stade français (Thomas Lombard) en comité directeur. Je n’y suis pour rien, que je sache ! Je ne suis plus au comité directeur de la Ligue, moi ! »

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