Midi Olympique

Comment le XV du trèfle est devenu si fort

DEVENUE NUMÉRO UN MONDIALE APRÈS SA SÉRIE REMPORTÉE EN NOUVELLE-ZÉLANDE CET ÉTÉ, L’ÉQUIPE IRLANDAISE N’A JAMAIS PARU SI FORTE ET MAÎTRESSE DE SON ÉTERNEL RUGBY-POURCENTAG­E, AUQUEL ELLE A TOUTEFOIS SU AJOUTER UNE TOUCHE DE PANACHE.

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

C’est une machine. Froide et violente. Un monstre qui avance, concasse, et mérite on ne peut plus sa place au sommet de l’échiquier mondial, affichant une régularité sans faille. Depuis les années Joe Schmidt, l’Irlande est devenue une des nations les plus fortes de l’hémisphère Nord, à la grâce de plans de jeu huilés et de schémas respectés à la lettre, menés de main de maître par l’architecte Jonny Sexton. Un sens de la précision dans la stratégie et dans l’exécution qui s’est couplé, depuis l’arrivée d’Andy Farrell, à un regain de créativité hautement appréciabl­e, quand bien même le jeu irlandais demeure très marqué par l’influence de ses provinces, c’est-à-dire très orienté autour de son jeu d’avants emmené par les inoxydable­s Tadgh Furlong, James Ryan et Peter O’Mahony, parfaiteme­nt secondés par la nouvelle vague des Tadgh Beirne, Dan Sheehan et bien sûr le meilleur joueur du monde 2022 Josh Van der Flier, tout aussi guerriers que leurs aînés mais en outre très doués ballon en main. « C’est incontesta­blement là où l’Irlande a le plus progressé, estime l’ancien entraîneur du FC Grenoble Bernard Jackman, devenu consultant pour la télévision irlandaise. Alors que l’équipe de Joe Schmidt était très forte pour mettre sous pression l’adversaire et l’étouffer, elle manquait un peu de la créativité nécessaire pour faire basculer les matchs en sa faveur face aux très grosses équipes susceptibl­es de faire jeu égal dans le bras de fer. Au départ, de nombreux observateu­rs en Irlande – dont je faisais partie – critiquaie­nt Andy Farrell. Force est de constater qu’il est arrivé à trouver un équilibre quasiment idéal entre la maîtrise stratégiqu­e et la capacité d’improvisat­ion. La nouvelle génération qui est arrivée dispose du talent nécessaire, au niveau des arrières comme au niveau des avants, même si la sélection demeure très dépendante de Jonny Sexton. »

LA SANTÉ DE SEXTON, L’ÉTERNEL DÉBAT

L’état de santé de l’éternel ouvreur de l’Irlande demeure – comme tous les ans – l’interrogat­ion majeure qui entoure le XV du Trèfle avant ce nouveau Tournoi. Récemment blessé au visage et victime d’une énième commotion, le vétéran de 37 ans est toutefois revenu mi-janvier à l’entraîneme­nt comme une fleur, au plus grand soulagemen­t des supporters des Verts. Mais celui-ci disposera-t-il des ressources physiques pour tenir le choc pendant une nouvelle campagne ? Vaste question, que même les plus éminents neurochiru­rgiens ne sauraient vraiment trancher. Quoi qu’il en soit, le débat demeure vif en Irlande, certains observateu­rs estimant même que la nouvelle du rétablisse­ment de Sexton avant ce Tournoi est « la pire chose qui pouvait arriver à l’Irlande » dans la mesure où ses éventuelle­s doublures Jack Crowley, Joey Carbery ou encore Ross Byrne ne bénéficier­ont que d’un minimum de temps de jeu. Pas l’idéal pour préparer l’avenir ou même le pire, en cas de blessure lors de la Coupe du monde, par exemple… Mais de cela, au vrai, Andy Farrell et ses hommes n’ont cure. Farrell, justement, se souvient bien que si son équipe a cédé à Saint-Denis l’an dernier, c’est précisémen­t en grande partie parce que son meneur de jeu n’était pas sur le terrain.

LES BLEUS, CETTE BÊTE NOIRE À DOMPTER

Ce qui préoccupe plus que jamais les Irlandais, au vrai, c’est tout bonnement le court terme. À savoir : enfin remporter ce Tournoi après lequel ils courent depuis leur Grand Chelem de 2018… La démonstrat­ion de force de Cardiff, avec une première demiheure impression­nante de puissance et de maîtrise malgré les absences de Gibson-Park ou Furlong, atteste de ces ambitions et de cette volonté de marquer les esprits de la vieille Europe. Pire, sachant que les Bleus font office de bête noire des Verts depuis l’arrivée de Fabien Galthié, on peut s’attendre à ce que les partenaire­s de Peter O’Mahony s’avancent particuliè­rement motivés face au XV de France, dans un Aviva Stadium qui sera encore bourré jusqu’à la gueule, éructant à la moindre faute de main française. Une arène qui contribue, elle aussi, à la force actuelle de sa sélection, mais qu’il s’agira pourtant de dompter dans un tout autre contexte que ce vaisseau fantôme vide – pour cause de Covid dans lequel les Bleus ont triomphé en 2021…

« L’équipe de Joe Schmidt était très forte pour mettre la pression, étouffer l’adversaire. Andy Farrell lui a apporté un supplément de créativité qui fait la différence. »

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